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Oui, Théo a été victime de viol

Violences-Policières

Lien publiée le 10 février 2017

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://feministesrevolutionnaires.wordpress.com/2017/02/09/739/

L’IGPN (la police des polices) vient d’envoyer son rapport à la juge d’instruction en charge de la plainte de Théo contre les policiers qui l’ont agressé et violé. L’IGPN conclut à un « accident » écartant l’idée d’un « viol délibéré ». Si la juge d’instruction décide de suivre les recommandations de l’IGPN, aucun des policiers ne sera poursuivi pour viol. Ils seraient simplement poursuivi pour « violences volontaires »
Cette décision, malheureusement sans surprise, est scandaleuse et insupportable.

Rappelons les conditions de l’agression de Théo :

1- Théo sort de chez lui, voit sur le chemin des amis, va les saluer, et là les policiers arrivent et leur intiment de se mettre « tous contre le mur » pour un contrôle d’identité. Un des jeunes contrôlés demande pourquoi un des policiers le menace de 450 € d’amende. Et là, bam, le policier lui colle une grosse gifle.
Déjà, rien que pour cette petite séquence, ces policiers devraient être mis en examen, abusant du pouvoir que leur confère leurs fonctions et usant de violence de façon totalement injustifiée. Sans compter bien sûr que cette agression policière se déroule à Aulnay-sous-Bois, auprès de jeunes raciséEs, qui subissent chaque jour discriminations et violences policières. On doute qu’une telle scène puisse se dérouler à Neuilly-sur-Seine ; pourtant la police n’est-elle pas censée traiter tout le monde de la même manière ?

2- Ensuite, choqué à juste titre par cette gifle, Théo demande au policier « pourquoi il fait ça, que ça ne sert à rien, que ça va envenimer les choses ». Il n’en fallait pas plus pour que ni une ni deux, les policiers se jettent sur lui et le couvrent de coups de matraques. Encore une fois, s’arrêter à ce stade du récit devrait suffire à notre indignation et à la condamnation des policiers. Malheureusement, ces agressions ont lieu tous les jours dans l’impunité la plus totale.

3- Puis, Théo raconte : « Il me regarde, j’étais de dos, mais j’étais en trois quart, donc je voyais ce qu’il faisait derrière moi. Il prend sa matraque et il me l’a enfoncée dans les fesses, volontairement. Dès qu’il m’a fait ça je suis tombé sur le ventre, j’avais plus de force. » Un doute est-il permis sur l’intention du policier ?

Tout le monde voit parfaitement la différence entre les deux gestes : mettre un coup de matraque pour frapper quelqu’un et utiliser la matraque pour l’enfoncer dans un orifice. Les deux gestes sont complètement différents. Théo était de dos. Son pantalon était baissé. Mais de qui se moque-t-on ?! Ou alors, on ne sait pas, le policier était totalement incompétent à exercer ses fonctions et il n’avait rien à faire là. Le pauvre a des problèmes de coordination des gestes et à chaque fois qu’il veut se gratter le nez il finit par s’enfoncer les doigts dans les yeux.
Alors de deux choses l’une : ou bien il l’a violé volontairement, ou bien il l’a violé involontairement parce qu’il était hors de contrôle et violent. Mais OUI, IL L’A VIOLÉ. C’est un fait incontestable.

Ce policier est dans l’exercice de ses fonctions, il a L’OBLIGATION de maîtriser ses actes. Ces gens-là suivent des formations pour apprendre comment taper quelqu’un avec sa matraque, ont des exercices pratiques et malheureusement saisissent bien souvent l’occasion de le faire dans la vie réelle. A ce stade de déchaînement de la violence, où un policier gifle un jeune parce qu’il demande pourquoi il risque une amende, où il en tabasse un autre parce qu’on lui demande de se calmer, cela a-t-il un sens de se demander si son viol était volontaire ou non ? Le policier ne marchait pas dans la rue en sifflotant la tête dans les nuages à faire tourner sa matraque dans les mains et oups, « viol accidentel » sa matraque est rentrée dans les fesses de quelqu’un qui passait par là. Un « viol accidentel », si tant est qu’une telle chose ait le moindre sens, est un viol.

4- Mais l’horreur ne s’arrête pas là. Théo continue son récit après le coup de matraque dans les fesses : « Là il (le policier) me dit « les mains dans le dos », ils m’ont mis les menottes et là ils m’ont dit « assieds-toi maintenant », je leur ai dit « j’arrive pas à m’asseoir, je sens plus mes fesses », et ils m’ont mis des gaz lacrymogènes dans la tête, dans la bouche, un coup de matraque en pleine tête, et moi j’avais tellement mal aux fesses que cette douleur-là semblait éphémère (…) c’était vraiment trop pour moi. (…) Mon pantalon était baissé, j’avais vraiment mal », insiste Théo. »
Et oui, maintenant il faudrait croire qu’en plus d’avoir introduit involontairement la matraque, il ne s’en serait pas aperçu bien que Théo le lui ai dit ! Et oui, vous comprenez, en plus d’avoir des problèmes psycho-moteurs, notre policier aurait de graves problèmes de vue et d’audition. Mais attention ! Tous ces problèmes ne surgissent en lui que quand il s’agit d’un viol. Le reste du temps, il maîtrise avec dextérité les gaz lacrymos et les coups de matraque dans le visage. Mais non ! Sommes-nous un peu bêtasses, en lui mettant un coup de gaz dans les yeux, il voulait lui demander ce qu’il s’était passé, et en lui donnant un coup de matraque dans la tête, il voulait lui dire « pardon, j’ai pas fait exprès ». N’oublions pas, notre policier est un peu différent !
Bon, sans compter que Théo est par terre terrassé par la douleur, représentant évidemment un danger immédiat pour les policiers. Il ne faudrait pas manquer une si belle occasion de pouvoir risquer de lui faire perdre la vue en lui balançant des gazs dans les yeux et risquer le traumatisme crânien en lui mettant des coups de matraque sur la tête.

