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Sécurité sociale : la fausse victoire de Marisol Touraine
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
La ministre des Affaires sociales se réjouit. Le déficit de la Sécurité sociale devrait être plus faible que prévu cette année. Pendant ce temps, les difficultés d'accès aux soins des plus pauvres, dont le nombre ne cesse d'augmenter, progressent selon une enquête du Secours populaire.
Marisol Touraine a le sourire. Interrogée dans le cadre du "Grand Jury" RTL/Le Figaro/LCI, la ministre des Affaires sociales a indiqué que le déficit de la Sécurité sociale baisserait fortement cette année.
"Je suis en mesure de vous annoncer que les résultats de 2016 seront encore meilleurs que ce qu'on avait envisagé en juin grâce aux efforts que nous poursuivons. L'horizon du rétablissement complet de la sécu, de l'équilibre des comptes de la Sécu, ce n'est plus une utopie, il est à portée de main (...), pas pour 2016, mais très vite", a expliqué la ministre.
Alors que la Commission des comptes de la Sécurité sociale (CCSS) est en train d'affiner ses calculs, la ministre indique que le déficit du régime général (maladie, retraite, famille, accidents du travail) serait nettement en dessous des 5,2 milliards d'euros de déficit prévus en juin. Un déficit essentiellement dû aux déséquilibres de la branche maladie qui, selon les calculs de la CCSS publiés en juin devrait s'élever à ... 5,2 milliards d'euros cette année. Soit le plus faible niveau depuis 2002.
En juin, la CCSS tablait pour 2016 sur une amélioration de 600 millions d'euros du déficit de l'ensemble de la Sécurité sociale (régime général et Fonds de solidarité vieillesse), à 9,1 milliards d'euros, par rapport aux prévisions votées à l'automne dans le budget et de 1,7 milliard par rapport à 2015.
Deux branches excédentaires sur quatre
Précisément, la branche retraite devrait être excédentaire de 500 millions d'euros, une première après plus d'une décennie de déficits, notamment grâce au relèvement de l'âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans adopté en 2010 et à de faibles revalorisations des pensions.
La branche AT-MP (accidents du travail) devrait être à nouveau excédentaire, de 500 millions d'euros, contre 700 millions en 2015. Quant à la branche famille, elle devrait poursuivre son redressement, son déficit passant de 1,5 à 1 milliard d'euros grâce notamment à la modulation des allocations familiales entrée en vigueur l'année dernière.
Des orientations de gauche qui seraient préservées
Cette bonne nouvelle était attendue. En juin, Marisol Touraine indiquait : "Le gouvernement aura ainsi réduit de 70% le déficit dont il a hérité, tout en respectant les orientations de gauche auxquelles" elle se disait "attachée".
"Pas de déremboursement, pas de franchise, une meilleure prise en charge des patients. C'est un message fort contre le fatalisme, qui prouve que la volonté politique paie", avait-elle expliqué.
Cette "performance" ne se fait pourtant pas sans sacrifice. Une étude dévoilée par le Secours populaire ce mardi est de ce point de vue éclairante.
Difficile de se soigner pour les plus pauvres
Ainsi, selon le 10ème baromètre Ipsos/Secours populaire publié ce mardi, la moitié des Français les plus pauvres, c'est-à-dire ceux qui appartiennent à un ménage dont le revenu mensuel net est inférieur à 1.200 euros, a déjà renoncé ou repoussé une consultation chez le dentiste, soit un bond de 22 points par rapport à 2008.
Ils sont 39% à avoir renoncé ou repoussé un rendez-vous chez un ophtalmologiste (+9 points). Dans les foyers les plus modestes, 64% indiquent avoir eu des difficultés au moment de payer des actes médicaux mal remboursés par la Sécurité sociale. Autre enseignement de ce baromètre, disposer d'une mutuelle santé est financièrement compliqué pour 53% des ménages modestes et 48% d'entre eux n'ont pas les moyens de se procurer une alimentation saine. Sur l'ensemble des Français interrogés, 68% estiment que les inégalités en matière d'accès à la santé se sont aggravées au cours des dernières années.
Le sentiment de devenir pauvre progresse
Ces difficultés sont à mettre en lien avec le sentiment de paupérisation qui anime une partie des Français. Selon le baromètre, 38 % des sondés ont déjà connu la pauvreté, une proportion qui augmente de trois points de plus par rapport à 2015.
"Comme le pointait déjà le baromètre Ipsos-SPF en 2013, les femmes sont souvent le plus affectées (39 %). Emplois précaires, temps partiel subi, chômage: ces dernières paient un lourd tribut à la crise mais aussi aux persistantes inégalités de genre. Les ouvriers et employés comptent aussi parmi la catégorie la plus exposée", explique l'association.
N'en déplaise à Marisol Touraine, si les prévisions statistiques sont enthousiasmantes, les perspectives des Français ne le sont guère puisque plus d'un sur deux (55%) juge que sa vie quotidienne est menacée par la pauvreté. Ce pourcentage s'élevait à 45% en 2007. Enfin, 83% des personnes interrogées estiment que les risques que leurs enfants connaissent une situation de pauvreté sont plus élevés que pour leur génération.
"Dans ses permanences d'accueil, le Secours populaire français perçoit une dégradation de l'état de santé de familles, de mères seules, de jeunes, de retraités, de beaucoup d'enfants. Fait récent, le travail n'apporte plus forcément la garantie d'une autonomie financière: certains salariés ne sont plus à l'abri des privations et peinent également à se soigner", explique le baromètre.
Certes, la protection universelle maladie (PUMA), ex-couverture maladie universelle (CMU) offre un accès aux soins aux personnes qui exercent une activité professionnelle en France ou qui résident en France de façon stable et régulière. Mais ce dispositif ne rembourse que la part obligatoire, que l'on appelle la part "Sécurité sociale". La part complémentaire, le forfait journalier en cas d'hospitalisation, la participation forfaitaire et les franchises médicales restent à la charge des patients, quel que soit leur niveau de revenu.
La généralisation du tiers payant le 1er juillet ne change pas la donne puisque toutes les sommes restées à charge sont simplement prélevées sur les remboursements de soins médicaux.