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Où va l’audiovisuel public ?
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
https://npa2009.org/arguments/societe/ou-va-laudiovisuel-public
En France, le secteur public de l’audiovisuel est aujourd’hui constitué de trois principaux groupes : France Télévisions (France 2, France 3, France 4, France 5, Outre-Mer 1re, France Ô et France Info), Radio France (France Inter, France Culture, France Info, les 44 stations du réseau régional France Bleu, France Musique, Le Mouv’ et FIP) et France Médias Monde (RFI, France 24, Monte Carlo Doualiya). S’y ajoutent les chaînes parlementaires (LCP, Public Sénat), l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et des participations dans Arte et TV5 Monde...
Ce secteur public de l’audiovisuel est, d’après la législation, investi d’une mission de service public reposant sur trois principaux piliers : « un secteur public généraliste qui informe, éduque et divertit ; un secteur public qui favorise la création et la production d’œuvres originales ; un secteur public qui élargit son offre de programmes et développe les nouvelles techniques de production et de diffusion ». Longtemps en situation de monopole, le secteur public est, depuis la vague de libéralisation et de privatisations des années 1980 (radios libres, naissance de Canal+, La Cinq, M6, privatisation de TF1, etc.), soumis à la concurrence, ce qui n’a pas été sans incidence sur ses évolutions au cours des 30 dernières années.
Externalisation
Il ne s’agit évidemment pas de considérer que les radios et télévisions d’État de l’ère de l’ORTF étaient un modèle, tant elles étaient sous la coupe du pouvoir politique. Mais le moins que l’on puisse dire est que l’entrée dans l’ère de la libéralisation et de la concurrence s’est avant tout traduite par une baisse continue des moyens mis à la disposition du service public, par le développement d’une logique de plus en plus gestionnaire et par l’utilisation de l’argent public pour financer des groupes privés, suite notamment aux décrets Tasca de 1990 qui ont contraint les chaînes de télévision à « externaliser » la production, en d’autres termes à commander à des producteurs indépendants ses fictions, documentaires et émissions de divertissement.
Comme le souligne Fernando Malverde, syndicaliste à France Télévisions, « l’argument des décrets Tasca était, au départ, de favoriser la “créativité” et de développer un secteur indépendant. En réalité, ce secteur vit quasi entièrement grâce à l’argent public et au dévoiement du système de l’intermittence. Quelques gros producteurs profitent de l’essentiel des commandes et une myriade de petites structures ramasse les miettes »1.
Appauvrissement
En 2008, la suppression de la publicité après 20 heures sur France Télévisions, si elle augmente mécaniquement les recettes publicitaires des grandes chaînes privées, va grever encore un peu plus le budget du secteur public dans la mesure où elle n’est pas compensée par des investissements de l’État. La Contribution à l’audiovisuel public (CAP, ex-redevance) représente ainsi aujourd’hui près de 90 % du budget du service public, tandis que la dotation complémentaire de l’État se réduit peu à peu à peau de chagrin2. Le mot d’ordre n’est pas l’augmentation des investissements publics pour favoriser le développement et la qualité des services publics, mais les « réductions de coûts », la « bonne gouvernance » et la reproduction des techniques de management importées du privé.
Dans un rapport remis en 2015 au gouvernement Valls (« France Télévisions 2020, le chemin de l’ambition »), le haut fonctionnaire Marc Schwartz préconise ainsi de « restaurer la compétitivité de la filière en poursuivant les efforts de gestion », « une meilleure adaptation aux contraintes économiques et une flexibilité accrue », ou encore de « saisir l’occasion des départs à la retraite prévus dans les prochaines années pour retrouver une capacité de redéploiement interne et -améliorer sa productivité »3.
Mobilisation
Marc Schwartz a été nommé en mai dernier directeur de cabinet de la ministre de la Culture Françoise Nyssen. On peut donc légitimement supposer, a fortiori lorsque l’on sait que le programme d’Emmanuel Macron pour les médias semblait directement inspiré du rapport Schwartz, que l’entreprise de casse du service public va se poursuivre.
Loin de nous l’idée de défendre le service public de l’audiovisuel tel qu’il est, tant les critiques que l’on peut formuler quant à nombre de ses contenus et de ses journalistes vedettes. Mais l’on ne peut rester passif face à la destruction en cours et aux mobilisations qui se multiplient chez les salariés, comme ce fut le cas récemment encore à France Bleu contre la réorganisation des grilles. Contre la baisse des moyens, contre la dégradation des conditions de travail, contre les directions inféodées au pouvoir politique et les chefferies éditoriales adeptes de la promotion de la doxa néolibérale, il s’agit de défendre un véritable service public de l’information et de la culture, par la construction d’une mobilisation conjointe des usagerEs et des salariéEs des médias.
- 1.Fernando Malverde, « Pour une refondation de l’audiovisuel public : histoire, diagnostic et propositions », 7 mars 2017, www.acrimed.org
- 2.Marie Lherault, « Quelles ambitions pour l’audiovisuel public français ? », 21 septembre 2015, www.inaglobal.fr
- 3.Cité dans Blaise Magnin, « Les projets du Président Macron pour les médias et l’audiovisuel public », 19 mai 2017, www.acrimed.org