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A Paris, premier «nassage» d’une bourse du travail

Lien publiée le 28 juin 2016

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

En fin de matinée, les CRS ont encerclé la Bourse du travail de Paris dans l’intention de filtrer et d’interpeller les participants de l’AG interpro’. La nasse ordonnée par le préfet a provoqué une manifestation devant les locaux syndicaux.

Vers 11 h 30, les CRS se sont placés en catimini aux abords de la Bourse du travail de Paris. À petits pas, comme des voleurs. Peu à peu, ils ont encerclé le bâtiment, dans l’intention de fouiller, filtrer et interpeller les militants qui en sortaient. En déployant ainsi la police, le préfet Michel Cadot – ancien directeur de cabinet de Michèle Alliot-Marie au ministère de l’intérieur – a pris une décision symbolique et lourde : sauf réquisition judiciaire, les locaux syndicaux, tels que la Bourse du travail, sont réputés inviolables par l’Organisation internationale du travail. Le contrôle des militants qui s’y rendent ou en sortent constitue une entrave à la liberté syndicale. En outre, la fouille des manifestants est en principe limitée par l’arrêté du préfet à la zone de manifestation commençant à Bastille et aux rues alentour.

La nasse mise en place en fin de matinée 

La nasse mise en place en fin de matinée

À République, à l’intérieur de la Bourse du travail, justement, se tenait l’assemblée générale interpro’ regroupant syndicats, inorganisés, dont certains membres de Nuit debout, et l'on discutait des nasses policières et de l’intérêt de rejoindre la manif intersyndicale contre la loi sur le travail. La proposition des représentants de SUD PTT 92, en grève depuis 48 jours, était d’y aller groupés, tandis que d’autres militants reprenaient les termes d’un appel à rester en périphérie du cortège – « Contre la mise en cage du droit de manifester » – ou à se retrouver ailleurs dans Paris.

« Le virage a déjà eu lieu, je n’irai pas à ce rendez-vous qui est un rendez-vous policier », proclame un militant. « Je veux bien me faire nasser mais ce sera devant mes camarades en lutte, rétorque un postier, qui préconise de rejoindre la Bastille. L’alternative, c’est quoi ? Se faire nasser ailleurs quelque part dans Paris ? » Sans le savoir, le préfet met donc tout le monde d’accord en déployant une nasse jusqu’aux portes de la Bourse du travail.

« Les flics se sont positionnés partout ! » annoncent deux jeunes, interrompant l’AG. « C’est tout le quartier qui est bloqué ! » Dans le quart d’heure qui suit, tous les syndicats sont prévenus. Un texte est concocté dénonçant le « déploiement de la police », et le « quadrillage d’un quartier autour d’un local syndical ». Il appelle « à tout mettre en œuvre pour que la police quitte les lieux »« C’est une séquestration ! » réagit un militant qui veut durcir le texte. « Non, pour le moment, ils ne nous séquestrent pas… corrige un animateur de l’AG. Mais il faut lancer un appel pour que les organisations nous rejoignent ici. »

La nasse formée par les CRS vue du 2e étage de la Bourse du travail © Kl 

La nasse formée par les CRS vue du 2e étage de la Bourse du travail © Kl

Leur appel est entendu et des soutiens se pressent bientôt derrrière la nasse. Les vigiles du bâtiment ont reçu de la police « l’instruction de fermer les portes » derrière les militants en cas de sortie. Dans l'AG, l’idée d’un départ en manif se fait jour, mais sans illusion. « Il faut un groupe important qui garde le contrôle des portes », propose l’un des animateurs de la réunion. « L’UD CGT a appelé Martinez, qui a appelé le préfet pour dire que c’est scandaleux de venir à la Bourse du travail », rapporte un militant qui a joint la centrale syndicale.

Les militants SUD font la proposition de « sortir du bâtiment » et de « refuser collectivement de se soumettre à la fouille »« Ils nous laissent pas passer et puis voilà, ils gazeront », murmure une jeune femme, fataliste. « Si ça finit en nasse, on s’engage à ne pas montrer nos cartes d’identité ! » lance un militant. « Personnellement, je n’irais pas à Bastille, tranche un autre. Essayons de nous rassembler ici ! » S’il y a repli et charge policière, on songe à l’occupation. « On est deux cents, sortons et voyons comment ils réagissent, propose Xavier Mathieu, l’ancien délégué syndical CGT de Continental, signataire de l’appel « contre la mise en cage ». Manifestons devant la Bourse du travail. La même manif pourrie que le 23 juin, on la refuse. Il faut refuser ça, parce que sinon toutes les manifs seront comme ça. »

À l’extérieur, les CRS ont été rejoints par les gendarmes, qui forment une ligne de boucliers. « On laisse sortir de manière isolée avec contrôle des sacs », crachote un officiel sur la radio des CRS. La manifestation s’improvise, les banderoles sortent, les slogans fusent, malgré l’interdiction d’avancer. On annonce l’interpellation d’un membre de SUD éducation à son domicile. Le 23 juin, les postiers qui se rendaient à la manif ont été contrôlés trois fois, puis matraqués, pour finalement passer l’après-midi devant un commissariat du XVIIIe arrondissement, deux d’entre eux ayant été interpellés – l’un parce qu’il avait des lunettes de plongée, l’autre pour « rébellion » à la suite d’une charge. Ils sont présents tous les deux devant la Bourse du travail.

Double ligne de gendarmes pour éviter la jonction avec les soutiens arrivés sur place © Kl 

Double ligne de gendarmes pour éviter la jonction avec les soutiens arrivés sur place © Kl

Après 48 heures de garde à vue, Adil doit comparaître le 6 septembre pour « outrage et rébellion ». Matraqué dans le dos et sur les jambes, il a subi deux décharges de taser lors de son interpellation. « J’avais seulement repoussé un CRS qui m’avait bousculé deux fois, raconte-t-il. Il m’a dit “toi, je vais pas te lâcher“ et il m’a tiré vers l’arrière, et là c’est parti en coups de matraque sur moi. Quand il a vu ma carte de résident, il m’a dit : “Je vais faire en sorte qu’on te renvoie” ! » Secrétaire adjoint de SUD PTT 92, Xavier a lui aussi été matraqué le 23 juin. « L’idée du pouvoir, c’est d’empêcher syndiqués et non syndiqués de se retrouver, comme ici dans les AG interpro’ ou dans les cortèges de tête de manif, analyse le syndicaliste. C’est leur cauchemar qu’il y ait une convergence entre des familles politiques différentes, des comités d’action et des syndicats. Je ne partage pas l’idée de renoncer à manifester. Mais avec un pouvoir qui est prêt à encercler des bourses du travail, on va se retrouver face à des dispositifs comme en Turquie. On va être obligés de sortir très nombreux dans la rue. »

En fin d'après-midi, la préfecture a annoncé, sans évoquer son travail de filtrage, que les personnes rassemblées devant la Bourse du travail avaient été rejointes, vers 17 h 30, « par environ 1 500 manifestants provenant de la place de la République et de la place d’Italie »« Les forces de l’ordre ont été positionnées afin d’éviter tout départ en cortège, cette manifestation n’étant pas déclarée »,a-t-elle indiqué.

En début de soirée, les policiers desserrent légèrement leur étau, tout en maintenant un important dispositif aux abords immédiats de la Bourse du travail. Et l’AG reprend son cours dans la grande salle de la Bourse du travail, bondée.