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Police et violences d’Etat

Violences-Policières

Lien publiée le 23 juillet 2016

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

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La répression policière prend de nouvelles formes. En France, la police s'appuie sur un armement toujours plus important et sophistiqué pour défendre l'ordre capitaliste.

« Tout le monde déteste la police » devient le mot d’ordre des « cortèges de tête ». Les violences policières semblent particulièrement importantes dans le cadre du mouvement de 2016 contre la Loi Travail. Après chaque manifestation peuvent se dénombrer les blessures graves causées par la répression policière. Ensuite, s’ajoute le cadre de l’état d’urgence et de la logique antiterroriste. En 2007, Pierre Douillard-Lefebvre perd l’usage de son œil après un tir de flashball. Depuis, il analyse les nouvelles formes de répression pour pouvoir mieux les combattre. Son livre, intitulé L’arme à l’œil, propose une réflexion sur les violences d’Etat.

Le 26 octobre 2014, Rémi Fraisse est assassiné par la police. Ce jeune militant écologiste participe alors à une manifestation contre le barrage de Sivens. Des affrontements opposent des activistes à des policiers qui vident leurs réserves de gaz lacrymogène et de grenades. Immédiatement, le rouleau compresseur médiatique se met en branle. « Il faut multiplier les insinuations, essayer de salir à titre posthume le défunt, suggérer qu’il est peut-être responsable de sa propre mort, notamment par une tentative pathétique de semer le doute sur le contenu d’un sac à dos », observe Pierre Douillard-Lefebvre.

Cette mort n’apparaît pas comme une bavure. La police utilise des armes de guerre depuis longtemps. Ensuite, de nombreuses personnes sont tuées par la police dans les quartiers populaires. Pourtant, les personnes tuées au cours d’une manifestation restent rare. En 1986, la mort de Malik Oussekine a suscité une indignation partagée. En 2014, les manifestations en solidarité avec Rémi Fraisse ont été interdites et réprimées. « L’Etat décide d’affirmer sa puissance. Il manifeste sa force, écrasante. Les révoltés sont isolés par des murs de plexiglas dressés devant les artères commerçantes et par des remparts de propagande », souligne Pierre Douillard-Lefebvre. Les charges sans sommation, les tirs de balles en caoutchouc et de grenades se multiplient. Après avoir tué un jeune, le gouvernement ne fait pas le dos rond mais continue d’attaquer.

                                  

Militarisation de la répression

Les Lanceurs de Balle de Défense (LBD) sont introduits en 1995. Ses armes sont alors utilisées par les policiers de la BAC (Brigade anti-criminalité) qui patrouillent dans les quartiers populaires. Cette arme se généralise. Le LBD 40, qui ressemble à un fusil, possède la précision d’une arme de guerre. C’est l’argument qui permet la généralisation de cette arme létale. « Le LBD 40 augmente considérablement la puissance de feu des policiers qui prennent l’habitude de débouler dans les cages d’immeuble ou les manifestations avec leur arme à l’épaule, braquée à hauteur d’homme, l’œil dans le viseur », décrit Pierre Douillard-Lefebvre. 

Cette arme, considérée comme non létale, peut se banaliser. Les policiers n’hésitent plus à faire feu puisque leur arme est considérée comme inoffensive. Pourtant, le nombre de personnes blessées, mutilées et même tuées reste considérable. « La cadence des blessés graves s’accélère au rythme des plaintes classées, des affaires étouffées et de l’omerta médiatique », observe Pierre Douillard-Lefebvre.

Dans les manifestations comme dans les quartiers populaires, la police n’hésite plus à tirer sur la foule. Les blessures causées se révèlent souvent graves. « Les Lanceurs de Balles de Défense réintroduisent une logique de guerre en prétendant maintenir l’ordre. Si ce nouvel arsenal tue moins, il possède la même vocation : mutiler et terroriser », analyse Pierre Douillard-Lefebvre.

Police et violences d’Etat

Banalisation de la répression

La répression s’expérimente contre les marges de la société avant de s’étendre à l’ensemble de la population. Après les manifestations et les quartiers populaires, la violence policière peut se généraliser. « Les attaques du pouvoir s’étendent toujours des périphéries vers le centre, des marges vers la masse », observe Pierre Douillard-Lefebvre.