5- Et les autres policiers, on en parle ? Parce qu’il y a quelques jours, il y avait encore l’espoir qu’un des 4 policiers soit poursuivi pour viol. Mais les autres, non, juste pour « violences volontaires ». Pardon ? Que dit la loi ? « Lorsqu’il (le viol) est commis par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice ». Oui, les 3 autres policiers ont clairement agi en qualité de complices. Mettons qu’ils n’aient pas pu arrêter le geste de leur collègue car tout est allé trop vite et leur attention était tournée vers les coups de matraques qu’ils délivraient. Mais ils n’ont ensuite rien fait alors que Théo l’a clairement signalé : le protéger de l’autre collègue, l’emmener immédiatement à l’hôpital, prévenir leurs supérieurs, etc. Non seulement ils n’ont rien fait mais en plus ILS L’ONT PUNI pour l’avoir signalé : ils se sont mis à le gazer et à le frapper !
Je ne sais pas vous, mais si je violais quelqu’unE par inadvertance ou si je voyais quelqu’unE à côté de moi le faire, je serais mortifiée. Je serais paralysée. Je serais paniquée. Je serais beaucoup de choses, mais certainement pas en train de frapper la personne à qui ça vient d’arriver.

Théo a été violé. Ce viol a été sa punition pour avoir un tant soit peu résisté à l’injustice que lui et ses proches subissaient. Il a été violé comme on viole dans les guerres, pour humilier et pour couper en eux et en elles toute envie de résistance à l’ordre social. Un viol qui soumet ultra-violemment et qui traumatise, un viol qui affirme toute la domination politique de celui qui le commet.

Certaines personnes font semblant de ne pas comprendre, citons par exemple l’autre crétin de Nicolas Canteloup et la récente immondice qu’il a pondu. Ils se demandent : « mais quoi, le policier serait homosexuel et amoureux de Théo ? ahahaha, trop drôle ». Et oui, on doit encore rappeler aujourd’hui que le viol est beaucoup de choses, mais certainement pas un acte d’amour. Dans notre société, le viol, en plus d’être un acte violent et non-consentant qui prive la personne de sa liberté, est un acte sexiste et homophobe. Car la pénétration est généralement perçue comme étant quelque chose d’humiliant. Avoir un vagin et être pénétré serait quelque chose de honteux, et par extension la sodomie le serait aussi. La sexualité par pénétration, c’est la sexualité des dominéEs, la sexualité des « femmes ». Tout ce qui est socialement perçu comme féminin serait humiliant et rabaissant, porterait la marque de la domination et de la faiblesse. Du maquillage au soin qu’on peut porter aux autres, de la jupe à la sexualité. Et c’est comme ça qu’on finit par associer quelque chose d’aussi positif que le plaisir sexuel et sensuel à un acte de domination et d’humiliation.

En un certain sens, un viol n’a rien à voir avec la sexualité, ce n’est pas parce que ça se passe au même endroit qu’il s’agit de la même chose; ce serait comme dire qu’une baffe a à voir avec une caresse. Mais en un autre sens, elle a tout à voir: cette société est machiste, sexiste, homophobe, classiste et raciste. Quand le policier a violé Théo, c’est tout cela qu’il a réaffirmé en même temps: le pouvoir appartient aux riches hommes blancs hétéros et capitalistes et c’est avec violence qu’ils arrivent à le garder précieusement entre leurs mains. Non pas qu’il faille obligatoirement être un riche homme blanc hétéro et capitaliste pour agir injustement et avec violence, mais notre société repose sur des structures qui produisent et encouragent ces rapports de domination et d’exploitation : blancHEs sur raciséEs, hommes sur femmes et minorités de genre, riches sur pauvres, hétéros sur toute autre orientation sexuelle, cis sur trans et non binaire etc.

