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Le Comité invisible revient : l’insurrection par la punchline ?
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Dix ans après "L’Insurrection qui vient", le collectif anonyme publie "Maintenant". Son arme principale pour faire la révolution? L’art de la formule qui claque.
Les hommes politiques sont «tous pourris», l'hôpital peine à soigner tous les malades, l'école n'apprend rien aux enfants, les médias sont corrompus et seuls les géants du web ont du pouvoir… Voilà, en caricaturant à peine, le message du Comité invisible dans «Maintenant». Un pamphlet virulent, qui est sorti aux éditions La Fabrique le 21 avril, comme un pied-de-nez au premier tour de la présidentielle.
Sur le fond, on donnera difficilement tort au constat général de ce collectif anonyme: «Toutes les raisons de faire une révolution sont là». Mais dix ans après «L'Insurrection qui vient», on s'étonne tout de même que celle-ci ne soit toujours pas à nos portes. A en croire le collectif, l’explication serait simple: «Ce ne sont pas les raisons qui font les révolutions, ce sont les corps. Et les corps sont devant les écrans». Bigre.
Derrière le Comité invisible se cache une bande de jeunes intellectuels militants qui a commencé à verser sa rage dans la revue philosophique «Tiqqun». Puis, «L'Insurrection qui vient» est publié sans tambour ni trompette en 2007 par les éditions de La Fabrique. Un an plus tard, le texte trouve une publicité inespérée en devenant la pièce à conviction principale de l’affaire Tarnac.
Julien Coupat, mis en examen pour dégradations de caténaires sur plusieurs voies de train, qualifié d’«anarcho-autonome» par la ministre de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie, était accusé d’être l’auteur du livre, ce qu’il a toujours nié. Le procès s’est dégonflé d’année en année jusqu’à l’abandon de la qualification terroriste en janvier dernier. Pendant ce temps, le Comité invisible est devenu une figure centrale de la gauche mouvementiste, des ZAD aux autonomes en passant par le MILI, la coordination lycéenne qui a animé les manifestations contre la loi Travail au printemps dernier.
C’est que «L'Insurrection...» est un essai bien ciselé, aux pages souvent galvanisantes. Nourri de Blanqui, de la Commune, des maquisards du Limousin, des émeutes en banlieue, du mouvement anti-CPE, le Comité invisible y dézingue notre société à coups de sentences tour à tour désabusées ou apocalyptiques – et parfois jouissives:
Gouverner n'a jamais été autre chose que repousser par mille subterfuges le moment où la foule vous pendra. »
L'ensemble n'est certes pas exempt de défauts: il y a parfois de quoi être déprimé par le ressassement de la langue situationniste. Il n'empêche, à la relecture dix ans après, on est frappé par les analyses prémonitoires: «En fait de solution, la pression pour que rien ne se passe, et avec elle le quadrillage policier du territoire, ne vont cesser de s'accentuer.» Ou: «Nous en sommes arrivés à ce point de privation où la seule façon de se sentir Français est de pester contre les immigrés.» Et encore: «Se produire soi-même est en passe de devenir l'occupation dominante.»Ceci avant l'âge d'or du selfie.
"Comme si l'élection n'avait pas eu lieu"
«Maintenant», la dernière production du Comité invisible, souffre de la comparaison. On y retrouve le même verbe soutenu, parfois abscons, les accents de leurs inspirateurs habituels – Guy Debord, penseur de la «Société du spectacle», Michel Foucault, le critique du «biopouvoir» ou encore l’italien Giorgio Agamben, le théoricien de la destitution. Peter Wohlleben, ce botaniste qui fait une lecture politique et inattendue des modes de communication entre les arbres dans un best-seller, a droit à une allusion. Sans oublier les références à la pop culture, avec les séries «South Park» et «Black Mirror».
Pourtant, assez vite, une lassitude s’empare du lecteur. D’abord, ce goût de dézingage systématique, surtout quand ce sont des camarades de lutte qu’on pourrait imaginer assez proches: Mélenchon? Un de ces «sénateurs façon Troisième République qui se prennent pour Fidel Castro». Nuit Debout? «Une manifestation publique d'impuissance». François Ruffin? «Nostalgique de la grandeur nationale». Frédéric Lordon? Il «ne peut se figurer une révolution qui ne soit une institution». Eux qui faisaient jadis l'éloge des hackers ne croient même plus à l'utopie internet et se sont peut-être trouvé leur plus grand ennemi en les Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon):
Le coup de force du pouvoir cybernétique, c'est de procurer à chacun le sentiment d'avoir accès au monde entier quand il en est en réalité de plus en plus séparé, d'avoir de plus en plus "d'amis" quand il est de plus en plus autiste.»