Les évènements sportifs sont également des espaces de répression. Les supporters de football subissent une étroite surveillance. « Le monde du sport marchand, arène de toutes les compétitions nationalistes et des communions identitaires et consuméristes, est un laboratoire de la société de contrôle », souligne Pierre Douillard-Lefebvre. Le mouvement social au Brésil a été réprimé avant la Coupe du monde de 2014. Les étudiants de Tlatelolco au Mexique ont été massacré avant les Jeux Olympiques de 1968.

Le Lanceur de Balles n’est plus utilisé uniquement contre les marges du mouvement social. Les Zones à défendre (ZAD) et les militants écologistes sont ciblés. Même les manifestations de salariés doivent essuyer des tirs de policiers. Un intérimaire est gravement blessé au cours d’une manifestation de Métallos à Strasbourg en 2013.

Police et violences d’Etat

Société sécuritaire

La banalisation du Lanceur de Balles s’accompagne d’un discours sécuritaire. Tous les euphémismes sont utilisés pour minimiser la violence de ces armes. Surtout, la police doit apparaître comme le pilier de l’ordre social. Elle est présentée dans tous les médias comme un recours indispensable. « La police est omniprésente à l’antenne, des émissions racoleuses aux séries télévisées, les uniformes sont plus visibles que toutes les autres professions sur les écrans plasma », observe Pierre Douillard-Lefebvre.

Mais la répression ne passe pas uniquement par les forces de police. La société marchande produit le conformisme et l’aliénation qui empêchent toute forme d’action de transformation sociale. « Du néo-management par les affects à la novlangue médiatique, de la consommation massive d’antidépresseurs à la mise en concurrence généralisée, jusqu’aux différentes soupapes de sécurité syndicales ou associatives », décrit Pierre Douillard-Lefebvre. Le consentement s’impose et les armes de la police n’interviennent qu’en dernier recours pour mater une colère qui ne parvient plus à être étouffée. « A mesure que la pacification sociale se généralise, les émotions populaires sont, plus qu’auparavant, inadmissibles », analyse Pierre Douillard-Lefebvre. Toute forme de révolte doit paraître violente et marginale. Même si l’histoire des luttes révèle des pratiques bien plus offensives que dans la période actuelle.

Le Parti socialiste contribue désormais activement à imposer une culture sécuritaire et de maintien de l’ordre. L’histoire de la gauche montre son implacable détermination à massacrer les mouvements sociaux. L’assassinat de Rosa Luxemburg par les dirigeants sociaux-démocrates a même contribué à la montée du nazisme. La mise en place de l’état d’urgence favorise l’émergence d’un pouvoir autoritaire. En France, Georges Clémenceau ou Jules Moch ont ordonné de tirer sur des grévistes. François Mitterrand ou Guy Mollet ont généralisé la torture en Algérie. La gauche du capital réprime violemment les mouvements sociaux. Mais le pouvoir de gauche peut agir sans susciter la moindre indignation puisqu’il se pare de toutes les vertus morales.

Police et violences d’Etat

Combattre la répression

Face au monde marchand et sécuritaire, des résistances se développent. L’opposition aux violences policières permet de fédérer des personnes diverses. « Se rencontrer, relever la tête et refuser l’isolement, construire des complicités et faire converger des colères dans les tribunaux comme dans la rue, c’est déjà résister, refuser l’atomisation programmée de nos vies », souligne Pierre Douillard-Lefebvre. La répression peut d’ailleurs renforcer la détermination et la colère. Denombreuses émeutes éclatent après la mort d’un jeune tué par la police. La répression des mouvements sociaux les rend plus populaires. Les personnes qui subissent les violences policières se radicalisent et comprennent la véritable nature de l’Etat.

La réflexion de Pierre Douillard-Lefebvre se révèle dense et stimulante. Il propose une description implacable de la violence policière et de sa banalisation. Surtout, il considère que la police reste un révélateur de la société moderne.

