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La réalisatrice Otero arrêtée pour avoir filmé la "chose publique"
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Le 5 juillet, la réalisatrice Mariana Otero a été arrêtée avec son équipe par des CRS en plein tournage de son dernier film, portant sur le mouvement Nuit debout. Elle dénonce l’interdiction qui lui a été faite de filmer la « chose publique », un « droit pour tous les citoyens ».
Je suis réalisatrice (Histoire d’un secret, Entre nos mains, A ciel ouvert etc…). Depuis trois mois avec l’aide d’un collectif « Les yeux de Marianne », je filme quotidiennement un groupe de jeune gens engagés dans le mouvement Nuit debout à République. Leurs réflexions et leurs actions.
Nous avons mis quelques vidéos sur YouTube surtout au début du mouvement :https://www.youtube.com/channel/UCP_YojMRZJ97TR17ubsD1rg
Lors des manifestations, comme tant d’autres journalistes et réalisateurs, nous avons été empêchés de filmer par des violences policières qui s’exerçaient à la fois sur les manifestants et tous ceux qui filmaient, photographiaient, périscopaient… Certains ont été touchés dans leur corps. Parfois gravement.
Mardi 5 juillet, dans un contexte pourtant calme, moi et mon équipe avons été froidement interpellées et arrêtées face à l’Assemblée nationale, dix minutes après notre arrivée pour le simple fait que nous filmions. Voici le récit des faits que vous pourrez constater aussi sur la vidéo périscope filmée par « La Taupe enragée » :
Moi et mon équipe, Sophie Tesson à la perche et Pascal Deux en renfort son, sommes arrivés vers 17h sur le pont de la Concorde. Il y avait plus de CRS que de manifestants, ces derniers étant encore peu nombreux et extrêmement pacifiques. Comme à l’habitude dorénavant, les manifestants ont très vite été nassés. Et les passants, triés : ceux qui semblaient vouloir manifester étaient fouillés puis poussés fermement dans la nasse, les autres, les touristes, pouvaient traverser le pont. Je filmais ces fouilles depuis quelques minutes quand les CRS, entre autres leur commandant, m’ont demandé ma carte de presse. J’ai expliqué que je n’étais pas journaliste mais cinéaste et que je n’avais pas à avoir de carte de presse pour avoir l’autorisation de filmer, que filmer la chose publique est un droit pour tous les citoyens. Mais les CRS ont continué de me demander d’arrêter de filmer arguant que ce jour-là, un arrêté préfectoral exceptionnel avait été émis interdisant les tournages devant l’Assemblée. Nous avons demandé à voir cet arrêté qui ne nous a jamais été fourni. J’ai continué de filmer.
Quelques minutes plus tard, les CRS se sont approchés de moi, décidés cette fois-ci à m’empêcher de filmer par la contrainte. Ils ont essayé de se saisir de la caméra. J’ai résisté en la serrant contre moi et en continuant d’affirmer mon droit haut et fort. Alors un jeune homme a essayé de s’interposer et de me défendre. Dans le même temps, Pascal Deux, par ailleurs réalisateur de fiction à Radio France a tendu sa carte de radio, espérant ainsi pouvoir me permettre de continuer à filmer. Un des CRS s’est saisi de la carte pour aller l’apporter à ses supérieurs hiérarchiques. Nous l’avons suivi. La situation était devenue très confuse, des manifestants nous soutenaient en protestant, les CRS hurlaient et s’agglutinaient. Pendant ce temps - je ne l’avais pas vu dans la confusion -, le jeune homme qui avait tenté de nous défendre, avait été mis à terre par trois CRS. Quand nous avons pris conscience de cette arrestation, Sophie Tesson et moi-même avons fait demi tour pour la filmer en espérant que le fait de filmer empêche et limite la violence policière qui sans regard extérieur peut se déchaîner.
A ce moment-là, alors que je filmais, j’ai été saisie fermement par le bras par un CRS et emmenée avec Sophie Tesson au bout du pont où la carte de Pascal Deux était vérifiée par d’autres CRS. Nous avons reçu alors l’interdiction absolue de filmer. Nous avons rappelé aux CRSla directive 2008-8433, qui dit qu’en aucun cas ils ne peuvent interdire de filmer ni même d’être filmés dans l’exercice de leur fonction. Mais ils en ont eu cure, nous avons été encerclés et isolés. Le commandant nous a alors accusé d’avoir été agressifs : je les aurais frappés de mon coude, bousculés avec la caméra, Sophie Tesson les aurait frappés avec la perche. Ils ont voulu vérifier nos papiers mais je n’avais que mon pass navigo et Sophie Tesson n’en avait pas. Puis ils ont confisqué le matériel caméra ainsi que le matériel son de Pascal Deux. Ils ont affirmé alors qu’en plus des soi-disant violences que nous leur aurions faites, nous aurions aussi arraché l’insigne d’un des CRS et ils nous ont montré la veste d’un des leurs où un insigne manquait. Les quelques CRS qui nous encerclaient, ont affirmé chacun sans la moindre vergogne avoir été témoin de cette scène qui n’avait pourtant jamais eu lieu.
Trois quarts d’heure plus tard, ils nous ont mis dans un fourgon et emmené au commissariat du 15ème. Là, nous avons été reçus rapidement par le Capitaine qui très vite nous a relâchés. Il a reconnu que nous avions été victimes d’une privation de liberté abusive de la part de cette brigade et que les CRS étaient « hors la loi » en nous empêchant de filmer. Il n’a pas pris en considération et n’a pas cru les soi-disant violences que nous aurions exercées contre les CRS.
Par contre, le jeune homme qui s’est interposé entre les CRS et moi - et dont, pour l’instant, sans son autorisation, je préfère taire le nom - ce jeune homme, donc, est quant à lui toujours en garde à vue dans le commissariat du 14ème. Alors qu’en l’occurrence, il est intervenu pour faire respecter la loi.