Pourquoi en est-il ainsi? Parce qu’on a besoin du pouvoir pour se faire du fric, et le fric il se fait en exploitant les femmes qui bossent gratuitement à la maison et en les payant moins chères au travail ; en maintenant les structures familiales hétérosexuelles qui rendent cette exploitation évidente et en empêchant toute autre forme d’union libre; en exploitant les populations des pays pauvres – souvent occupées par des personnes non-blanches – pour payer moins cher la fabrication de marchandises, extraire des matières premières et les posséder pour les vendre; en bombardant ces mêmes pays pour en garder le contrôle; en imposant des politiques antisociales et en maintenant des conditions de travail merdiques qui font de la vie de la plupart des gens une longue expérience d’épuisement dans des boulots qu’ils n’aiment pas et qui ne les épanouissent pas le moins du monde.

6- Quelle absence de surprise alors, que les policiers aient crié des « bamboulas » et autres « salopes » à ces jeunes qu’ils frappaient ! Une bonne partie de leur fonction est de maintenir l’existence de cette société dégueulasse, de faire en sorte que l’ordre injuste qui y règne soit maintenu. Comment être surpris du fait qu’ils en réaffirment les principes ? Bien sûr qu’ils pourraient faire autrement, bien sûr qu’ils auraient pu simplement contrôler les cartes d’identités et passer leur chemin – mais franchement, si ce n’est pour dire à tous ces jeunes de se tenir à carreau et d’accepter la vie qu’on a décidé pour eux, d’accepter leurs conditions de vie difficiles, leurs conditions de logement indignes, le racisme continuel qu’ils subissent, pourquoi quadrille-t-on les quartiers pauvres et majoritairement racisés de dispositifs policiers ?
Le problème n’est pas les policiers comme « personnes », le problème est la fonction même de policiers. Nous dire : « mais il y en a qui ne sont pas comme ça » ne change rien au problème. Leur fonction leur permet d’agir de la sorte en toute impunité. Le viol de Théo n’est pas une surprise, le viol de Théo n’est ni une bavure ni une exception. Le viol de Théo est ce que permet la fonction de policier. Identiquement en tant que féministes, pour nous le problème n’est pas « les hommes » en tant qu’individus, mais le pouvoir que leur confère la société et qui leur permet, par exemple, de violer des femmes et des minorités de genre en toute impunité dans plus de 80% des cas ; et le problème n’est pas « les blancs » mais le pouvoir que leur confère cette société à agir de façon raciste à tous les niveaux de leur vie et en toute impunité.

Et quelle absence de surprise enfin que la justice se range du côté des policiers. Bien sûr, même dans cette société, il aurait pu en être autrement : mais qu’on ne nous demande pas d’en être surprisEs.

Les préjugés individuels et collectifs existent et il faut les combattre. Mais ces préjugés existent comme effets secondaires des structures sociales et politiques qu’ils permettent de soutenir. Mieux vaut que la population en France soit raciste, sans quoi on finirait par se demander pourquoi les banlieues pauvres qui sont privées de tout (emploi, services publics, cadre de vie agréable etc.) sont essentiellement remplies de descendantEs d’immigréEs et d’immigréEs ; pourquoi l’armée française bombarde des pays détruisant toute possibilité d’y vivre pour ensuite refuser les personnes à nos frontières qui ont fui le chaos qu’on a crée ; pourquoi les femmes voilées ne peuvent pas accompagner leurs enfants en sortie scolaire. Mieux vaut qu’on soit machistes, sans quoi on finirait par se demander comment ça se fait que les femmes et les minorités de genre ne peuvent pas sortir dans la rue sans se faire emmerdées ; pourquoi les femmes se tapent 80 % du travail ménager sans toucher la moindre compensation ; pourquoi une personne trans ne peut pas changer librement d’état civil et pourquoi les homos, lesbiennes et bi ne peuvent pas embrasser leur amoureux/se dans la rue sans se faire insulter. Mieux vaut croire que les riches le sont par mérite, sans quoi on finirait par se demander pourquoi les gens bossent à s’en tuer la santé pour un boulot qu’ils et elles détestent pour que dalle ; pourquoi la santé n’est pas gratuite et accessible ; pourquoi ils ont le droit de détruire la planète sans qu’on ait rien à y redire.

Et mieux vaut être tout cela pour accepter sans sourciller que Théo se fasse tabasser sans raison et violer par des policiers qui vont être blanchis par la justice.

Alors que toutes celles et tous ceux qui sont prêtEs à se battre contre cet ordre dégueulasse le fassent, quels qu’ils soient, quel que soit leur travail et quel que soit leur genre, leur classe et leurs origines ethniques. Qu’on refuse d’exercer les pouvoirs injustes qu’on a mis entre nos mains, qu’on se batte pour touTEs celles et ceux qui subissent des violences injustes et une vie d’exploitéE, de dominéE, qui nous prive de tout espoir futur. Qu’on reconnaisse les structures patriarcales, racistes et classistes qui régissent notre société et qu’on s’organise pour les détruire, pour espérer construire un autre monde pour nous et les autres qui suivront.

SOUTIEN À THÉO
SOUTIEN À TOUTES LES VICTIMES DE VIOLENCES POLICIÈRES

PAS DE JUSTICE
PAS DE PAIX

Source du témoignage de Théo : Médiapart
https://blogs.mediapart.fr/lancetre/blog/060217/aulnay-sous-bois-le-recit-de-theo-viole-et-injurie-par-des-policiers-republicains