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    Programme Macron: un copier-coller des recommandations européennes

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    Lien publiée le 10 mars 2017

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    (Mediapart) Finances publiques, retraites, chômage, droit du travail et même grands projets comme le développement numérique, toutes les réformes structurelles que le Conseil européen demande à la France depuis plusieurs années se retrouvent dans le programme d’Emmanuel Macron. Mot pour mot.

    Des milliers d’intervenants de la société civile, des comités locaux dans toute la France réunis par thèmes, des centaines d’experts pour débattre des projets, des groupes pour analyser les propositions et sélectionner les meilleures… Emmanuel Macron n’a pas manqué de souligner la démarche originale mise en œuvre pour l’élaboration de son programme et pour justifier le retard pris. Il fallait du temps pour élaborer le plan d’ensemble, a-t-il expliqué avant de dévoiler ses mesures le 2 mars.

    Mais était-il vraiment nécessaire de mobiliser tant d’énergies ? Car à lire ses propositions économiques et sociales, il n’y a pas vraiment de nouveauté : elles sont en parfaite résonance libérale avec ce que souhaite l’Europe. En soi, ce n’est pas surprenant. Emmanuel Macron n’a jamais caché être en faveur d’une intégration européenne de plus en plus en poussée, passant par la mise en œuvre d’une harmonisation politique, fiscale et budgétaire. Cette adhésion se manifeste sans retenue. Il n’y a pas la moindre distance, le plus petit soupçon d’un doute sur les thèses économiques de l’Europe, qui ont quand même contribué à enliser la zone euro dans la stagnation économique et le chômage de masse entre 2010 et 2015. Pas le moindre écho non plus aux révisions importantes qui ont lieu dans les cénacles d’économistes aux États-Unis, dont certaines études concluent que le libéralisme a été survendu, aggravant les inégalités et compromettant les chances de retour d’une croissance durable.

    Emmanuel Macron lors de la présentation de son programme le 2 mars © Reuters Emmanuel Macron lors de la présentation de son programme le 2 mars © Reuters

    Pour Emmanuel Macron, la discussion ne semble pas avoir lieu d’être. La politique définie par l’Europe est la seule voie à suivre, comme pendant toute la présidence de Hollande. Une grande partie de ses mesures économiques et sociales sont même des copier-coller des recommandations adressées par le Conseil européen à la France dans le cadre du programme de stabilité en 201420152016. Finances publiques, retraites, chômage, droit du travail et grands projets comme le développement numérique, tout s’y retrouve. Même la manière de les décliner. À l’instar de la Commission européenne, le candidat d’En Marche !, qui pourtant ne cesse de se réclamer d’une vision, se refuse à donner un cadre général cohérent à sa politique. Il préfère énumérer une série de points, comme il l’avait fait dans le cadre de la commission Attali, ou pour sa loi sur la croissance (la loi Macron), comme le fait la Commission dans ses rappels à l’ordre aux pays de la zone euro, ramenant ainsi la politique à une énumération technocratique.

    Extrait du programme Finances publiques Extrait du programme Finances publiques

    Emmanuel Macron y met cependant les formes. Parce qu’il sait qu’il existe des mots qui heurtent, il a rayé dans son programme toute référence aux politiques d’austérité. Il mentionne tout juste, au détour d’une simple parenthèse, un « déficit ne dépassant pas 3 % dès 2017 et [l’]atteinte, en 2022, de l’objectif à moyen terme de solde structurel soit - 0,5 point de PIB ». Comme si cela n’était qu’une mention accessoire, un petit rappel pour mémoire sur lequel il était inutile de s’appesantir.

    Dans les faits, il s’agit pourtant de se conformer à la lettre aux règles budgétaires définies par l’Europe. Mais s’il n’insiste pas sur la règle mère, il en donne la traduction : les dépenses publiques doivent baisser de 60 milliards en 5 ans, afin de ramener le taux de dépenses publiques dans la norme européenne. Tout un panel de mesures est envisagé pour y parvenir allant de la suppression de 50 000 postes dans la fonction publique à l’encadrement des dépenses de santé, et à la réduction des dépenses des collectivités locales.

    C’est exactement ce que préconise le Conseil de l’Europe dans sa lettre de recommandation adressée à la France en juillet 2016 : « Le Conseil recommande que la France s’attache à assurer une correction durable du déficit excessif en 2017 au plus tard, en prenant les mesures structurelles requises et en consacrant toutes les recettes exceptionnelles à la réduction du déficit et de la dette ; à préciser les réductions de dépenses prévues pour les années à venir et accentuer les efforts pour accroître le montant des économies générées par les revues de dépenses, y compris en ce qui concerne les dépenses des collectivités locales. »

    Les révisions du FMI sur l’impact du coefficient multiplicateur et les conséquences sous-estimées d’une réduction des dépenses publiques sur l’économie semblent bien avoir été oubliées. « Il faut sortir de la logique du rabot, sortir d’une logique dans laquelle on comprime la dépense pour passer à une logique dans laquelle on engage le pays dans une transition économique et écologiqueexplique Jean Pisani-Ferry qui, après avoir été commissaire général de France Stratégie, a rallié Emmanuel Macron et coordonne le pôle « programme et idées » d’En Marche !. C’est une stratégie qui repose fondamentalement sur l’offre mais, en même temps, cela a des effets de demande»

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    Animé de la même précaution, Emmanuel Macron a banni le mot « réforme », assimilé désormais par l’opinion publique à régression sociale. Il parle donc de mobilité, de changement, de flexibilité. Une France en marche, comme il le promeut.

