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Sextapes en Italie: suicide d’une femme après un an de harcèlement
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Arrêt sur images) Après la diffusion de six vidéos sur internet la montrant en plein acte sexuel, Tiziana Cantone, illustre inconnue, était devenue une célébrité au travers des réseaux sociaux, et avait dû changer de nom et d'adresse. La jeune femme de 31 ans s'est finalement suicidée le 12 septembre dernier, après s'être vu refuser le droit à l'oubli par la justice italienne. Comment en est-on arrivé là ? Retour sur un an et demi de calvaire.
L'affaire a occupé une partie de l'Italie pendant près d'un an et demi : une jeune Napolitaine, Tiziana Cantone, est devenue célèbre lorsque des vidéos intimes d'elles se sont retrouvées sur Internet, et a fini par se suicider. Une semaine après la mort de Cantone, et alors que le parquet de Naples a ouvert une enquête pour incitation au suicide, le quotidien italien en ligneIl Post a retracé la chronologie de l'histoire.
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"L'histoire de Tiziana Cantone", par Il Post (15 septembre 2016)
Tout commence en avril 2015 : Cantone, alors en couple avec un quadragénaire du nom de Sergio Di Palo, tourne six vidéos dans lesquelles on la voit avoir des rapports sexuels avec plusieurs hommes (autres que son fiancé). Des vidéos qu'elle envoie à son compagnon (lequel, d'après la mère de Cantone, était l'instigateur de ces vidéos), à ses frères (amis du compagnon), et à deux autres personnes. Le 25 avril, l'une de ces vidéos se retrouve en ligne sur un site pornographique (et les autres vidéos ne tarderont pas à la rejoindre). Les nom et prénom de la jeune femme sont parfaitement visibles, notamment dans le titre. Pour Cantone, c'est le début d'un an et demi d'enfer.
"TU FAIS UNE VIDÉO ? BRAVO !"
Très vite, la vidéo devient virale, à travers notamment WhatsApp et Facebook, et les médias italiens commencent à s'y intéresser. Fin mai 2015, certains sites d'information se demandentsi Cantone n'est pas "une future star du porno". Un site d'actu people, Velvet Gossip, la qualifie de "nouvelle idole du web". La presse people, notamment, se passionne pour l'histoire, et recherche le nom du compagnon (à l'époque inconnu) qui se fait faire "cocu" (selon les propres termes de Cantone dans une vidéo). Une journaliste du quotidien classé à gauche Il Fatto Quotidiano se demande dans un article (aujourd'hui introuvable) si la jeune femme n'a pas tenté un coup marketing pour se lancer dans une carrière d'actrice.
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Velvet Gossip : Tiziana Cantone, la "nouvelle idole du web"
Sur les réseaux sociaux, des internautes se déchaînent. En tapant le mot-clé #TizianaCantone sur Twitter, on trouve encore aujourd'hui d'innombrables résultats. Commentaires haineux, moqueries, pages dédiées sur Facebook... "la vie privée et publique de Cantone devient un jeu vidéo", rappelle Il Post. Des "meme" (images populaires détournées, et devenues virales) se popularisent à partir d'une phrase qu'elle prononce dans une des vidéos : "Tu fais une vidéo ? Bravo !". Une phrase que l'on retrouve bientôt partout : T-Shirts (en vente sur E-bay), tasses, photomontages... tout y passe. Même le monde de la musique : dans un clip du 24 juin 2015, visionné plus de 20 millions de fois, le jeune chanteur italien Lorenzo Fragola, vainqueur du X-Factor italien en 2013, parodie la fameuse phrase. A la fin du clip, une image tremblotante le montre en train de répéter ces paroles, avant d'éclater de rire.
Exemple d'un T-Shirt qui reprend la phrase de Cantone
Harcelée, Cantone fuit sa maison de Casalnuovo, près de Naples, et se réfugie en Toscane. Dans un témoignage, sa mère parle de dépression, de deux tentatives de suicide. Elle revient finalement dans les environs de Naples, où elle contacte l'avocate Roberta Foglia Manzillo. En avril dernier, Cantone porte plainte : une plainte pour diffamation contre ceux qu'elle accuse d'avoir diffusé la vidéo sur internet (un de ceux qui auraient reçu les vidéos en premier) et une plainte pour violation de la vie privée contre les sites qui ont relayé les contenus. Parmi eux : Facebook Ireland, Yahoo! Italia, Google ou encore Youtube. Cantone réclame la suppression des images, posts et vidéos la concernant, et demande que soit appliqué son droit à l'oubli. Les premières audiences se tiennent en juin, un an après le début de l'affaire. Dans son jugement, rendu public début septembre, le Tribunal de Naples oblige Facebook à supprimer tous les contenus la mentionnant.
"UNE GRAVE NÉGLIGENCE"
Une victoire pour la jeune femme ? Pas vraiment : les autres grandes firmes, telles Google ou Youtube, ne sont pas condamnées et les images continuent à être diffusées sur internet. De plus Cantone doit leur payer 18 225 euros de dommages et intérêts... plus une partie des frais de procès.
Quant au droit à l'oubli, le tribunal refuse de l'appliquer. Pourquoi ? Selon le juge, cité par Il Fatto Quotidiano, pour pouvoir réclamer un droit à l'oubli, il faut que "les données concernent des affaires qui remontent dans le temps". Autrement dit : ces vidéos n'étaient pas assez anciennes pour bénéficier du droit à l'oubli. Une semaine après cette décision, on a retrouvé Cantone morte chez elle.
Depuis, une partie de la presse italienne revoit avec une certaine horreur le déroulement des faits qui ont mené au suicide de Cantone : des termes comme "massacrée", "détruite", "tuée par la honte" ou des reproches contre le "pilori du web" sont légion. Le directeur du Fatto Quotidiano en ligne Peter Gomez a même publié un mea culpa concernant l'article de leur journaliste (désormais introuvable) : "Comme tant d'autres, le Fatto Quotidiano s'est comporté de manière gravement négligente. [...] Par erreur, nous avions traité l'affaire comme un phénomène de mœurs et comme d'autres, nous avions fait l'hypothèse que l'affaire puisse être une opération de marketing en vue du lancement d'une nouvelle actrice." Ainsi, conclut Gomez, "ce qui s'est passé ne peut et ne doit pas être résolu par une simple suppression de ce qui avait été écrit", mais doit "imposer une réflexion" sur le travail des journalistes. "Ultime farce", note le quotidien napolitain Il Mattino : les vidéos sont aujourd'hui toujours en ligne.