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Podemos gouverne avec les socialistes, les syndicats s’indignent

Espagne

Lien publiée le 14 août 2017

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://blogs.mediapart.fr/antoine-montpellier/blog/140817/podemos-gouverne-avec-les-socialistes-les-syndicats-setranglent-dindignation

Les lignes qui suivent partent d'une traduction libre de l'article en espagnol CASTILLA-LA MANCHA Indignación por una propuesta de Podemos y PSOE que blinda privilegios a los altos cargos (Periódico CLM, 12 08 2017) (Castille-La Manche, Indignation à cause d'une proposition de Podemos et du PSOE qui blinde les privilèges de hauts responsables). Je n'utiliserai pas plus qu'il n'est nécessaire de guillemets tout en précisant bien de qui émanent les propos reproduits. Enfin, vu l'importance politique de l'évènement, j'ai fait le choix de reprendre assez longuement ce qui est dit dans cet article espagnol tout en me permettant quelques incises personnelles (en utilisant la première personne pour être plus clair), toujours aisément identifiables pour ne pas prêter à d'autres mes opinions.

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Castille-La Manche. A gauche le socialiste, à droite le dirigeant de Podemos

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En guise d'introduction

Il n'aura pas fallu trois semaines pour que ce que la direction nationale  de Podemos avait présenté comme le modèle de ce qu'il fallait faire au niveau national, à savoir l'entrée, évènement inédit, de ses membres au gouvernement de la Communauté autonome de Castille-La Manche, sous majorité du parti socialiste (PSOE), confirme ce que ses opposants dans le parti (Anticapitalistas principalement) avançaient : le parti issu de la révolte ds Indigné-es de 2011 allait y laisser son âme.

Ce qui est rapporté dans cet article espagnol

En effet l'une des premières décisions de ce gouvernement de coalition aura été l'approbation d'un projet de loi sur la gestion et l'organisation de l'Administration régionale incluant des amendements de dernière minute introduits par les deux partis et proposant "des privilèges aux fonctionnaires détachés - ou ayant été détachés - sur des postes supérieurs de l'Administration régionale, par lesquels ils accèderont à de meilleurs niveaux indiciaires de la fonction publique que s'ils avaient suivi les procédures normales d'évolution des carrières". Par là ils consolideront des niveaux indiciaires qui, alors qu'ils sont normalement acquis sur une évolution statutaire de carrière étalée dans le temps, le seront désormais par le seul fait d'accéder directement à ces postes de la haute administration régionale.

La mesure portée par Podemos avec le PSOE "garantit non seulement une amélioration des salaires de ces cadres quand ils cesseront d'occuper ces postes et reviendront à leur poste initial dans l'Administration mais aussi une amélioration de leurs retraites. Sans parler de la possibilité qui leur sera reconnue de postuler, en position avantagée de par les acquis obtenus dans ce détour par la haute administration, à des postes sur lesquels ils n'auraient pu postuler qu'en passant par la voie de la simple reconnaissance de leurs qualifications."

Une telle position de Podemos a provoqué des remous dans le groupe parlementaire régional du parti : le député régional David Llorente, qui s'était opposé, avec le courant des Anticapitalistes, à l'entrée de Podemos dans ce gouvernement de coalition a demandé en vain que soit retiré tout ce qui dans cette loi, recevable au demeurant pour des avancées qu'elle reconnait à l'ensemble des fonctionnaires territoriaux, "entérinerait des privilèges". Pour sa part, le conseiller régional socialiste en charge des Finances et de l'Administration a dû venir expliquer que les mesures favorables accordées par la loi en question à ces détachés de la haute administration régionale n'avaient rien à voir avec "le complément de revenu pour poste administratif supérieur" que le ... Parti Populaire (droite conservatrice au pouvoir à Madrid) avait supprimé dans l'antérieure législature où il était aux commandes de la région. Je note le côté laborieux d'avoir eu à expliquer qu'en dépit des apparences, la gauche ne rétablit pas un privilège que la droite avait supprimé. Assez désastreux politiquement d'autant que les syndicats de l'entité régionale sont vents debout contre la loi votée.

Prenant connaissance en effet dans le Bulletin Officiel , le jour même de l'entrée de Podemos au gouvernement local, des amendements conjoints de celui-ci et du PSOE inclus dans le projet de loi de gestion et d'organisation de l'administration régionale, le syndicat STAS-CLM Intersindical n'y va pas par quatre chemins en déclarant qu'il s'agit "d'une transgression de l'évolution normale de la carrière des fonctionnaires de la région - évolution qui par ailleurs est bloquée - : alors qu'un fonctionnaire détaché sur un poste supérieur atteindra le plus haut grade dans un temps record, le reste du personnel devra attendre des décennies pour y parvenir". Le scandale est aggravé par le côté rétroactif de la mesure qui concernera tous les détachés ayant retrouvé leur poste initial... La conclusion de ce syndicat est sans appel : l'exécutif régional du socialiste Page (je précise : l'un des plus à droite du PSOE et dénoncé comme tel il y a peu par ses nouveaux alliés) démontre à nouveau (j'insiste sur ce "à nouveau") qu'il ne considère l'Administration Publique que "comme un cimetière des éléphants" pour "y placer ses protégés (le mot exact en espagnol autrement plus percutant est "camarilla") à des postes stratégiques".