    Pourtant, derrière cet habillage consensuel, le programme d’Emmanuel Macron parle bien de mettre en œuvre le plan de « réformes structurelles » que la Commission européenne et la BCE réclament à cor et à cri. Il entend mettre en œuvre sans retard une grande réforme des retraites. Un système universel par points, donnant toute liberté à chacun de partir à la retraite quand il le souhaite, où « chaque euro cotisé donnerait le droit au même montant de retraite », a-t-il déclaré. Avant de se raviser en expliquant que le taux des cotisations pourrait varier, selon les métiers, que les conditions d’âge de départ pourraient différer.

    « C’est un modèle scandinave »a déclaré, rassurant, Jean Pisani-Ferry« C’est la réforme qui a été mise en place en Italie », relève une analyse des Économistes atterrés. Avant d’insister : « L’exemple de l’Italie montre que la réforme permettrait de faire baisser fortement les futures retraites des jeunes d’aujourd’hui. » C’est sans doute le but poursuivi, même s’il est inavoué.

    La démolition programmée du système social français

    Dans son rapport sur la France de 2016, le Conseil européen relevait que le système de retraite français, en dépit des réformes, était « très généreux ». « Malgré les réformes, le rapport 2015 sur le vieillissement ne prévoit un recul des dépenses publiques consacrées aux retraites qu’après 2025 ; la principale question liée aux retraites est donc le niveau actuel et à moyen terme des dépenses publiques qui leur sont consacrées », soulignait-il, avant d’insister lourdement sur la nécessité de faire « des efforts supplémentaires ».  

    L’autre grande réforme mise en avant par Emmanuel Macron est celle de l’assurance chômage, passant par l’étatisation de l’Unédic. Une réforme majeure, insiste le candidat d’En Marche !, qui permettra de donner une assurance chômage à tous, « salariés, artisans, commerçants indépendants, entrepreneurs, professions libérales, agriculteurs, et [de] faciliter les transitions d’un statut à un autre ». Cette unification conduirait à la suppression de tous les régimes spéciaux, à l’unification de tous les systèmes (37 au total). Là encore, le Conseil européen réclame cette réforme et la suppression des régimes spéciaux depuis des années.

    Le financement de cette assurance chômage d’État est encore flou. Le plan d’Emmanuel Macron prévoit de remplacer les cotisations salariés (2,4 % du salaire) par un financement via la CSG. Mais les employeurs continueraient-ils encore à payer pour les cotisations chômage ? Le recours à la CSG, impôt non progressif qui concerne aussi les retraités, mettrait en tout cas à bas tout le système assurantiel actuel. « Le risque est que les allocations chômage deviennent une allocation universelle dont le niveau serait très bas », avertissent les Économistes atterrés. La tentation sera d’autant plus grande que le système sera centralisé et, comme pour la retraite par points, il suffira d’un décret pour en fixer le montant.

    Cette réforme de l’assurance chômage est, elle aussi, vivement souhaitée par le Conseil européen. « Des mesures structurelles sont nécessaires pour garantir la soutenabilité du système. En particulier, les conditions d’éligibilité, la dégressivité des allocations et les taux de remplacement pour les salaires les plus élevés devraient être réexaminés par les partenaires sociaux chargés de la gestion du système », écrivait-il dans sa recommandation de juillet 2015. « D’ici à la fin de 2016, entreprendre une réforme de l’assurance chômage afin de rétablir la viabilité budgétaire et d’encourager davantage le retour au travail… », insistait-il encore dans sa recommandation de juillet 2016. Emmanuel Macron a bien entendu le dernier conseil : « Si plus de deux emplois décents, selon des critères de salaire et de qualification, sont refusés, ou que lintensité de la recherche demploi est insuffisante, alors les allocations seront suspendues », est-il prévu dans son programme.

    Ces réformes, qui touchent aux piliers du système social français, ont été annoncées sans aucune concertation préalable avec les partenaires sociaux. Il est fort probable que les discussions soient réduites au minimum, voire inexistantes, si Emmanuel Macron est élu. Bien qu’il garde le silence sur le sujet, des observateurs pensent qu’il n’hésitera pas à tout mettre en œuvre par ordonnances, ces ordonnances dont il a abusé pour faire passer la loi qui porte son nom. Ce qui ne devrait pas trop chagriner le Conseil européen, lequel juge le paritarisme trop compliqué et trop peu sûr.

