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"Les riches n’abandonnent que face à une menace sociale"

Lien publiée le 28 décembre 2016

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.fakirpresse.info/richard-wilkinson-les-riches-n-abandonnent-que-face-a-une-menace-sociale

RICHARD WILKINSON : « LES RICHES N’ABANDONNENT QUE FACE À UNE MENACE SOCIALE »

Déchirer des chemises, c’est déjà brutal. Mais un very distingué professeur nous recommande pire…

Il y a deux ans, à peu près, je rencontrais, à York, l’épidémiologiste Richard Wilkinson, auteur de Pourquoi l’égalité est meilleure pour tous. Et toute la séquence Air France / Goodyear m’a fait repenser à ça, à la fin de notre discussion. Je revêtais ma tenue « I love Bernard », pour évoquer avec lui mon patron préféré, le PDG du groupe LVMH, que je voulais « sauver de lui-même » :

F.R. : Quand j’ai lu votre livre, je me suis dit, « Tiens, voilà une thérapie pour Bernard Arnault », parce qu’il paraît tellement triste, tellement hors du monde…

R.W : J’avais une tante, que j’aimais beaucoup, qui venait d’une famille très riche. Seulement, pendant la guerre, elle a été emprisonnée par les Japonais, elle a subi la famine. Elle a dit ensuite que cela lui avait fait beaucoup de bien. Elle a rencontré d’autres gens, elle a réalisé à quel point cette vie pouvait être dure. Elle est devenue une meilleure personne grâce à cela.

F.R. : Donc vous nous conseillez d’emprisonner Bernard Arnault et de l’affamer ? Moi, je ne suis pas aussi violent que vous. Je voudrais suggérer à Bernard Arnault de m’accompagner, de rencontrer les gens qu’il a licenciés il y a trente ans. D’aller dans ses usines en Pologne, en Inde, à Madagascar, et de voir comment ses employés vivent. J’ai pensé que, peut-être, s’il sort de ses bâtiments de verre, de ses chiffres, de son cercle d’amis très aisés, peut-être qu’il pourrait réintégrer la communauté humaine…

R.W. : Vous parlez de convertir des personnes riches. Ce n’est pas le sujet.
Le sujet, c’est la démocratie.
Les Etats-Unis et de nombreux pays développés sont devenus plus égalitaires pendant les années trente seulement parce qu’ils avaient peur du communisme et du syndicalisme. Pendant toute une période ils ont réduit les inégalités. Quand des protestataires ont secoué la voiture d’un dirigeant de la Bank of Scotland, ont cassé sa fenêtre, eh bien, ce jour-là, je crois que ce financier a commencé à s’inquiéter, à se soucier de comment il était vu, jugé.
Les riches n’abandonnent leur position que face à une menace sociale. C’est aux gens, pas aux riches, de prendre conscience de ces injustices, et du fait que les oligarques ne méritent pas ces privilèges.

F.R. : Donc, il faut créer une menace sociale pour changer Bernard Arnault ?

R.W. : Notre regard sur les riches doit changer, il faut en finir avec l’admiration, ou la déférence. On devrait les considérer comme des égoïstes, des antisociaux, les mépriser, et qu’ils le sachent.
C’était le cas dans la préhistoire. Christopher Boehm, un expert des sociétés de cueillette et de chasse, a rassemblé des données sur deux cents sociétés différentes. La plupart étaient extraordinairement égales, basées sur le partage de la nourriture, l’échange de dons. D’après lui, ils maintenaient l’égalité en ridiculisant ceux qui se voulaient supérieurs, ou ils les exilaient, et dans certains cas, ils étaient même tués. Il montre comment ce qu’il appelle des « stratégies contre les dominants » fonctionnaient.

F.R. : Maintenant, vous voulez le tuer !

R.W. : Dans une certaine mesure, les démocraties modernes sont une « stratégie contre les dominants », mais c’est une contrainte inefficace. Il faut la rendre plus efficace.

Retrouvez l’interview en intégralité dans notre livre L’égalité c’est la santé, Fakir éditions, 4 euros.