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    «Ennemi de la nation»: ma lettre au CSA (Plenel)

    Lien publiée le 19 décembre 2016

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    https://blogs.mediapart.fr/edwy-plenel/blog/191216/ennemi-de-la-nation-ma-lettre-au-csa

    Samedi 17 décembre, j’ai été qualifié d’« ennemi de la nation » sur La Chaîne Parlementaire (LCP) par un intervenant, Frédéric Encel, qui répondait à l’invitation d’un journaliste de cette chaîne publique d’information de l’Assemblée nationale de nommer les « ennemis de l’intérieur ». J’ai saisi le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) de cette incitation à la haine et à la violence qui visait aussi les universitaires Alain Badiou et Pascal Boniface. Voici ma lettre à son président, Olivier Schrameck.

    Monsieur le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel, cher Olivier Schrameck,

    En tant que simple citoyen et journaliste professionnel, directeur de publication du journal en ligne Mediapart, je saisis par la présente l’instance de régulation que vous présidez.

    Samedi 17 décembre 2016, sur la chaîne d’information publique de l’Assemblée nationale, La Chaîne Parlementaire (LCP),  dans l’émission « Entre les lignes » diffusée à 12 heures, puis rediffusée à 19 heures, j’ai été qualifié d’« ennemi de la nation » par l’un des invités, Frédéric Encel, avec l’approbation de l’animateur, Frédéric Haziza, lequel a même suggéré cette formulation en évoquant, dans sa question, des « ennemis de l’intérieur ».

    Cette incitation à la haine visait aussi deux universitaires renommés, le philosophe Alain Badiou et le géopolitologue Pascal Boniface.

    Elle a été, de plus, diffusée largement sur les réseaux sociaux sur le compte Twitter officiel de la chaîne @LCP, sous forme de teaser de l’émission, à 8h52 le même samedi 17 décembre, soit trois heures avant sa diffusion, dans la formulation suivante, accompagnée d’un extrait vidéo : «  - @FredericEncel : “@edwyplenel, Alain Badiou et @PascalBoniface sont des ennemis de la nation” #ELL ».

    Dans l’époque troublée que traverse notre pays, ce propos, proféré sans aucune contestation sur la chaîne de la représentation nationale, n’est pas une simple opinion, mais un appel à la violence, sinon au meurtre. Par définition, l’ennemi, c’est celui contre lequel on est en guerre et qu’il faut donc annihiler, soumettre ou vaincre. Qualifier un citoyen français d’ « ennemi de la nation », c’est aussi réclamer son exclusion de la communauté nationale.

    Vous n’êtes pas sans savoir que ces formules – « ennemi de la nation »« ennemi de l’intérieur » – ont toujours été le refrain des forces les plus obscures de notre histoire nationale, lors de toutes les grandes crises morales qui ont ébranlé la République, que ce soit pendant l’affaire Dreyfus, l’entre-deux guerres ou la guerre d’Algérie. Ce fut notamment le langage tenu par Charles Maurras, pour l’Action Française, à l’adresse d’un ministre de l’intérieur de la Troisième République qui fut votre grand-père, Abraham Schrameck.

    Je ne m’abaisserai pas à répondre à de telles infamies qui, jamais, ne m’empêcheront de continuer à servir les idéaux d’une République démocratique et sociale, défendant l’égalité des droits pour toutes et tous, sans distinction d’origine, d’apparence, de croyance, de sexe, etc. Ma requête n’est donc en rien personnelle. Elle concerne la déontologie du débat public audiovisuel dont le CSA est le garant, tout comme les textes qui le régissent lui imposent de veiller au pluralisme de l’expression des courants d’opinion et à l’honnêteté de l’information.

    Une récente campagne électorale américaine a montré, s’il en était besoin, le désastre démocratique du déchaînement médiatique de la violence verbale et des discours haineux, dans le dénigrement de toute vérité des faits. A l’orée de la campagne présidentielle française, je suis stupéfait de constater que cet abaissement de la vie publique a droit de cité sur la chaîne télévisuelle supposée incarner l’Assemblée nationale et son pouvoir législatif. 

    Dans l’attente des suites que vous donnerez à ce courrier, je vous prie de croire, M. le président du CSA, cher Olivier Schrameck, à l’expression de mes salutations cordiales, 

    Edwy Plenel, le 18 décembre 2016

    Copie à Marie-Eve Malouines, directrice de LCP-AN