Beaucoup de critiques de la répression se contentent de proposer une meilleure gestion du maintien de l’ordre. Une police qui dialogue, moins violente, moins armée, plus sympathique. Mais le maintien de l’ordre, brutal ou pacificateur, doit être remis en cause. La police doit être évidemment combattue pour ses dérives et sa violence. Mais elle doit aussi être critiquée pour son existence même. La police n’a qu’une seule fonction, et ce n’est pas de faire la circulation en cas d’accident. La police est créée pour mater les révoltes et maintenir l’ordre existant, un monde marchand et une société de classe.

Police et violences d’Etat

Détruire l’Etat et la société de classe

Il manque d’ailleurs au livre de Pierre Douillard-Lefebvre une analyse de classe de la police. Il s’en remet au discours fumeux d’un Mathieu Rigouste sur le postcolonialisme. Si les quartiers populaires sont mis régulièrement sous coupe réglée, ce n’est pas uniquement par nostalgie coloniale. C’est parce que ces quartiers concentrent uniquement des prolétaires, souvent précaires et chômeurs. Ces quartiers abritent une jeunesse qui n’a aucun autre espoir que la révolte et laradicalisation politique. C’est uniquement pour cette raison que les banlieues sont dans le viseur des policiers. D’autant plus que la misère engendre la criminalité.

Pierre Douillard-Lefebvre ouvre également des perspectives. Les luttes contre la police permettent effectivement de créer des rencontres et de fédérer tous les révoltés. Des zadistes et alternatifs jusqu’aux ouvriers grévistes en passant par les jeunes des quartiers populaires : les prolétaires qui relèvent la tête se heurtent tous à la police. Mais, il faut également éviter une forme de lutte spécialisée et séparée pour dénoncer les violences policières. L’enjeu reste évidemment celui d’abolir la police, mais aussi la société marchande qu’elle défend. Le meilleur moyen de combattre la police, c’est d’ouvrir de nouvelles perspectives aux luttes sociales. Un monde sans police, mais aussi sans classes et sans Etat.

Source : Pierre Douillard-Lefebvre, L’arme à l’œil. Violences d’Etat et militarisation de la police, Le Bord de l’eau, 2016

Pour aller plus loin :

Vidéo : Pierre Douillard-Lefevre dans la chronique de Mathilde Terrier dans La Nouvelle Edition sur Canal + du 17 mai 2016

Radio : Violences policières, LÉGITIME DÉFIANCE, émission publiée sur le site Là-bas si j'y suis le 17 juin 2016

Militarisation de la police et violences d’état avec Pierre Douillard-Lefevre, émission diffusée sur Radio Croco et publié sur le site La Rotative le 29 juin 2016

Vidéo : La Disette du Corbeau - par Hamé de La Rumeur

Vidéo : La police est au centre des débats, émission Ce soir (ou Jamais !)  du 13 mai 2016

Radio : « L’assemblée des blessés 44 » s’organise contre les violences policières, émission diffusée sur RCA Radio le 13 mai 2016

Journée anti-répression, Rencontre avec Pierre Douillard, auteur de L’arme à l’œil, publiée sur le site de la ZAD de Las Rébès le 29 juin 2016

Flashball : 10 ans de blessures, 10 ans de lutte, paru dans lundi matin #59, le 3 mai 2016

Fabien Ribery, Bourrage de crâne et mutilations de masse, publié le 14 mai 2016

Eugénia Palieraki, La police et le permis de peur d'arme, publié dansLibération Culture / Next le 17 juin 2016

Jet Lambda, Désencercler, tout un métier, publié sur le site Reflets le 10 juin 2016

Camille Polloni, Passe d’armes matinale à l’Assemblée, entre députés et blessés du flashball, publié dans Rue 89 le 19 mars 2015

Le flashball, une arme de mutilation au mains de la police, publié sur le blog d'Alternative Libertaire Montpellier le 12 février 2014

Florian Bardou, L'autoritarisme rampant à la française, publié sur le site Slate le 30 juin 2016

Patrick Vassort, Liberté manifeste, publié sur le site Mediapart le 22 juin 2016