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La «massification» du bac n’est pas ce que l’on croit!...

Lien publiée le 15 juin 2016

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(Mediapart) En 2015, 55% de la classe d'âge a obtenu un baccalauréat général ou technologique. Autant mais pas plus qu'en 1995, vingt ans plus tôt ! En revanche 22,2% de la tranche d'âge a obtenu un baccalauréat professionnel en 2015 contre 7,4% en 1995 ; soit un triplement en vingt ans. Il est donc difficile de parler tout uniment de la massification « du » bac.

S'il y a encore en 2015 (comme en 1995) 55% de la classe d'âge qui obtient un bac général ou technologique cela tient à ce que les taux de réussite à ces baccalauréats dépassent actuellement les 90% alors qu'en 1995 ils n'étaient que de l'ordre de 75% (la proportion de la classe d'âge en terminale en vue de ces baccalauréats là ayant diminué dans le même temps d'environ 15%...). Une réalité qui passe généralement inaperçue

Il n'en va pas de même pour les baccalauréats professionnels dont les taux de réussite ont peu progressé : de l'ordre de 75% en 1995 à 80% en 2015. Le triplement de l'obtention d'un bac professionnel en 2015 (22,2%) par rapport à 1995 (7,4%) peut donc être rapporté quasiment à untriplement de la proportion d'élèves en terminale en vue de ces baccalauréats là.

Or les appartenances sociales des lauréats aux différents types de baccalauréats diffèrent très sensiblement. Par exemple, on trouve 36% de lauréats d'origine sociale ''cadres ou professions intellectuelles supérieures'' parmi les admis aux baccalauréats généraux en 2015 (contre seulement 11% d'enfants d'ouvriers) ; alors que c'est exactement l'inverse pour les lauréats de baccalauréats professionnels : 10% seulement d'entre eux ont pour origine sociale ''cadres ou professions intellectuelles supérieures'' (contre 34% d'enfants d'ouvriers).

A leur création, il y a une trentaine d'années, les baccalauréats professionnels relèvent manifestement plus d'un processus de ''massification'' (''simple'' allongement de la scolarisation) que d'un processus de ''démocratisation'' (accès élargis à des ''cultures'' et/ou des ''places'' particulièrement recherchées).

Le 28 mai 1985, le ministre de l’Education nationale Jean-Pierre Chevènement annonce que les « baccalauréats professionnels » sont créés afin de répondre en premier lieu aux besoins de modernisation du pays (dans le cadre d’une concurrence internationale accrue) en formant des « ouvriers » de plus en plus qualifiés  « souvent au niveau du baccalauréat, quelquefois à un niveau supérieur encore ». L’objectif premier de cette création n’est donc pas de l’ordre de la promotion sociale.

Le 8 octobre 1985, le ministre précise qu’il s’agit « d’offrir, à l’issue de la classe de troisième, trois voies d’égale dignité » : la voie générale, dans laquelle « peuvent s’engager ceux qui ont les capacités de poursuivre des études aux niveaux les plus élevés de l’Université » ; la voie technologique, «  qui conduira la majorité des jeunes qui s’y engagent vers un niveau de technicien supérieur » ; et la «voie  professionnelle, qui assure, après l’obtention d’une qualification de niveau V, une possibilité de poursuivre la formation jusqu’au niveau du baccalauréat et même vers un niveau plus élevé ».

Il y a donc l’affirmation (symbolique) par le titre même de ‘’baccalauréat’’ d’une ''égalité de dignité'', mais non d’une égalité de parcours (même si, compte tenu de sa ‘’double nature’’, l’obtention du bac permet juridiquement l’entrée à l’Université ).

Cependant, sur ce dernier point, il y a eu une évolution très sensible, qui va s'accélérant : les lauréats des baccalauréats professionnels (contrairement à ce qui était attendu à leur création en 1985) sont de plus en plus nombreux à poursuivre des études supérieures. Cela ''change la donne'' et offre la possibilité de passer du processus de ''massification'' à celui d'une certaine ''démocratisation''.

Ils sont désormais plus de 35% à le faire (contre 17% il y a quinze ans). Avec, certes, des chances de succès fortement différenciées selon les voies de l'enseignement supérieur empruntées. Ainsi les taux de réussite pour les 8% de bacheliers professionnels qui tentent « leur chance » en université  sont extrêmement minces. Seulement 2,7% des bacheliers professionnels qui se sont inscrits à l’université en 2007 ont obtenu une licence au bout de trois ans (en 2010 ). Et seulement 4,1% des bacheliers professionnels qui se sont inscrits à l’université en 2006 ont été titulaires d’une licence en 2010 ( en trois ans ou quatre ans, taux de réussite cumulée).

Par contre, en 2010 également, la réussite des lauréats des baccalauréats professionnels aux ''BTS production'' a été de l’ordre des deux tiers, et celle des lauréats des baccalauréats professionnels aux ''BTS service'' de près de la moitié. Ce ne sont pas des taux de réussite foncièrement élevés (loin s’en faut, en particulier en ''BTS services'' ), mais cela vaut quand même la peine de tenter sa chance. Et ils le font, de plus en plus nombreux et déterminés pour atteindre la qualification qui était prévue par le ministre de l'Education nationale Jean-Pierre Chevènement (lors de la création en 1985 des bacheliers professionnels) pour les bacheliers technologiques, à savoir la qualification de « technicien supérieur ». Il s'agit donc bien de monter d'un ''cran'' pour les titulaires d'un baccalauréat professionnel, dans un processus de ''démocratisation''.

La ministre de l'Education nationale Najat Vallaud-Belcacem a annoncé le 8 juin que  1000 places de plus que l'an dernier étaient ouvertes et que 2 000 places supplémentaires seraient créées chaque année pendant les 5 ans à venir, de façon que les poursuites d'étude en STS soient "de droit" pour les "bacs pro" qui le souhaiteront et dont le conseil de classe estimera qu'ils en sont capables. Dès l'année prochaine, 3 académies expérimenteront cette disposition.

Cela s'inscrit dans le contexte du rapport du « Comité pour la stratégie de l'enseignement supérieur » qui propose d' « atteindre d'ici 2025, 60% de diplômés de l'enseignement supérieur dans une classe d'âge », un objectif repris à son compte par François Hollande. En 2015, 77% de la classe d'âge a obtenu un baccalauréat : 55% un baccalauréat général ou technologique (une proportion inchangée depuis 1995, avec deux points de plus en ''général'' et deux points de moins en ''technologique''), et 22% un baccalauréat professionnel (dont la proportion a été triplée en vingt ans). L'objectif visé doit donc prendre en compte le devenir des lauréats des baccalauréags professionnels dans le supérieur. Il est recommandé de donner la priorité aux bacheliers professionnels en STS, et aux bacheliers technologiques en IUT. « L'avenir dure longtemps », comme disait le Général.