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    C’est notamment le cas dans le droit du travail. Les services de l’Europe jugent que les seuils et toutes les règles qui y sont fixées « limitent la croissance des entreprises françaises ». Ils ne cessent d’en demander la suppression, ainsi qu’une réforme « du droit du travail pour inciter les employeurs à embaucher en contrats à durée indéterminée ». N’ayant pas pu présenter la grande loi du travail qu’il souhaitait pour cause de rivalité avec Manuel Valls, Emmanuel Macron entend bien poursuivre le chantier et écrire ce qui n’a pu être mis dans la loi El Khomri. Il entend mettre« la négociation au plus près du terrain », en permettant de définir la durée du travail, les accords sociaux entreprise par entreprise, « adapter le droit du travail à la taille », comme il le propose. Une seule règle nouvelle sera instituée au niveau national : un plancher et surtout un plafond pour les indemnités prud’homales. Un dispositif qu’il n’avait pas réussi à imposer dans le cadre de la loi El Khomri.

    Parmi les recommandations faites à la France, l’une tient particulièrement à cœur au Conseil européen : c’est la pérennisation du CICE et tout ce qui peut permettre l’allègement du coût du travail, jugé « trop élevé » en France. « Des mesures ont été prises pour réduire le coût du travail et améliorer les marges bénéficiaires des entreprises, notamment le crédit d’impôt pour la compétitivité et [pour ce faire ] l’emploi de 20 milliards d’euros et l’allègement des cotisations patronales de 10 milliards d’euros […]. La manière dont ont été conçues ces mesures, qui représentent 1,5 % du PIB et contribuent à combler l’écart entre le coût du travail en France et la moyenne de la zone euro, pourrait limiter leur efficacité », note le rapport européen en juillet de 2016, avant de recommander de « veiller à ce que les réductions du coût du travail soient pérennisées ».

    Le CICE n’a pourtant pas tenu toutes les promesses annoncées, à l’exception de l’amélioration des marges des entreprises. Selon le rapport d’évaluation établi par France Stratégie, alors dirigé par Jean Pisani-Ferry, la mesure fiscale n’a pas eu « d’effet observable sur l’investissement, la R&D et les exportations ». Et elle aurait « probablement eu un effet direct de l’ordre de 50 000 à 100 000 emplois créés ou sauvegardés sur la période 2013-2014 ». Autant dire, beaucoup d’argent dépensé pour pas grand-chose. Mais cela n’empêche pas d’envisager la poursuite du dispositif sous une autre forme. Le programme d’En Marche ! prévoit de remplacer le CICE par une baisse des cotisations patronales de 10 points pour tous les emplois au Smic et de 6 points au-delà.

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    À ces allègements, Emmanuel Macron compte ajouter un abaissement de la fiscalité sur les entreprises. Là encore, l’Europe a tracé la voie : « La fiscalité des entreprises a commencé à diminuer légèrement en 2014. […] Hormis la suppression progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés, actuellement en cours, aucune mesure concrète n’a encore été prise pour atteindre l’objectif annoncé d’une réduction à 28 % du taux nominal de l’impôt sur les sociétés d’ici à 2020 », relevait le Conseil européen en juillet 2016, avant d’insister sur la nécessité « de réduire le taux nominal de l’impôt sur les sociétés ».

    La loi de finances 2017 prévoit déjà d’abaisser le taux de l’impôt sur les sociétés à 28 % dès 2017 pour les PME réalisant moins de 75 000 euros de bénéfices, puis de l’étendre progressivement à toutes les entreprises d’ici à 2020. Le programme d’En Marche ! dit vouloir aller plus loin : « Nous réduirons le taux d’IS jusqu’à la moyenne européenne de 25 %. C’est une mesure indispensable pour attirer les activités en France et soutenir la compétitivité de nos entreprises. En échange, nous défendrons au niveau européen une harmonisation des bases et une convergence du taux de l’impôt sur les sociétés pour éviter une course au moins-disant », est-il annoncé. Le coût estimé de cette réduction est au moins de 12 milliards d’euros.

    Pour faire bonne mesure, il prévoit d’exclure de l’impôt sur la fortune tous les patrimoines financiers pour ne le concentrer que sur l’immobilier. « L’État perdrait ainsi 2,5 milliards de recettes au profit des plus riches des riches, dont la richesse est essentiellement financière », constatent les Économistes atterrés.

    Il n’y a finalement qu’une seule mesure conseillée par l’Europe qu’Emmanuel Macron n’a pas retenue. Depuis plusieurs années, le Conseil européen reproche à la France d’avoir instauré des taux de TVA réduits trop nombreux, d’avoir une TVA de 20 % inférieure à la moyenne européenne et d’avoir des recettes fiscales fondées sur la consommation inférieures, là encore, au reste de l’Europe. « Il y a de la marge pour rééquilibrer la structure fiscale et faire glisser vers la consommation une partie des prélèvements pesant sur les entreprises et le travail », relevait le rapport des services européens en 2015. Avant de préconiser un relèvement de la TVA, qui rognerait un peu tout le mécanisme de progressivité et de redistribution, pour aller vers un système fiscal proportionnel favorisant les plus riches. Le Conseil européen a réitéré cette recommandation en 2016. Emmanuel Macron ne l’a pas retenue. Pour l’instant, du moins.