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Croquis. Dîner de gueux chez Laurent Ruquier
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Mediapart) La séquence a été vue plus de 200 000 fois sur YouTube, et elle fait le tour des réseaux sociaux depuis samedi. Des animateurs qui rigolent entre eux devant un candidat à la présidentielle, comme s’il n’était pas là. Plus qu’un dérapage, c’est un lapsus révélateur. L’expression d’un mépris qui s’ignore.
Ils ne l’ont pas fait exprès. La preuve, ils avaient invité Philippe Poutou dans le cadre de sa campagne, pour qu’il s’exprime. Et il faut reconnaître qu’à « On n’est pas couché », on ne fait pas dans la langue de bois. On se fait fort de secouer les invités dans tous les sens, comme des pruniers, à coups de grands rires et de formules de chroniqueur.
Mais quelque chose a déraillé ce samedi 25 février, au hasard d’une question mal posée. Une séquence vérité a soudain jailli de l’écran. Pas cette vérité balisée qu’on fait semblant de débusquer dans une insolence convenue. Non, une vérité toute nue, qu’on est presque gêné d’avoir surprise par le trou de la serrure, tellement elle paraît obscène. Une bande de gens connus se marre à gorge déployée devant un « petit » candidat, presque compatissant, et qui n’en croit pas ses yeux. C’est pire qu’un dîner de cons. C’est un dîner de gueux. On ne rit pas de la bêtise de la victime, on oublie qu’elle est à table tellement elle compte pour du beurre. Tellement elle est transparente.
Pour mesurer l’énormité de la scène, comme dirait Charles Trénet, « il suffit d’avoir un peu d’imagination ». Mettez-vous d’abord en mémoire le dialogue qui a déclenché le fou rire, et l’atmosphère qui s’est alors libérée (voir ici dans le reportage des Inrocks) :
Vanessa Burggraf : « Je voudrais savoir comment on oblige un patron à interdire les licenciements ? »
Étonnement de Laurent Ruquier : « Pardon, Vanessa, c’est pas le patron qui va interdire les licenciements »…
Vanessa Burggraf, devant Philippe Poutou qui commence à s’étonner : « Bon, alors… Comment on impose à un patron… Euh… Les licenciements ? »
Et c’est parti pour deux minutes. Rire énorme et collectif agrémenté de « vannes » entre célébrités, Ruquier, Bedos, Moix, Cymes, sauf Poutou qui sourit comme un enfant, gêné et incrédule, ses yeux allant des uns aux autres, étonné d’être à Guignol alors qu’il pensait être à France 2 pour répondre à une interview.
La séquence aurait pu être coupée au montage. Elle ne l’a pas été. Sans doute les producteurs ont-ils pensé que c’était un moment simplement drôle. Un élément qui ferait le buzz. De ce point de vue, c’est une réussite.
Essayez maintenant d’imaginer la même scène, avec le même genre de dialogue, et le même rire incontrôlable, mais avec un autre invité. François Fillon par exemple :
Vanessa Burggraf : « François Fillon, je voudrais savoir comment on impose à un patron les 48 heures de travail par semaine ? »
Laurent Ruquier : « Pardon, Vanessa, c’est pas au patron qu’on va imposer les 48 heures… »
Vanessa Burggraf : « Bon, alors… Comment interdire à un patron d’imposer les 48 heures ? »
Rire général ?
Non…
La comparaison s’arrêtera là. La scène de poilade est simplement inconcevable avec un « grand » candidat. Le dérapage de la chroniqueuse aurait jeté un froid polaire. Deux minutes à se taper sur les cuisses à propos des 35 heures et de la suppression de la durée légale du travail, ou du non-remplacement de 500 000 fonctionnaires, ça ne peut pas exister. La question est trop sérieuse. Les rigoleurs n’auraient pas eu à se contenir, ils se seraient excusés de crainte de perdre leur crédit, et la séquence aurait été jetée à la poubelle. Avec l’ouvrier Poutou, l’enjeu était différent : la question du licenciement est tellement plus divertissante.
Inutile de tourner en rond. Ce que raconte cette séquence n’est pas un moment d’égarement mais un instant révélateur. Il décrit une certaine France, et ce n’est pas la première fois, ni sans doute la dernière.
Longtemps, les médias français ont étonné la presse étrangère par leur manière de faire la révérence au président (et aux puissants en général) et leur façon de malmener les autres. Ils se libèrent progressivement de cette position courbée, et les hommes politiques comme Nicolas Sarkozy, et ces jours-ci François Fillon ou Jean-Marie Le Pen dénoncent les journalistes comme des ennemis de la Nation.
Mais les habitudes demeurent, notamment en période de campagne présidentielle. Les candidats qui ne font pas partie du Who’s Who sont reçus au nom de l’égalité du temps de parole, mais traités comme des comiques, des intrus ou des cinglés pittoresques.
Déjà, le 25 février 2012, ce drôle de type qui s’appelle Philippe Poutou, qui n’est même pas élu, et qui travaille dans une usine, avait été traité à sa hauteur présumée dans « On n’est pas couché ». À l’époque, c’étaient Natacha Polony et Audrey Pulvar qui officiaient aux côtés de Laurent Ruquier (voir ici). Poutou avait écrit un livre : Un ouvrier c’est là pour fermer sa gueule, aux éditions Textuel.
Commentaire d’Audrey Pulvar, d’ordinaire mieux inspirée : « C’est quand même vous qui signez ce livre, donc vous êtes engagé par les propos qui sont tenus dedans, que je trouve sincèrement malhonnêtes… Vous dites que vous êtes un candidat invisible, mais j’ai plutôt l’impression que vous êtes un candidat transparent. »
« Transparent », le mot était lâché, et Poutou l’était resté cinq ans plus tard, aux yeux de la même émission. Si transparent que les gens qui l’avaient invité ne s’étaient plus souvenus qu’il était avec eux. Sur le même plateau, une certaine France rigolait bien devant une France invisible, et cette image exprimait par sa violence involontaire le malaise qui travaille la société française. Des dominants d’un côté, à l’aise et sûrs d’eux-mêmes, et de l’autre, un dominé, désorienté.
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Retrouvez ci-dessous notre entretien vidéo avec Philippe Poutou:
Philippe Poutou face à la rédaction © Mediapart