Quant à la démocratie électorale, elle ne peut rien produire de bon:
Quel que soit le résultat d'une élection présidentielle, même quand c'est l'option d'un "pouvoir fort" qui l'emporte, c'est désormais d'un pouvoir faible que l'élection accouche. Tout se passe comme si l'élection n'avait pas eu lieu.»
On ne trouve donc chez eux aucune instruction, pas de vote utile, d'abstention ou de quelconque barrage, en revanche:«Une génération pourrait bel et bien se rendre ingouvernable». Ils admettent tout de même un sursaut de révolte dans le «cortège de tête» des manifestants anti-Loi Travail. «Ce qui s’est passé au printemps 2016 en France n’était pas un mouvement social, mais un conflit politique, au même titre que 1968», estiment-ils.
"En cendres, tout devient possible"
Si le Comité invisible insiste sur Mai-68, c'est aussi peut-être parce que les graffitis contestataires sont au cœur de son propos. Dans ce monde dévasté, où les auteurs n'ont«pas de programme, de solutions à vendre», c'est la rhétorique qui l'emporte. Puisqu'il n'y a plus rien à attendre, le Comité semble réduit à se pâmer devant les slogans vieux d’un demi-siècle, et leur descendance actuelle. Exemple: «En cendres, tout devient possible», vu dans les manifs de 2016, et qui a succédé à «Sous les pavés la plage».
Dans une envolée qui confine à la fétichisation de l’émeute, ils écrivent: «Ce que le "casseur" démontre en actes, c’est que l’agir politique n’est pas une question de discours, mais de gestes ; et cela, il l’atteste jusque dans les mots qu’il laisse à la bombe sur les murs des villes.»L'insurrection ne viendra pas forcément, mais au moins, on l'aura taguée. Je me révolte donc je graffe.
Toute la critique du capitalisme financier fait pâle figure au regard d’une vitrine de banque fracassée et barrée du tag : "Tiens, tes agios !" », assure le collectif.
D'ailleurs, «Maintenant» est entrecoupé de photos de phrases écrites sur les murs qui donnent leurs noms aux chapitres: «Demain est annulé», «50 nuances de bris», «A mort la politique», lit-on au milieu des abribus vandalisés et des manifestants cagoulés.
Même si «le cours du langage est tombé à zéro» dans ce monde de fake news et de fausses promesses électorales, c’est la «punchline» qui prime - cet art de la réplique empruntée à la culture rap, qui consiste à exprimer une idée par une formule qui claque, sorte de coup de cymbale prosodique. Ce qui a incité le site Slate à se moquer gentiment en rapprochant les citations du Comité du groupe «insoumis chic» Fauve.
"Aimer, c'est devenir ensemble"
Sur les ruines du monde, on dansera donc au rythme du bon mot, de l’aphorisme bien senti. Page 38: «Etre de gauche ou être de droite, c'est choisir entre une des innombrables manières qui s'offrent à l'homme d'être un imbécile.» Page 58: «Ce que l'on appelle "débat", de nos jours, n'est que le meurtre civilisé de la parole.» Page 71:«L'échec apparent des institutions est, bien souvent, leur fonction réelle.» Page 90: «On aura ainsi réussi à passer une vie entière sans avoir eu à entrer dans l'existence.» Le dernier pavé contre les institutions honnies tiendra en un slogan parfait.
Puisque tout est foutu et qu'il ne reste qu'à s'écouter parler, le Comité invisible livre dans sa dernière partie une ode à l'amour et au communisme, au sens premier de communauté. «Il n’y a pas moi et le monde, moi et les autres, il y a moi, avec les miens, à même de ce petit morceau de monde que j’aime, irréductiblement.» On frôle parfois la mièvrerie: «Aimer, ce n'est jamais être ensemble mais devenir ensemble». Oui-Oui chez les gauchistes? Peut-être, mais l’intention est loin d’être ridicule. Elle est même louable. Face à cette civilisation en ruines, concentrons-nous sur les rapports humains. Sur les murs, on marquera «Faites l'amour, pas la guerre».