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Belgique : Le PTB perd des compagnons de route

Belgique

Lien publiée le 15 juillet 2016

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.anti-k.org/2016/07/14/belgique-le-ptb-perd-des-compagnons/#.V4iY8fntlBc

Source: Le Vif/l’express – © Belga

Tout n’est pas rose chez les rouges de chez rouge. Des formations qui avaient fait campagne pour le PTB en 2014 lui ont déclaré la guerre. Et certains des intellectuels et des syndicalistes qui l’avaient soutenu en sont déçus.15

Une certaine histoire attribue à Vladimir Ilitch Oulianov la paternité de l’expression d' »idiots utiles », appliquée aux intellectuels et aux militants non communistes qui accompagnèrent la révolution bolchevique. L’attribution est apocryphe, née probablement aux Etats-Unis pour décrédibiliser le père Lénine. On lui préférera celle de « compagnons de route », moins salissante. Et le PTB, parti d’avant-garde dont les tactiques d’inspiration léniniste conquièrent des positions jalousées en Belgique francophone, en avait fait le plein, de compagnons de route, en janvier 2014. L’ancienne secte maoïste, en plein essor après son congrès de rénovation de 2008, annonçait alors avoir reçu le soutien de figures très loin d’être idiotes : des syndicalistes comme Irène Pètre (CNE), des universitaires comme Isabelle Stengers et Anne Morelli (ULB), un magistrat comme Christian Panier, un journaliste comme Hugues Lepaige (RTBF), voire d’anciens mandataires d’autres partis, comme Sfia Bouarfa (PS) et Josy Dubié (Ecolo). L’attelage s’appelait PTB-GO, GO pour « gauche d’ouverture ». S’y étaient joints également une formation trotskyste, la Ligue communiste révolutionnaire, et ce qu’il subsiste du Parti communiste de Wallonie et de Bruxelles. Qu’en reste-t-il, deux ans et demi et deux députés fédéraux pour le PTB après ?

Rien ou presque : PTB-GO a explosé il y a longtemps. Et certains compagnons de route pensent avoir été pris pour des idiots utiles.

A la LCR surtout, mais aussi au PC, on s’est très vite éloigné d’un rapprochement auquel on n’avait souscrit que timidement. Il faut dire, y précise-t-on, que le PTB n’a pas voulu leur faire profiter d’une partie de sa dotation publique, reçue grâce à des députés « envoyés à la Chambre grâce à notre concours : dans le Hainaut, ça s’est joué à quelques centaines de voix près, et sans nous, ils ne les avaient pas », assure un trotskyste. Le PTB lui-même a, il y a longtemps déjà, annoncé sa volonté de croître tout seul. Rien de vraiment neuf là : la querelle ressortit à l’éternelle inimitié qui anime les différentes chapelles du gauchisme occidental. Mais la déception contamine désormais des milieux moins systématiquement impliqués dans ces tensions. Ainsi Daniel Piron, alors secrétaire régional de la FGTB Charleroi, avait le 1er mai 2012, lancé un appel à réunir les forces « à gauche d’Ecolo et du PS » qui a largement contribué au succès de l’opération PTB-GO. Aujourd’hui, il déclare s’être « fait avoir par le PTB. Nous lui avons permis de passer certains seuils, d’atteindre une visibilité qu’il n’a jamais eue, mais après ça, ils nous ont dit « maintenant on est grands assez, allez vous faire voir ! » »

Le coup de poing donné par un syndicaliste éméché à un commissaire controversé, à la manifestation du 24 mai dernier, à Bruxelles, a contribué à sceller encore davantage cette désunion. En aveux, Tanguy Fourez a été condamné à deux ans de prison avec sursis pour son agression sur Pierre Vandersmissen. Mais le PTB, dont Elio Di Rupo avait mensongèrement fait de Tanguy Fourez un militant, a virulemment dénoncé le coupable de cette agression. Comme la direction nationale de la FGTB, du reste, qui a demandé son exclusion du syndicat. Beaucoup, à gauche de la gauche, se sont mis en colère face à ce qu’ils ont perçu comme une curée. « L’acte lui-même est condamnable, mais on en profite pour comparer des manifestants à des terroristes. Or, ici, il ne s’agit pas d’un casseur anonyme, mais d’un militant, d’un syndicaliste apprécié de ses camarades qui s’est dénoncé, qui a reconnu ses torts, et que des organisations dont il se sent proche abandonnent », s’indigne le sociologue de l’ULB Mateo Alaluf. Avec d’autres, il a cosigné une carte blanche, publiée sur le site de nos confrères du Soir mais pourtant passée inaperçue. Intitulée « A travers Tanguy Fourez, c’est le mouvement social qui est visé », elle dénonce un « deux poids deux mesures » qui sanctionnerait lourdement le « geste malheureux » d’un militant en lutte contre l’austérité là où la justice ignorerait les « provocations » du commissaire divisionnaire Vandersmissen.

