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    Les dernières minutes d’Adama

    Adama

    Lien publiée le 2 août 2016

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    http://www.leparisien.fr/faits-divers/les-dernieres-minutes-d-adama-traore-02-08-2016-6010063.php

    ENQUÊTE. Le scénario de l'interpellation musclée du jeune homme le 19 juillet dans le Val-d'Oise, avant qu'il ne succombe quelques instants plus tard, se précise. Les gendarmes assurent avoir utilisé la force nécessaire.

    Adama Traoré est mort le 19 juillet dernier, le jour de son 24e anniversaire, dans la cour de la brigade de gendarmerie de Persan (Val-d'Oise). Depuis, sa famille ne cesse de réclamer la « vérité », estimant que son décès à la suite de son interpellation par les gendarmes à Beaumont-sur-Oise est une « bavure ». Sa mort, dans des circonstances qui restent encore inexpliquées, a provoqué plusieurs nuits d'émeute dans le secteur. Après une manifestation avortée samedi à Paris, d'autres rassemblements de soutien sont programmés. Alors qu'une information judiciaire pour recherche des causes de la mort a été ouverte par le parquet de Pontoise, le déroulement de ce funeste après-midi se précise.

    « Il tente de se soustraire au contrôle »

    Ce 19 juillet, Adama Traoré n'est pas une cible pour les équipages du Psig (peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie, l'équivalent des brigades anticriminalité de la police) de L'Isle-Adam, contrairement à Bagui, l'un de ses frères, recherché dans le cadre d'une affaire d'extorsion. Sa photo a été diffusée aux équipages. Vers 17 h 15, trois gendarmes qui patrouillent en civil repèrent deux hommes dont l'un correspond au signalement de Bagui Traoré dans le centre-ville de Beaumont-sur-Oise. « Les deux individus nous reconnaissent et l'un des deux tente de se soustraire au contrôle [...] Voyant qu'il ne va pas être assez rapide, il lâche le vélo et continue en courant », détaille sur procès-verbal l'un des gendarmes. Alors qu'il n'est pas recherché, c'est Adama qui prend ainsi la fuite. Bagui, lui se laisse interpeller.

    « Je le maîtrise sans le frapper »

    Adama Traoré est vite rattrapé par un gendarme qui fait état de son refus d'obtempérer. « Je le maîtrise sans le frapper, sans utiliser mon arme ou un moyen de force intermédiaire », précise le sous-officier, rejoint par un collègue, chargé de raccompagner le fuyard menotté au véhicule. « Adama m'a demandé la possibilité de s'arrêter afin de reprendre son souffle, ce que j'ai accepté, explique ce dernier. Nous avons fait une pause de trente secondes, et il m'a dit que c'était bon [...] Il ne présentait aucun signe particulier de problème physique. »

    A cause de cet arrêt impromptu, le gendarme se retrouve seul avec Adama Traoré lorsqu'il est pris à partie par un homme. « Comme il s'est trop approché de nous, je lui ai donné un coup de poing au visage pour le stopper car je pressentais le fait qu'il voulait libérer Traoré », relate le militaire. Adama en profite pour s'échapper à nouveau.

    « On se trouvait à trois dessus »

    Les trois gendarmes du second équipage du Psig apprennent les événements par la radio. Alors qu'ils se dirigent sur les lieux, ils découvrent que le suspect s'est réfugié dans un domicile privé. « Nous pénétrons dans le logement. Ce dernier est plongé dans l'obscurité [...]. Nous distinguons face à nous dans le salon une masse de forme humaine qui bouge enroulée dans un drap au pied du canapé. Nous comprenons instantanément qu'il s'agit de l'individu et nous nous portons à sa hauteur pour le maîtriser », relate le maréchal des logis-chef dans son PV d'interpellation. « Nous nous jetons sur lui avec mes deux collègues, précise le sous-officier lorsqu'il est interrogé dans le cadre de l'enquête. Il est virulent et s'oppose à son interpellation [...] Le gendarme G. a immobilisé les membres inférieurs en effectuant une clé de jambes. Pour ma part, avec le gendarme U. nous tentons de lui immobiliser les bras. » Et d'avancer : « Je n'ai porté aucun coup. Nous avons employé la force strictement nécessaire pour le maîtriser mais il a pris le poids de notre corps à tous les trois au moment de son interpellation. » « On se trouvait à trois dessus pour le maîtriser avec la force strictement nécessaire à son immobilisation », complète un de ses collègues qui réfute pourtant une grosse pression.

    « La tête qui part vers l'avant »

    Les trois gendarmes en conviennent : Adama Traoré se plaint très rapidement de difficultés respiratoires. Il est néanmoins capable de marcher jusqu'au véhicule qui doit le ramener à la brigade de Persan. « Je ne constate aucun trouble physique apparent sur l'individu, pas même un essoufflement », se souvient le sous-officier. L'alerte vient du gendarme assis à ses côtés : « Arrivé devant le portail de la brigade [...] je remarque que la personne récupérée a la tête qui part vers l'avant. Je signale au chef que l'individu présente des signes d'un malaise. » A sa sortie du véhicule, Adama Traoré est inconscient et les gendarmes constatent qu'il a uriné sur le siège. Ils le placent aussitôt en position latérale de sécurité et prennent son pouls. « Mais en lui laissant les menottes dans le dos », s'indigne Me Yassine Bouzrou, l'un des avocats de la famille. Malgré l'arrivée rapide des pompiers puis du Samu, le coeur d'Adama Traoré ne repart pas. Son décès est prononcé à 19 h 5.

    Des expertises au coeur de l'enquête

    Malgré deux autopsies, la cause du décès d'Adama Traoré reste inexpliquée. Les deux rapports s'accordent sur une première chose : sa mort serait due à un « syndrome asphyxique » dont l'origine reste à déterminer. Second point de convergence : aucune trace de violences susceptibles d'avoir entraîné sa mort n'a été décelée.

    En revanche, plusieurs contradictions demeurent. Dans un premier temps, le procureur de la République de Pontoise, Yves Jannier, a indiqué que le jeune homme souffrait d'« une infection très grave ». Une déclaration imprudente puisque le premier légiste n'évoque que « des lésions d'allure infectieuse ». Les deux médecins du second collège d'experts notent, eux, « l'absence de point d'appel infectieux sévère ».

    L'état du coeur d'Adama Traoré sera sans doute déterminant pour la suite de l'enquête. Dans le premier rapport, le légiste de l'hôpital Raymond-Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine) évoque « un coeur dont le poids se situe dans la limite supérieure de la normale », ce qu'un examen complémentaire a confirmé. Or ses confrères de l'Institut médico-légal de Paris ont relevé une « absence d'anomalie cardiaque macroscopiquement identifiable ».

    Les deux expertises rappellent qu'il faudra attendre le résultat des analyses anatomopathologiques (examen des tissus) pour en savoir plus. Un premier rapport intermédiaire réalisé à Garches évoque une nouvelle piste, celle d'une maladie du muscle cardiaque. « L'examen anatomopathologique [...] a mis en évidence un ensemble lésionnel compatible avec une cardiomyopathie hypertrophique, qui est potentiellement la cause directe de la mort », explique son auteur qui parle d'une pathologie « susceptible de donner lieu à une mort subite par le biais d'un trouble du rythme ». « Ce n'est qu'un rapport intermédiaire qui ne parle que d'une compatibilité », nuance Me Bouzrou. « Au final, reprend le pénaliste, les deux autopsies confirment qu'Adama Traoré est mort par asphyxie et les déclarations des gendarmes indiquent clairement qu'il a subi une compression thoracique au moment de son interpellation. »