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La FNSEA trahit les éleveurs et signe un accord au rabais avec Lactalis
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
La guérilla n’aura pas duré longtemps et le géant de l’industrie laitière peut se frotter les mains. Lactalis s’en tire à bon compte alors que les interventions dans les grandes surfaces auraient pu, en dénonçant ses pratiques et ses marges, mettre à mal sa réputation et gagner le soutien de la population aux revendications des éleveurs. Ces derniers ne demandent en effet rien d’autre que la rémunération de leur travail. La FNSEA en a décidé autrement en signant, dès la réouverture des discussions avec l’industriel, un accord censé mettre fin au conflit. Au passage les autres syndicats paysans – Confédération paysanne, Coordination rurale et MODEF – ont été depuis le début tenus à l’écart des négociations.
Et quel accord ! Le syndicat majoritaire qui estimait en 2015 à 340 € la tonne le prix minimum pour qu’un producteur de lait couvre ses charges d’exploitation et s’accorde un salaire décent a accepté in fine 280 € maintenant et 300 € en décembre, ce qui porte à 275 € le prix moyen sur l’année. Faut-il dire merci patron à monsieur Besnier, le PDG de la multinationale ? Sans aller jusque là, la FNSEA se félicite d’une avancée presque historique alors qu’elle a tout bonnement trahi les éleveurs en lutte. C’était prévisible dès lors qu’elle avait ordonné vendredi soir la levée du blocage du siège social de l’entreprise au profit d’actions « diversifiées », mais c’était sans doute trop encore, des débordements étaient possible. La signature de l’accord laisse un goût amer aux manifestants dont beaucoup ont exprimé leur colère.
Le masque est tombé et la FNSEA affiche à nouveau ses amours avec l’agro-industrie. En échange Lactalis renonce un peu à son agressivité commerciale et s’aligne sur les prix payés par ses concurrents privés ou coopératifs (les coopératives laitières contrôlées par la FNSEA ne sont guère plus sociales que le négoce). Mais le coup de pouce est insignifiant au regard des baisses antérieures, la grande majorité des producteurs vendra toujours à perte. Les cessations d’activité se multiplieront. Pour les prétendus performants, les prix imposés les condamneront à tenter de survivre en augmentant encore leur production, ce qui provoquera d’autres baisses des cours. On peut compter sur le gouvernement pour les encourager à grossir et s’endetter au nom bien entendu de la compétitivité de la « ferme France ».
L’accalmie pourrait être de courte durée. Il n’est pas certain que les dirigeants de la FNSEAparviennent à vendre leur accord sur le terrain. Aujourd’hui les éleveurs sont désemparés par l’arrêt brutal des mobilisations, mais les raisons qui les ont poussés à manifester n’ont pas disparu. Il y a fort à parier que le mouvement repartira, avec ou sans les chefs syndicaux. Sans doute ce mouvement, s’il met à juste titre en avant la rémunération des producteurs, est-il très flou sur les moyens d’y parvenir ; la grande majorité des agriculteurs ne remet pas en cause le capitalisme, ni le productivisme inhérent au système. Mais en ciblant l’agro-industrie il a au moins identifié l’ennemi à abattre !
Gérard Florenson