Et la liste de ses signataires enterre définitivement les grands rêves d’unité de la gauche. On y trouve en effet, outre Daniel Piron et Mateo Alaluf, certaines des plus notables figures de l’attelage PTB-GO : il y a l’ancien magistrat Christian Panier, il y a l’ancien député Josy Dubié. Il y a même des militants du PTB, mais qui n’ont pas osé se présenter comme tels. Il y a aussi les universitaires Isabelle Stengers et Anne Morelli. Celle-ci n’épargne pas un PTB taxé de mollesse. « Ça me déçoit, mais eux ont à présenter une image qui, paraît-il, devrait rallier beaucoup de gens. Moi, je ne me présente pas aux élections, je ne dois pas être sympathique, et je peux dire ce que je veux. Ils perdent leur âme à vouloir passer pour fréquentables. Et moi, je suis de ceux qui ont ri, et ils étaient des milliers, lorsque les travailleurs de Clabecq ont chargé au bulldozer sur des combis de gendarmerie… »

Le PTB en était également, à l’époque. Mais un délégué FGTB des Forges, Silvio Marra, a lui aussi signé cette condamnation de ceux qui condamnaient le camarade Fourez. Plus qu’un signe, un sceau d’infamie. Silvio Marra, jadis proche du PTB, s’est d’ailleurs peu à peu rapproché de la moins transigeante LCR. Et c’est celle-ci qui a rameuté pour donner à cette carte blanche des allures de proclamation schismatique. « Il y a des complotistes qui se demandent si la LCR n’est pas infestée par des services secrets. Eh bien, franchement ce genre d’initiative, ça peut leur donner du grain à moudre, car au fond toute la stratégie de la LCR va à l’encontre de ce que représentait GO, à savoir la constitution d’un rapport de force politique à gauche de la gauche », s’énerve-t-on au PTB.

Résumons : en 2014, tous avaient clamé leur bonne foi fédératrice. Deux ans plus tard, les petites formations de la gauche de la gauche accusent le PTB de sectarisme parce qu’il a grandi et n’a plus besoin d’eux, et le PTB accuse les petites formations de la gauche de la gauche de sectarisme parce qu’il a grandi et n’a plus besoin d’eux, et chacun s’accuse de comploter contre l’autre. Il y a du progrès : les vieux compagnons n’ont en fait jamais été si fort d’accord sur quelque chose.

« Ils sont critiques envers les syndicats, nous moins »

Marco Van Hees, député fédéral PTB, assume : le pacte PTB-GO n’était qu’électoral.

Vous êtes-vous senti visés par cette carte blanche ?

Nous avons été clairs. C’est vrai qu’il y a une forme de criminalisation des mouvements sociaux, ça interpelle. Mais la violence dans les manifestations est contre-productive et casse le message que les manifestants veulent faire passer.

Vous n’avez pas sacrifié la solidarité ouvrière à la pression médiatique ?

Ecoutez, Tanguy Fourez lui-même regrette son acte. Est-ce qu’on va soutenir l’acte de quelqu’un qui le regrette ?

Les signataires de la carte blanche ne soutiennent pas cet acte non plus…

Ce n’était pas le combat prioritaire à mener : il y a une dénaturation des manifestations. Ce qui fait la force d’une manifestation, c’est la mobilisation collective des acteurs, pas des initiatives individuelles contre-productives qui polluent le rapport de force. Ce ne sont pas non plus les premiers incidents, et la couverture médiatique est toujours la même ; ça balaie tout le reste, donc je ne vois pas très bien comment on pourrait soutenir cet acte.

Politiquement, ce n’est pas agréable de voir des compagnons de route désapprouver une position prise par son parti…

S’ils étaient sur la même position que nous, ils ne seraient pas dans GO, mais dans le PTB. PTB-GO a été une unité ponctuelle sur un objectif bien précis. Ça n’empêche pas que nous ayons des divergences de vues sur certains points, qui ne me semblent pas fondamentaux. Dans une démarche d’unité ou de front, il y a toujours une marge de différenciation.

Que reste-t-il aujourd’hui de ce PTB-GO ? De la rancoeur des deux côtés ?

L’objectif était bien précis, il était électoral, et ça a été un succès. Le cahier des charges, c’était jusqu’aux élections, pas au-delà. Après l’échéance, ça a été difficile de redéfinir un nouveau cadre. Il y a eu des discussions, autant avec les organisations politiques qu’avec certaines personnalités. Je n’y ai pas participé, mais ma lecture est celle-là : après une élection, c’est beaucoup plus compliqué de se fixer des objectifs…

Est-on revenu à l’historique hostilité entre trotskystes et maoïstes ?

Ce sont des clivages très anciens, ça…

Pourtant, après l’embellie PTB-GO, on ne peut pas dire que beaucoup de militants de la galaxie trotskyste vous soutiennent encore…

Je ne peux pas répondre à leur place. Mais sur ma page Facebook, je les vois parfois contents de ce que je dis ou de ce que je fais, et parfois pas, comme dans l’affaire dont nous venons de parler. Ils sont aussi bien positifs que négatifs. C’est normal qu’on ne soit pas d’accord sur tout, je n’y vois pas d’hostilité.

Ces formations sont-elles encore des partenaires privilégiés ?

Nous, on l’a toujours dit : ce n’est pas l’addition des petites gauches qui va bouleverser le champ politique. C’est en allant au-delà qu’on va pouvoir établir le rapport de force adéquat. On le disait déjà au moment de GO. Quand quelqu’un de la LCR exprime sa divergence par rapport au PTB, je respecte son avis. J’espère que l’inverse est vrai aussi. D’une manière générale, ils sont plus critiques envers les syndicats, et nous moins. Ce sont des divergences, mais ça n’a rien à voir avec une guerre entre trotskystes et maoïstes. Ce n’est pas parce qu’il y a des sensibilités différentes que nous sommes ennemis.