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La Côte d’Ivoire fragilisée
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
http://mondafrique.com/serie-lafrique-2017-cote-divoire-geant-bien-fragile-1/
Conforté par les législatives du 18 décembre 2016 qui ont vu la coalition au pouvoir remporter largement le scrutin, le camp du président Alassane Ouattara conserve une confortable majorité à l’Assemblée malgré les dispersions dans ses propres rangs. Les quelques 75 sièges grignotés par les candidats indépendants n’auront pas suffit à déstabiliser le pouvoir en place qui n’hésite pas à qualifier les résultats de « plébiscite ».
Une opinion publique désabusée
L’issue de ces élections n’avait pourtant rien d’une évidence. Miné par des divisions internes, la coalition au pouvoir composée de deux formations politiques, le RDR et le PDCI, a traversé une année politique houleuse marquée par un profond désintérêt de la population pour la vie politique.
Adopté le 1er novembre 2016, le référendum sur la nouvelle Constitution voulue par le président a certes fortement agité les formations politiques sur l’échiquier ivoirien mais n’a suscité qu’un faible engouement de la part des citoyens. Le scrutin a par ailleurs généré de forts soupçons de fraude. Alors que les autorités du pays ont annoncé l’adoption du nouveau texte à 93,42 % des voix avec 42,42% de taux de participation, plusieurs sources au sein de chancelleries occidentales estiment qu’environ 20% des inscrits seulement se seraient rendus aux urnes. Un score qui, avéré ou non rappelle le fort taux d’abstention qui avait entaché la victoire d’Alassane Ouattara aux présidentielles de décembre 2015 présentée comme triomphante.
De leur côté, les partis politiques se sont livrés à un véritable bras de fer autour de différentes dispositions de la nouvelle Constitution. Présentée comme une avancée pour le développement des libertés et la protection des citoyens, la création d’un Sénat dont un tiers des membres seront nommés par le chef de l’Etat a notamment été dénoncée par l’opposition comme une dérive monarchique. Par ailleurs, la suppression de l’âge limite de candidature à la présidence jusqu’alors fixé à 75 ans a été pointée du doigt comme un moyen de permettre à Alassane Ouattara de briguer un troisième mandat.
Pomme de discorde entre les partis de la majorité et ceux de l’opposition, cette question fait surtout miroiter un autre enjeu à venir, autrement plus crucial : celui de l’âpre bataille pour la succession à Ouattara lors des présidentielles de 2020. En apportant le soutien de son parti, le PDCI, à la candidature de l’actuel chef de l’Etat fin 2015, Henri Konan Bédié avait insinué vouloir qu’on renvoie la balle à sa propre famille politique aux prochaines présidentielles. Ce deal implicite sera t-il respecté ?
Au sein du clan présidentiel, les candidats potentiels affutent aussi leurs couteaux. La bataille s’annonce fielleuse notamment entre le ministre de l’intérieur Hamed Bakayoko et le président de l’Assemblée Guillaume Soro, tous deux proches du président et en compétition pour le rôle du dauphin.
La vitrine ivoirienne
En poste dès le premier mandat du président, ces deux barons de l’ère Ouattara pourront, comme les autres, tirer profit de son bilan économique applaudi à l’international. Selon la Banque mondiale et le FMI, le taux de croissance économique moyen du pays est estimé à 9,2% pour la période 2012-2016, soit l’un des plus élevés de la sous-région. Une brillante vitrine que viennent pourtant égratigner un fort taux d’endettement évalué à 42,5% du PIB selon l’agence de notation Fitch.
Très répandue, la corruption reste par ailleurs un frein considérable au développement du pays. Au sein des grandes institutions financières, on critique à demi mots le non respect des règles d’attribution des marchés qui fait l’objet de plaintes répétées de la part des investisseurs. Trustés par des proches du président et de sa famille, de larges pans de l’économie ivoirienne dans des secteurs clés comme le cacao, l’import-export ou les BTP servent avant tout les intérêts d’une minorité. Un accaparement des richesses par un seul clan qui entretient les frustrations au sein de la population et donne le sentiment d’une croissance non inclusive.
Favoritisme et risque sécuritaire
Même travers du côté des principales institutions politiques et sécuritaires du pays dont les plus hauts postes restent encore largement accaparés par des personnalités du Nord du pays d’où est originaire Alassane Ouattara. Au risque de générer de graves tensions. Comme le souligne Rinaldo Depagne, spécialiste de l’Afrique de l’Ouest pour le think tank International Crisis Group (ICG) dans une tribune publiée par Jeune Afrique en décembre 2015, « Alassane Ouattara a échoué à réformer l’armée, où d’anciens responsables de la rébellion des Forces nouvelles (FN) occupent toujours une place prépondérante et où les anciens officiers pro-Gbagbo sont marginalisés. En cas de nouvelle bataille pour la conquête du pouvoir, des morceaux entiers de cette armée sans unité sont susceptibles de se détacher et de rejoindre un camp ou un autre. »
Une mise à la marge des segments de la populations assimilés à des ennemis du pouvoir qui se reflète également dans le domaine judiciaire. « À ce jour, signale Rinaldo Depagne dans cette même tribune, aucun membre des anciennes Forces nouvelles n’a été jugé pour les crimes commis entre 2002 et 2012. La justice reste profondément partiale et déséquilibrée. Elle nourrit un fort sentiment d’injustice dans l’esprit de nombreux Ivoiriens et freine toute possibilité sérieuse de réconciliation. »
Enfin, la sécurité du pays constitue une priorité depuis que l’attaque terroriste menée dans la zone balnéaire de Grand Bassam a confirmé la place de la Côte d’Ivoire comme cible privilégiée des terroristes au Sahel. Cette attaque avait par ailleurs mis en lumière les failles du dispositif sécuritaire aux abords des plages et des stations balnéaires très fréquentées par les expatriés. Des dysfonctionnements persistants malgré l’antécédent de l’attentat commis par Daech sur la plage de Sousse en Tunisie en juin 2015 et les alertes répétées. « La menace était devenue imminente » confie une source militaire. En réponse, les services de renseignement français et leurs collègues ivoiriens avaient placé plusieurs mosquées d’Abidjan sous étroite surveillance. La concentration des grands groupes français sur le territoire maintient la Côte d’Ivoire comme une cible privilégiée du terrorisme au Sahel.