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Michelin retaille ses effectifs pour rester «performant»
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Le géant mondial du pneumatique va supprimer 1 500 postes en France et 450 aux Etats-Unis en favorisant les départs en préretraite. Les affaires roulent pourtant comme jamais pour le Bibendum.
«L’Etat ne peut pas tout», lâchait un Lionel Jospin désabusé en 1999 à l’annonce de milliers de licenciements chez Michelin, scellant ainsi la reconnaissance de l’impuissance des gouvernants français face à la loi du marché. Dix-huit ans plus tard, le même géant mondial des pneumatiques vient d’annoncer ce jeudi, par voie de communiqué et depuis son siège de Clermont-Ferrand, «un projet de réorganisation mondiale au service de ses clients» (sic) qui se traduira par la suppression de 1 500 emplois net en France d’ici 2021, et de 450 postes aux Etats-Unis. Et cette fois, l’annonce devrait passer comme une lettre à la poste. Le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, n’aura sans doute pas à activer la moindre «cellule de crise», comme dans le cas du sous-traitant automobile GM&S, menacé de liquidation. Et le président Macron n’aura pas à se rendre au chevet aux salariés de Michelin pour leur dire «je ne suis pas le père Noël».
La direction de Michelin, qui prend tout le monde par surprise avec cette annonce, a en effet tout fait pour éviter un mauvais flash-back nuisible à son image paternaliste: «Le départ de ces personnes peut se faire sans aucune souffrance sociale, il n’y a pas de sujet de départs contraints, c’est sur la base du volontariat», a immédiatement indiqué à l’AFP le président de Michelin, Jean-Dominique Senard, son seul commentaire à ce sujet. Ce plan social qui ne dit pas son nom a été partiellement négocié en amont avec les syndicats dans la discrétion qu’affectionne tant le groupe. Concrètement, dans son fief auvergnat, le fabricant de pneus ne remplacera pas 970 départs en retraite d’ici 2021, et mettra en place un dispositif de préretraites volontaires, sans doute assez incitatif pour atteindre son objectif de 1 500 suppressions de postes. Michelin emploie plus de 110 000 salariés à travers le monde, dont moins de 20 000 en France. Cela n'empêche pas Jean-Michel Gilles, secrétaire général de la CGT Michelin, de l'avoir mauvaise: «On savait que cela allait faire mal, mais là c’est très rapide en plus. Forcément, cela nous inquiète pour l’avenir des sites clermontois», a-t-il dit à l'AFP. Le syndicaliste anticipe une charge de travail plus lourdes pour les salariés restant.
Des résultats au top
«D’ici 2021, 5 000 salariés quitteront le groupe en France, majoritairement par départ en retraite, dont environ 2 000 sur l’établissement de Clermont-Ferrand», détaille Michelin, qui profite de ce «changement générationnel important» pour s’alléger un peu plus et rajeunir ses lignes de production. Mais comme le groupe compte «recruter plus de 3 500 personnes d’ici 2021, dont 1 000 sur Clermont-Ferrand», le solde final de la réduction d’effectifs ne dépassera pas les 1 500 suppressions en question. Pour faire bonne mesure, le groupe prévoit aussi d'«implanter à Clermont-Ferrand et en France des activités nouvelles, qui seraient créatrices d’emplois, dont 250 à très haute qualification, en lien avec les matériaux de haute technologie ou encore le digital». On n’en sait pas beaucoup plus pour le moment.
Ce que l’on sait en revanche c’est que le Bibendum va bien et la question d’une motivation boursière à ces suppressions de postes peut se poser. «Depuis 1983 et le premier plan social, les effectifs n’ont fait que fondre dans la ville. Tout ça pour faire du fric et satisfaire les actionnaires», dénonce ainsi Jean-Michel Gilles de la CGT. Car le «leader mondial du pneu» (il en produit 185 millions chaque année) ne s’est peut-être jamais aussi bien porté. Ses résultats financiers ? Plus de 1,6 milliard d’euros de profits en 2016 sur un chiffre d’affaires de presque 21 milliards. La rentabilité a atteint un record avec une marge opérationnelle de 12,9%. Le marché de l’automobile repart comme en quarante avec une demande de pneumatiques toujours plus performants. Et le cours de Bourse est gonflé à l’hélium: l’action a vu sa valeur augmenter de 147% depuis cinq ans ! Résultat, le groupe fondé au XIXe siècle, et toujours détenu à environ 8% par la famille Michelin, vaut aujourd’hui 21,5 milliards d’euros en Bourse… De quoi distribuer de généreux dividendes à ses actionnaires (outre la famille, des institutionnels français et des fonds de pension anglo-saxons): encore 3,25 euros par action en 2016, soit 36,5% des bénéfices.
Des actionnaires comblés
Le patron de Michelin, Jean-Dominique Senard, a ainsi vu sa rémunération annuelle largement approuvée lors de la dernière assemblée générale du groupe: 1,1 million d’euros de part fixe, 1,7 million d’euros de part variable, pour un total de 2,8 millions, plus 495 000 euros d’intéressement à long terme… Un «salaire» moins élevé que les quelque 15,6 millions d’euros de Carlos Ghosn chez Renault-Nissan. Mais de quoi motiver tout de même chez Senard la recherche de toujours plus de «performance opérationnelle», après un «plan de compétitivité» qui a déjà permis d’économiser 1,2 milliard sur la période 2012-2016. L’argent dégagé a notamment servi au groupe à racheter ses propres actions (750 millions d’euros entre 2015 et 2016) pour enrichir un peu plus ses actionnaires familiaux notamment. Et Michelin prévoit encore de couper dans ses coûts, à hauteur de 1,2 milliard entre 2017 et 2020…
La direction du groupe explique ces 1 500 suppressions de postes s’inscrivent dans une nouvelle «organisation qui permettra d’améliorer la réactivité et de préserver la compétitivité de l’entreprise pour relever dans la sérénité les défis du futur». Ils disent tous ça, et cela n’arrange pas vraiment les chiffres de l’emploi salarié en France. Mais pour un cador du CAC 40 dont le slogan est «une meilleure façon d’avancer», on n’est jamais assez prudent avec la mondialisation. Même quand elle est déjà bienheureuse pour ses actionnaires.