(Arrêt sur images) Une enquête d'Envoyé Spécial sur Bygmalion, programmée pour le 29 septembre prochain, a provoqué une violente confrontation entre la responsable du programme, Elise Lucet, et le directeur de l'information de France 2 Michel Field.

Le timing semble a priori bien trouvé. Selon le site Ozap, France 2 a décidé d’avancer à jeudi 8 septembre la diffusion d’une enquête d’Envoyé Spécial sur l’affaire Bygmalion, initialement programmée le 29 septembre pour la rentrée de l'émission. Raison officiellement invoquée par la chaîne ? Coller à l’actualité retentissante dévoilée hier : à savoir la demande formulée par le parquet de Paris de renvoyer Nicolas Sarkozy en correctionnellle dans l’affaire Bygmalion pour délit de "financement illégal" de sa campagne présidentielle de 2012.

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Le directeur de l’information de France Télévisions, Michel Field, souvent accusé de rouler pour François Hollande, aurait donc voulu se payer Sarkozy à l’heure où celui-ci se voit rattrapé par l’affaire Bygmalion ? C’est tout du moins ce que laisse également penser ce mardiun post de blog de Renaud Revel, ex-Express, évoquant "la colère" d’un Sarkozy à l’annonce de cette diffusion avancée. Et Revel de souligner la position d’une Elise Lucet, inflexible qui"ne renoncera pas" à la diffusion.

TRACTATION ENTRE FIELD ET L'ENTOURAGE DE SARKOZY

Pourtant, selon nos informations, la réalité semble quelque peu différente. Car depuis plusieurs semaines, l’enquête fait l’objet d’un bras de fer sans précédent entre Field et la rédaction d’Envoyé Spécial. Et sa programmation avancée ce jeudi serait, affirment plusieurs sources contactées par @si, la résultante d’une tractation entre Field … et l'entourage de Sarkozy pour éviter à tout prix une diffusion de l'enquête durant les primaires de la droite qui se dérouleront entre le 21 septembre et le 27 novembre prochains.

Pour son premier numéro de l’année prévue ce 29 septembre, la nouvelle équipe de l’émission de France 2, désormais emmenée par la présentatrice de Cash Investigation Elise Lucet, comptait bien frapper un grand coup. Au programme de son émission d’ouverture : cette enquête de 45 minutes sur l’affaire Bygmalion avec à la clef une interview exclusive de Franck Attal, patron de la filiale Event&Cie qui organisait les meetings de Sarkozy en 2012. Un témoignage visiblement accablant pour l’ex-chef de l’Etat.

Mais voilà que mi-juillet, alors que le sujet, validé par la direction, est en cours de production, Field fait pour la première fois machine arrière. Selon plusieurs sources, il aurait fait part à l’équipe d’Envoyé spécial de ses doutes quant à la pertinence de diffuser une enquête à charge contre Sarkozy en plein milieu des primaires de la droite. Stupeur à la rédaction. Mais l’explication ne va pas tarder. Quelques jours plus tard, Field précise les choses. Plus question de programmer cette enquête pendant la primaire, aurait expliqué le patron de l'info.

DANS LA BALANCE : SARKOZY CHEZ PUJADAS

Raison invoquée par Field ? Quelque temps plus tôt, il a commencé à négocier avec les communicants de Sarkozy pour que le candidat soit le premier invité de la nouvelle émission politique, présentée par David Pujadas, Lea Salamé et Karim Rissouli, programmée le 15 septembre sur France 2. Mais, selon plusieurs sources, l'entourage de Sarkozy aurait formulé un avertissement : si France Télévisions programme l’enquête sur Bygmalion durant les primaires de la droite, pas de Sarkozy dans la première de la nouvelle émission politique. Mais ce n’est pas tout. Une autre menace aurait été brandie : si l’enquête est maintenue, France Télé pourrait bien dire au revoir à la diffusion des débats des primaires de la droite programmée sur France 2.

Déprogrammer l’émission ? Hors de question pour la direction d'Envoyé Spécial. Va s’ensuivre un bras de fer entre la rédaction et Field. Courant août, celui-ci met une nouvelle option sur la table : reporter la diffusion de l’enquête à décembre, après le scrutin prévu les 20 et 27 novembre. Refus de la rédaction qui n’accepte pas de se voir imposer ce calendrier éminemment politique alors que l’émission entend justement remettre l’investigation au cœur d’Envoyé spécial. D’autant qu’Envoyé spécial risque dans ce laps de temps de perdre l’exclusivité du témoignage d’Attal. Qui plus est, en cette fin août, il est trop tard pour concocter un sujet de remplacement pour l’émission de rentrée. Mais Field reste inflexible. Le reportage est reporté et les tournages ainsi que l’enquête devront être mis en pause.

Contactée par @si, le directrice de communication de Nicolas Sarkozy, Véronique Waché, reconnait l'existence de contacts avec Michel Field, sans lien assure-t-elle avec le reportage sur Bygmalion. Elle dément d'ailleurs toute pression visant à la déprogrammation ou au report de l'enquête. Waché raconte en outre avoir été contactée par les journalistes, pour les besoins de l'enquête, à laquelle elle a refusé de coopérer. Elle explique s'"'interroger sur l'orientation d'un tel sujet en pleine campagne des primaires alors que l'instruction judiciaire est en cours."

ERNOTTE TRANCHE

En ces derniers jours d’août les relations s’enveniment encore entre Field et la rédaction qui décide de saisir la Société des journalistes (SDJ) de France 2 . Hier, lundi 5 septembre, la SDJ s'empare de la question et auditionne l’équipe d’Envoyé spécial mais aussi le directeur de l'information du groupe qui met une nouvelle proposition sur la table : programmer l’enquête ce jeudi, soit avant le dépôt officiel des listes de la primaire de la droite, prévu le 21 septembre. L’équipe manque de s’étouffer. Car le reportage n’est pas prêt. Si plusieurs séquences, dont le fameux témoignage d’Attal sont dans la boîte, d’autres séquences de l’enquête restent à tourner. Sans compter que le nouveau générique d’Envoyé spécial n’est pas fini, le plateau de l’émission n’est pas prêt, la bande-annonce de l’émission, pas encore tournée.

Ce mardi, enfin, les choses s’accélèrent avec la confirmation par la chaîne de la diffusion anticipée jeudi. La présidente de France Télé, Delphine Ernotte - qui avait jusqu'ici refusé de trancher la question - a tranché. Après une énième réunion, elle exige finalement la livraison d'un 26 minutes jeudi soir, contre l'avis de la rédaction. En fin de journée mardi, ni le directeur de l'information Michel Field, ni le rédacteur en chef d'Envoyé Spécial Jean-Pierre Canet n'avaient retourné nos appels.