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L’entente turco-russe compromet les desseins autonomistes des Kurdes de Syrie
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(France 24) Les Kurdes de Syrie, qui contrôlent le nord du pays, risquent fort d’être les grands perdants de la nouvelle alliance entre Russes et Turcs. Celle-ci vient compromettre leurs rêves d'autonomie. Décryptage.
Dans le viseur de la Turquie, qui cherche à tout prix à les empêcher de constituer une région autonome à sa frontière avec la Syrie, mais indispensables aux yeux des Américains dans la lutte contre l’organisation État islamique (EI), les Kurdes de Syrie jouent leur avenir en ce début d’année 2017.
Exclus des futures négociations de paix, entre le régime de Bachar al-Assad et l'opposition syrienne, les Kurdes risquent fort d’être les grands perdants de la gigantesque partie géopolitique, qui se joue actuellement entre les grandes puissances.
Ainsi, alors qu’un cessez-le-feu semble plus ou moins respecté depuis dix jours sur plusieurs fronts en Syrie, les zones contrôlées par les forces kurdes, dans le nord du pays, restent, elles, le théâtre de violents combats. Notamment autour de la ville syrienne d’Al-Bab, toujours aux mains de l’EI, mais qui est convoitée à la fois par la Turquie et par les Kurdes de Syrie. Pour les milices kurdes, la conquête de ce fief jihadiste est en effet capitale, car elle permettrait de réaliser la jonction entre les différentes zones kurdes.
Carte blanche russe
C’est pour les en empêcher, et au prix de lourdes pertes, que les Turcs ont jeté toutes leurs forces dans cette bataille contre les jihadistes. Fin décembre, ils ont bénéficié de l’appui aérien russe, une première pour un membre de l’Otan.
Après Al-Bab, c'est à 50 km à l'Est de là, dans la ville de Manbij, ancien bastion de l’EI désormais contrôlé par les milices kurdes, qu'est établi le prochain objectif de l’offensive turque "Bouclier de l’Euphrate". Le président turc Recep Tayyip Erdogan, nouvel allié de Vladimir Poutine, a fait le serment de la reprendre aux Kurdes et de les repousser vers le Sud, loin de la frontière, de l’autre côté de l’Euphrate. Avec un nouveau feu vert russe ?
En contrepartie de la chute d’Alep, tombée aux mains du régime de Damas après l’évacuation des rebelles soutenus par la Turquie, les Russes semblent avoir donné carte blanche à Ankara dans le nord de la Syrie. Au grand dam des Kurdes, qui depuis plusieurs décennies, entretiennent de solides relations avec la Russie, et qui ont touché du doigt leur rêve d’autonomie en se dotant, fin décembre, d’une Constitution pour leur "région fédérale", proclamée dans le nord de ce pays.
"Le rapprochement russo-turc s’est fait clairement au détriment des Kurdes de Syrie, leur sort les dépasse largement, car il dépend d’un équilibre qui les surplombe et qui est celui d’un rapport de force entre Moscou et Washington, avec Ankara, qui joue sur les deux tableaux", indique Caroline Galacteros, géopolitologue spécialiste des questions internationales et de défense, et directrice du cabinet d’intelligence stratégique Planeting, interrogée par RFI.
Une variable d’ajustement du rapprochement turco-russe ?
"On va voir dans ce jeu, si les Kurdes de Syrie, vont être une variable d’ajustement du rapprochement entre la Turquie et la Russie […], s’interroge, de son côté, Kendal Nezan, président de l'Institut kurde de Paris au micro de RFI. Poutine est en train de manœuvrer Erdogan, de le retourner. Et s’il arrive à retourner un membre de l’Otan, Poutine sera prêt à sacrifier les Kurdes."
Pour l’instant, la Turquie "joue très bien de sa capacité de nuisance, car elle sait que les États-Unis veulent la garder auprès d’eux, alors qu’elle se rapproche de Moscou", estime Caroline Galacteros.
Ulcérée par le soutien apporté par les États-Unis aux milices kurdes syriennes, que la Turquie considère comme des émanations du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), Ankara traverse une période de fortes turbulences avec les Américains. Le refus de la coalition internationale d’appuyer par voie arienne ses opérations à Al-Bab, a cristallisé ces tensions. Les Turcs ont en réponse menacé de fermer la base aérienne d'Incirlik à la coalition internationale, aussi vitale qu’incontournable pour les opérations contre les jihadistes en Syrie et en Turquie.
Lâcher les Kurdes, dont ils louent l’efficacité et la fiabilité dans la lutte contre l’EI, n’est pas à l’ordre du jour pour Washington. Difficile à concevoir en effet, au moment où les Kurdes sont engagés, au sein des Forces démocratiques syriennes, coalition arabo-kurde appuyée par des forces spéciales américaines, dans l'offensive en cours contre Raqqa, la capitale autoproclamée de l’EI en Syrie.
À moins que le président élu américain Donald Trump, qui entrera en fonction le 20 janvier, ne change la donne.