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Mort d’Adama Traoré: des éléments cruciaux ont disparu du dossier

Adama

Lien publiée le 3 août 2016

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(Mediapart) Selon nos informations, plusieurs pièces essentielles manquent au dossier concernant le décès d’Adama Traoré, mort à 24 ans fin juillet, après son interpellation par les gendarmes de Persan (Val-d’Oise). Le rapport d’intervention détaillé du Samu et des pompiers n’a pas été communiqué à la juge d’instruction. La famille réfléchit à porter plainte pour « dissimulation de preuves ». 

L’affaire Adama Traoré n’en finit pas de s’envelopper de mystères. Les circonstances de la mort du jeune homme de 24 ans, le 19 juillet, à la gendarmerie de Persan (Val-d'Oise) commencent à mieux être cernées mais plusieurs inconnues, et pas des moindres, demeurent.

Selon nos informations, plusieurs preuves cruciales manquent toujours au dossier. Dès le lendemain du décès du jeune homme, le 20 juillet, une information judiciaire pour éclaircir les causes de la mort est ouverte par le parquet de Pontoise. Seulement, l’intégralité du dossier n’a pas été transmise à la juge d’instruction désignée. Seuls lui ont été communiqués les éléments médicaux, tels que les résultats d’autopsie ou le certificat rédigé au centre hospitalier de Gonesse (Val-d’Oise), où Adama Traoré a été transporté. 


D'après une source judiciaire, il manque le rapport du Service mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) et des pompiers qui sont intervenus à la demande de la gendarmerie. Sans ce document essentiel, dans lequel l’intégralité de l’intervention est détaillée, impossible de connaître l'heure d'appel des pompiers sur place ou la nature exacte des soins médicaux prodigués à Adama Traoré, ni même d'avoir une description précise de l'intervention. Pour le moment, la seule certitude concerne les heures de l'interpellation du jeune homme, 17 h 45 environ, et celle du décès, constaté à 19 h 05.

Dans les minutes qui ont précédé sa mort, l'interpellé, encore menotté, était-il déjà dans un coma irréversible ou était-il encore conscient ? Avait-il effectivement son tee-shirt maculé de sang ? Toutes ces constatations effectuées par le Service mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) et les pompiers sont absentes du dossier.

De fait, les médecins légistes n’ont même pas pu accéder à ces informations pour appuyer leur propre travail et avoir un maximum de détails sur la première intervention médicale. Les médecins ont eu entre les mains les procès-verbaux de transports, constatations et mesures prises par la gendarmerie, ceux de la Section de recherche de Versailles, rédigés le jour du décès du jeune homme.

Un portrait d'Adama Traoré 

Un portrait d'Adama Traoré

Ils ont pu aussi consulter le procès-verbal d’interpellation de la compagnie de gendarmerie de L’Isle-Adam et ceux des auditions des gendarmes réalisés le lendemain, le 20 juillet. Ces documents doivent leur permettre de reconstituer les circonstances exactes de l’interpellation d’Adama Traoré. Les gendarmes ont bien fait mention du fait que Traoré « présente les signes d’un malaise », mais les médecins n’ont aucune donnée médicale précise émanant des quatre pompiers et des quatre membres du SMUR appelés pour sauver le jeune homme.

De fait, les premiers médecins qui ont examiné le jeune homme se sont basés sur les déclarations orales du SMUR concernant les antécédents médicaux d’Adama Traoré, comme le fait qu’il « serait porteur d’une toxicomanie aux stupéfiants et d’un éthylisme chronique ». Alors même que ce genre d'éléments doivent être confirmés par des analyses plus poussées, donc par nature plus longues. 
La famille, interrogée un peu plus tard à la gendarmerie, réfute toute addiction et précise aussi que le jeune homme était en bonne santé.

Un autre élément factuel, lui aussi crucial pour la procédure, s'est miraculeusement évaporé : le rapport de police technique et scientifique rassemblant les constatations et prélèvements effectués dans le véhicule des gendarmes, là où tout s'est noué. 

Le temps que le jeune homme a passé, menotté, en plein soleil dans la cour de la gendarmerie devrait aussi apparaître, tout comme le temps qui s'est écoulé entre son arrivée à la gendarmerie et l'appel aux pompiers. Les médecins légistes ont constaté une hyperthermie sur le corps d'Adama Traoré : sa température corporelle s'élevait à 39,2 degrés. Cette augmentation est-elle due à la canicule de ce jour-là, à une fièvre ou au fait que le jeune homme soit resté en plein soleil dans la cour ? Le déroulé précis de l'intervention est aussi censé permettre de répondre à ces interrogations. C'est pour cette raison que la famille envisage de saisir la justice concernant l'absence de ces documents. 

Contacté par Mediapart, Yassine Bouzrou, l’un des avocats de la famille Traoré, explique : « Nous réfléchissons et n’excluons pas de déposer une plainte pour dissimulation de preuves. »

L’affaire est sensible. La version officielle, communiquée par le procureur de la République de Pontoise, Yves Jannier, se délite peu à peu. Dès le lendemain des faits, il avance comme cause du décès à l’AFP, seul canal de communication choisi, « un malaise cardiaque » et une « infection très grave touchant plusieurs organes ». Or le compte-rendu préliminaire d’autopsie du 21 juillet, réalisé par un médecin légiste de l’Institut médico-légal à l’hôpital de Garches, ne mentionne aucunement un quelconque malaise cardiaque. La première phrase est éloquente : « Absence de cause immédiate au décès. » Puis « un syndrome asphyxique aspécifique » est mentionné. Un « syndrome asphyxique », confirmé dans le second rapport d’autopsie effectué le 26 juillet, dont le procureur avait évidemment connaissance et dont il n’a jamais parlé, préférant insister sur « l’absence de violences significatives ».

D’autant que les procès-verbaux des gendarmes sont éloquents. En effet, selon des révélations de L’Obs, les gendarmes qui ont arrêté Adama Traoré se sont expliqués devant les enquêteurs. Et leurs déclarations ne souffrent d'aucune ambiguïté. Ils indiquent : « Nous avons employé la force strictement nécessaire pour le maîtriser. » Ils ajoutent ensuite : « Il a pris le poids de nos corps à tous les trois au moment de son interpellation. » 

Une enquête a été confiée à l'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN), pour déterminer si la responsabilité des gendarmes est engagée. À l'évidence, l'affaire n'a pas encore livré tous ses secrets.