Mais c'est évidemment Podemos qui se retrouve dans le collimateur de ce syndicat qui cible particulièrement l'artisan de l'alliance avec les socialistes, son secrétaire général qui est devenu second vice-président de la région. L'accusation est forte puisqu'il est relevé que non seulement celui-ci a donné son feu vert à ces privilèges mais qu'il en bénéficiera directement en tant qu'ex-député régional ainsi que par son passage au gouvernement de la région. Il percevra le complément prévu pour détachement dans la haute administration en cumul avec tout ce qui est prévu pour la carrière statutaire dite normale !

Mais, très remonté, ce syndicat n'en reste pas là et tient à rappeler cruellement au leader castillan-manchois de Podemos qu'il avait motivé son rejet des budgets régionaux en avril dernier, du temps où il était dans l'opposition au gouvernement socialiste, par le fait que lesdits budgets étaient dans la continuité des politiques qui maintenaient les privilèges accordés aux hauts responsables et dirigeants. Rappel lui est fait aussi de ses récentes déclarations par lesquelles il donnait l'assurance que Podemos ne renoncerait pas, en entrant dans le gouvernement régional, à son ADN et qu'il n'accepterait aucune prébende de la part de celui-ci. Trois semaines plus tard, souligne le syndicat, "le voilà qui devient l'un des privilégiés du socialiste Page en s'assurant une augmentation de salaire dont il jouira à vie".  Ma remarque : c'est ce qui s'appelle prendre une douche froide...

Face à un tel "scandale" le syndicat exige le retrait "immédiat" des amendements visés par lui et l'organisation d'un débat sur le sujet dans l'instance ad hoc de la Fonction Publique. A défaut il étudiera la possibilité de porter l'affaire devant les tribunaux.

Même le syndicat UGT (Union Générale des Travailleurs), d'obédience socialiste, revenu dans le giron du PSOE après un clash assez violent sous l'un des gouvernements du social-libéral intégriste Felipe González, appelle au retrait de ces amendements. Il qualifie de " honteuse" la proposition législative et avance l'idée qu'elle serait en violation des principes constitutionnels du fonctionnement de l'Administration car elle permet que toutes les personnes détachées par la volonté du prince sur des postes administratifs voient le maximum de revenu obtenu lors de l'occupation de ces postes se traduire par une augmentation du salaire en contravention avec ce qu'établissent les statuts en matière de rémunération des carrières des fonctionnaires.

Ici aussi la charge est lourde puisqu'il est reproché à ceux qui, dans le passé, se sont érigés en défenseurs des services publics et ont manifesté dans la rue contre l'actuel gouvernement central (du PP) en défense de ceux-ci, d'être aujourd'hui les promoteurs d'une telle mesure, sous-entendu "contradictoire avec cette défense". Les syndicalistes de l'UGT qualifient le choix fait par Podemos et le PSOE d'"attentat" contre le fonctionnement de l'administration régionale et contre tout le personnel de cette administration. Lequel personnel reste soumis, lui, au régime statutaire de la progression des carrières qui détermine le type de responsabilité occupé et le salaire qui lui est associé.

L'UGT castillano-manchoise poursuit en notant le paradoxe qu'il y a, chez ces deux partis de la gauche gouvernementale, à voter un budget qui entérine le non-rattrapage de la baisse des salaires subie par tous les fonctionnaires de la région, qui entérine aussi de n'améliorer ni leurs conditions de travail ni le fonctionnement des services publics mais qui accorde des prébendes à tous ceux qui ont occupé un poste soit au gouvernement soit dans l'administration de la région et cela durant toute le temps qu'ils auront passé au travail. Très clairement il y a là, toujours selon le syndicat, un manque de respect envers l'ensemble des citoyens.

La même exigence que l'autre syndicat est signifiée aux deux partis responsables de la "honteuse proposition" de loi : son retrait.

L'autre grande confédération syndicale, les Commissions Ouvrières, est sur la même longueur d'onde. Les mots sont les mêmes : inadmissible, insultant, manque de respect car il est contrevenu aux principes d'égalité, de mérite et de qualification. Il est même déploré que ces mesures permettent que se constitue un corps d'anciens hauts responsables qui fait supporter un coût financier exorbitant, inassumable, aux finances régionales !

