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L'État québécois accentue la répression
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Vendredi dernier, les forces antiémeutes de la police provinciale ont réprimé brutalement une manifestation d'étudiants et d'opposants à l'assaut sur l'éducation mené par le gouvernement du Parti libéral. La répression policière, qui a sérieusement blessé plusieurs étudiants, dont un qui est toujours dans un état grave, a été farouchement défendue et justifiée par le gouvernement.
La manifestation étudiante de vendredi dernier prenait place en marge du congrès du Parti libéral, qui avait été spécialement déplacé à Victoriaville, à 150 kilomètres de Montréal, pour empêcher que le Congrès ne devienne trop facilement la cible du mouvement de grève. Quelques milliers de manifestants se sont tout de même déplacés vers la petite ville pour exprimer leur opposition à la hausse des frais de scolarité universitaires.
Usant du prétexte que certains avaient tenté de franchir le périmètre de sécurité qui ceinturait le palais des Congrès où se trouvait le Parti libéral, les forces antiémeutes de la Sûreté du Québec (SQ) ont sauvagement réprimé la foule. Des balles de caoutchouc ont été tirées sur les manifestants. Deux jeunes hommes ont subi des traumatismes crâniens, l'un aurait perdu un oeil et l'autre repose dans un état critique à l'hôpital.
Un article publié mardi dans La Presse fait état de quelque 400 interventions d'une équipe d'infirmiers bénévoles. Ces intervenants ont traité plusieurs cas de brûlures aux yeux et au visage, ainsi que des foulures et des fractures. Plusieurs personnes ont eu les dents fracassées par des projectiles et environ 200 personnes ont été incommodées par les gaz.
Le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, s'est empressé de venir à la défense des policiers de la SQ et à justifier leurs actes. « La Sûreté du Québec a le devoir de maintenir l'ordre dans notre société », a-t-il dit, alors qu'il participait au Conseil général du PLQ. « Elle a le droit d'utiliser la force nécessaire pour la maintenir. Un étudiant qui serait entre la vie et la mort, c'est terrible. Mais c'est un risque qui arrive quand il y a de la violence comme on en a connu hier. » Parlant du rôle des policiers, Dutil a tenu des propos très révélateurs quand il s'est senti obligé de dire que « ce n'est pas une classe particulière qui est là pour opprimer la population ».
Comme ils le font depuis le début de la grève étudiante, l'élite dirigeante et les médias de la grande entreprise utilisent le vandalisme et les actes isolés de quelques casseurs pour justifier une répression et une brutalité exercées systématiquement par les forces policières, dont ils masquent les conséquences tragiques.
Les articles des journaux comme La Presse, laissaient croire que les blessures graves subies par l'un des jeunes hommes auraient pu être causées par des projectiles lancés par les manifestants ou des balles de caoutchouc tirées par les policiers. Plusieurs témoins ont dit sur les réseaux sociaux qu'ils avaient vu le jeune homme être atteint d'une balle de caoutchouc.
Des reporters de la chaîne CUTV (Concordia University TV) ont filmé la scène après l'attaque et ont expliqué que les policiers de la SQ n'ont pas voulu appeler une ambulance et qu'ils ont profité de l'arrivée de cette dernière, qui avait finalement été appelée par les manifestants eux-mêmes, pour intensifier leur assaut sur la foule, retardant du même coup l'arrivée de l'ambulance sur place.
Ces événements prenaient place au moment même les dirigeants des fédérations étudiantes (la FEUQ, la FECQ et la CLASSE) négociaient la capitulation du mouvement de grève en compagnie des bureaucraties syndicales qui, dans les mots du président de la CSN, « ont été très heureuses... de travailler à mettre en place une feuille de route qui, selon nous, va permettre de sortir de la crise actuelle ».
Depuis le début du conflit, la classe dirigeante utilise les tribunaux, la répression des forces policières et ses médias pour imposer la mesure grandement impopulaire de la hausse des frais de scolarité universitaires, mesure qui fait partie d'un programme d'austérité beaucoup plus vaste qui fait consensus au sein de l'élite. Selon cette élite, aucun sentiment populaire d'opposition à son programme de droite n'est légitime.
De plus en plus, les tribunaux interviennent à coup d'injonctions pour forcer la reprise des cours et criminaliser les actions étudiantes. La semaine dernière, le juge en chef de la Cour supérieure du Québec, François Rolland, a explicitement lancé un appel au Procureur général du Québec et aux forces policières pour que l'opposition étudiante soit matée.
Pendant qu'il se déplaçait à travers le Québec pour émettre une injonction après l'autre, Rolland a déploré que ces injonctions forçant le retour en classe n'étaient pas respectées. Il a ordonné au collège Montmorency et au cégep de Saint-Hyacinthe d'avoir recours à la force policière s'il le fallait. « On est à la douzième heure, pas à la onzième... Il y a péril. Il faut que quelqu'un intervienne. Je le déclare encore, le procureur doit intervenir », a-t-il dit.
La nécessité de recourir à l'ordre et aux pouvoirs coercitifs de l'État a été aussi exprimée dans une lettre intitulée « Faisons le choix de l'excellence universitaire », corédigée par un groupe de représentants de l'élite politique, patronale et académique, dont l'ancien premier ministre péquiste du Québec, Lucien Bouchard.
« Il est plus que temps de se ressaisir, dit la lettre, il faut rétablir l'ordre. Voici une situation où, au-delà de toute allégeance politique, la population doit donner son appui à l'État, ultime responsable de la paix publique, de la sécurité des personnes et de l'intégrité de nos institutions. »
François Legault, ancien ministre de l'Éducation au Parti Québécois et maintenant chef de la formation politique ouvertement à droite de la Coalition Avenir Québec (CAQ), a déploré « qu'au Québec en 2012, quand il y a une décision prise par le gouvernement, on ne soit pas capable de la faire respecter ».
Pour empêcher préventivement qu'un autre mouvement d'opposition populaire se développe contre ses plans d'austérité sociale, la classe dirigeante cherche à développer les armes légales nécessaires. Un éditorial d'André Pratte publié lundi dans La Presse dit qu'il faut se poser la question, « Faut-il encadrer le syndicalisme étudiant pour s'assurer que les règles démocratiques sont respectées? »
L'administration de la Ville de Montréal prépare quant à elle l'adoption de règlements pour interdire le port du masque et rendre illégales les manifestations dont le trajet n'aurait pas été communiqué aux policiers.
Les travailleurs et les étudiants doivent prendre garde. L'élite dirigeante au Québec, comme c'est le cas internationalement, est de moins en moins prête à tolérer l'opposition populaire à son programme d'austérité et ne se sent plus tenue de respecter les principes démocratiques élémentaires.