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Loi El Khomri: perspectives
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Voilà plus de trois mois que la protestation populaire ne cesse pas.
Malgré la durée, malgré les difficultés, malgré les manipulations médiatiques (télés, journaux etc.), malgré la brutalité féroce de la répression, une large majorité de la population est toujours franchement hostile à la loi Travail – ce qui surprend même les larbins du capital !
Aujourd’hui pourtant, il n’y a plus vraiment de mouvement gréviste, après les grèves dans la Chimie, les Transports, des déchetteries, des Ports, ces secteurs vitaux qui bloquent le fonctionnement du capitalisme. Partis en fer de lance de la grève, pour montrer l’exemple – et c’était juste – ils n’ont pas été suivis, faute de mobilisation suffisante ailleurs dans les entreprises.
Oh, pas la faute d’une quelconque trahison de qui que ce soit, plutôt un mouvement qui n’arrive pas à sortir du noyau dur des convaincus, dans un contexte économique et social difficile, avec en ligne de mire 2017 et à coup sûr les nouvelles attaques à venir. La résignation et le fatalisme sont encore forts autour de nous, et toute l’énergie des camarades n’a pas réussi à faire partir, même les gros bastions de l’automobile ou de l’aéro…
Plus non plus de vrais blocages, la guérilla avec les forces de l’ordre s’est épuisée, peut-être en attendant une nouvelle échéance majeure ?
Mais les manifs du 14 juin ont été énormes, et certainement pas en forme de baroud d’honneur. Peut-être pas le million annoncé par les syndicats sur Paris, mais certainement pas les 75 000 de la police – gag. Probablement 300 000 à 500 000. Peu importe au final, c’était énorme, la mobilisation la plus importante depuis mars, et chacun l’a vu, concrètement, sur le terrain, contre les « journalistes policiers marchands de calomnies »…
Alors ? On en est là. La colère reste là – insupportable – mais ce qui manque ce sont des perspectives.
Retrait de la loi travail, bien sûr, mais c’est trop court pour construire un espoir. Chacun(e) a en mémoire les lois qui s’enfilent comme des perles, chaque année, avec chaque fois son lot de nouvelles attaques. Alors retrait de la loi ? Bien sûr. Mais en attendant la prochaine ?
Personne ne peut reprocher à la Conf’ de chercher aujourd’hui à négocier une sortie de crise avec El Khomri dans la situation actuelle, personne ne voit trop comment en sortir autrement. D’autant qu’un rapport de force est clairement établi, et qu’il faut en profiter à défaut de gagner le retrait en tant que tel.
Par contre, ce qu’on peut reprocher, c’est le contenu des négociations imaginées par la CGT (voir le texte ci-contre). Tout le texte porte en fait sur les modalités de négociation avec les syndicats, pour faire passer la pilule.
Rien contre la précarité accentuée (enfin, juste une allusion aux licenciements économiques), rien de précis sur la flexibilité (discussion renvoyée à la loi…), le bavardage sur le Code du Travail du XXIème siècle, mot d’ordre creux et sans contenu et erronné sur le fond…
Il faudrait s’interroger sur la difficulté que nous avons tous eu à élargir le mouvement autour de nous. Sur l’absence de plateforme claire, de mots d’ordre mobilisateurs pour les travailleurs, contre la précarité, contre la flexibilité, attaques pourtant vécues au quotidien dans toutes les entreprises, privées comme publiques (Cheminots, AP-HP, PSA pour ce qui est de l’actualité…) et qui vont se généraliser avec la loi El Khomri (voir notre article « Quelles revendications contre la loi travail ? »).
A quand la contre-offensive centralisée, organisée au niveau confédéral, contre la flexibilité du temps de travail partout dans les entreprises ??? Où contre la précarité, pour la ré-internalisation de la sous-traitance, pour l’interdiction de l’intérim et l’embauche des intérimaires ? Voilà qui aurait eu une autre gueule, et qui aurait (peut-être) permis d’élargir la mobilisation…
Concernant la violence et la répression
La violence policière a atteint un degré inédit dans la répression depuis trois mois. Cela a contribué à décourager certains, par exemple les lycéens qui ont été les premiers massacrés au début du mouvement. Mais cela n’a pas découragé les manifestants. Cela n’a pas retourné l’opinion. Au contraire même, les cortèges de tête se sont étoffés, et nous savons tous que parmi les cagoulés il y a nombre de syndiqués – et pas seulement à la CNT, les CGTistes sont bien présents.
Malgré toute la propagande de la presse, les torrents d’intoxication quotidiens à la télévision, les manifestants combatifs, les syndicalistes déterminés ont toujours refusé de condamner les « casseurs » même s’ils ne partagent pas leurs méthodes et leurs points de vue. Car il y a en commun l’énorme colère, le caractère insupportable des attaques à répétition contre les travailleurs, le ras le bol accumulé depuis des années qui est aujourd’hui manifeste et l’ennemi commun affronté au gouvernement et au MEDEF.
Au lieu de se précipiter pour condamner les « casseurs » autour de l’Hôpital Necker (voir ci-contre), la confédération aurait été mieux inspirée de tourner sept fois la plume dans l’encrier (ou la touche sur le clavier…). Qui n’a pas vu l’énorme manipulation médiatique, mise en place dès l’après-midi de la manifestation toujours en cours, avec les infos comme quoi le fils du flic tué par le tueur de l’EI était justement là dans cet hôpital et que c’était un scandale etc. ? Si la CGT avait pris un peu de temps pour réfléchir, elle aurait vite vu qu’il n’y avait en fait que deux cagoulés qui se sont attaqués à Necker, et avec cinq minutes de plus elle aurait pu vérifier que c’était bien une « bavure » (selon nos informations, il s’agit de deux allemands qui ne savaient pas et ne lisaient pas le français… et il y a même eu des « excuses » des « casseurs »,devant les vitres brisées par erreur – voir ci-contre et voir l’article de Gazette Debout ICI). Bref au lieu de se mêler au chant commun de la réaction, Martinez aurait mieux fait de dénoncer les violences policières inouïes – justement devant Necker –, les traquenards tendus aux manifestants, tant du cortège de tête que de la manifestation proprement dite.
A ce que nous savons, il y a à ce propos un débat assez tendu au sein même de ce qui reste du SO de la CGT (démantelé par Thibault) pour savoir comment le reconstituer et avec quelles missions… C’est le moment de remettre les pendules à l’heure !
Nos perspectives immédiates et à moyen terme
- Réussir les journées de mobilisation des 23 et 28 juin, pour contraindre le gouvernement à lâcher du lest. Plus que jamais, « Ni chair à patrons, ni chair à matraques, retrait, retrait de la loi El Khomri » !
- Organiser la solidarité avec les inculpés, contre la répression, pour la relaxe de tous les inculpés depuis le 9 mars (voir l’article ICI). Organiser les mobilisations, la défense juridique, le soutien financier, les visites, les soins médicaux.
- Constituer des réseaux de solidarité directs partout, via les structures syndicales quand c’est possible (unions locales), via les rencontres dans les blocages et les meetings. Tisser des liens, intersyndicaux, avec en tête que les années à venir ne vont pas être faciles et que les attaques vont se poursuivre. C’est forts et solidaires, en rangs serrés que nous pourrons résister, et pas éparpillés.
2017 ce n’est pas une perspective, quoiqu’en pensent une partie de nos camarades qui se raccrochent à cette branche illusoire pour tracter pour Mélenchon. Notre avenir, il est à construire, à la fois dans les réseaux de solidarité, et dans l’élaboration d’une plateforme de combat, contre le monde qui se cache derrière la loi El Khomri !