Selon moi, peut-être plus grave politiquement, voire moralement, pour des partis se réclamant de la gauche (sans étonnement de ma part pour le PSOE qui est un parti historiquement et structurellement lié, aux côtés su PP, au régime corrompu et fidèle serviteur des élites capitalistes en place, sans trop d'étonnement hélas pour Podemos par ce qu'il montre depuis quelques mois), les Commissions Ouvrières pointent du doigt que délibérément il a été décidé par la procédure choisie de court-circuiter l'information en direction des syndicats et de la commission en charge des questions d'emploi public et ainsi de les mettre devant le fait accompli.

Du côté de la Centrale Syndicale Indépendante et des Fonctionnaires (CSIF), on en appelle à un "minimum de décence politique" qui passe par le retrait immédiat, là aussi, des amendements incriminés. A défaut, ce syndicat lance cet avertissement : ce gouvernement devra faire face à sa totale opposition et à sa mobilisation résolue contre un tel méfait estival (sic) qui accroît les privilèges de la "caste" au détriment des citoyens ordinaires et qui exprime un mépris de la légitime représentativité des travailleurs. Je note : on sera sensible à l'ironie cinglante par laquelle est renvoyé à Podemos qu'il joue en faveur de la "caste" contre laquelle il n'avait pas, il n'y a pas longtemps, de mots assez durs ! Poursuivant dans cette même veine à faire pâlir les podémites incrédules devant  le spectacle que donne le parti régional, proclamé par la direction centrale, prometteuse vitrine politique nationale, la CSIF porte une estocade supplémentaire en indiquant que la décision législative prise est une prime que s'accorde pour toujours la classe politique ! Mon avis : Podemos perçu syndicalement (et probablement bien au-delà) du côté de la classe politique, le coup est rude... mais pas déplacé au vu de ce que l'on lit ...

A l'heure qu'il est le projet de Loi a franchi le premier palier menant à son acceptation par la majorité de l'assemblée régionale en rejetant l'amendement déposé par le PP contre la totalité de ladite loi. Le débat, d'abord en commission puis en séance plénière, portera désormais sur les amendements du gouvernement.

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Mes remarques finales

Il devrait sauter aux yeux, à la lecture des lignes qui précèdent, que Podemos a commis plus que ce que certains voudront voir comme un "faux pas" politique... compréhensible. Pour qui suit de près la situation politique de l'Espagne et plus particulièrement les positions de Podemos, il est indéniable que ce parti procède à un infléchissement, toujours plus accentué, vers son insertion institutionnelle. Les références au mouvement des Indigné-es se sont estompées depuis longtemps. Disons-le, l'esprit du 15 M, qui, rappelons-le, a d'abord et avant tout pris pour cible un gouvernement socialiste répondant (tardivement) au développement de la crise systémique initiée en 2008 en procédant à une contre-réforme du travail (2010) digne de la droite la plus libérale, cet esprit quincemayista, donc n'a absolument rien à voir avec ce qu signifie la volonté affirmée par Iglesias et ses proches de s'allier avec le parti qui a soutenu ce gouvernement failli de 2011 et qui, pour cette raison, a durablement payé le prix fort électoral de ses méfaits. J'ai ailleurs écrit que prendre cette voie en prétendant que Podemos saurait peser pour amener le PSOE à gauche était totalement illusoire et que le plus probable, vu la prégnance maintenue d'un régime antipopulaire depuis sa naissance en 1978, serait que Podemos se retrouve domestiqué par le PSOE (que d'ailleurs les sondages donnent repassant devant lui). Je crois que ce que vient de faire Podemos de Castille-La Manche avec l'appui de la direction centrale ne dément pas, c'est le moins que l'on puisse dire, cette analyse. Je renvoie ci-dessous à certains de mes articles parus sur le sujet qui, je l'espère, aideront, le cas échéant à mettre de la perspective dans ce que je juge une évolution néfaste de la direction de Podemos. Néfaste quant à l'objectif de rompre avec un système injuste mais qui, malgré ses tares, parvient à se maintenir en place. Et cela, entre autres raisons, car il parvient à réintégrer dans son jeu ceux qui s'annonçaient et, contre l'évidence que traduit ce billet, s'annoncent toujours comme ses opposants les plus intransigeants.

Encore ceci : alors que se déroule une importante grève à l'aéroport de Barcelone pour les salaires et d'autres revendications sur le métier, sans que l'on voie que Podemos y accorde l'attention qu'il donne à ses appels du pied à faire union en direction du PSOE, alors que sa position sur le référendum d'indépendance de la Catalogne à venir est rendue illisible par le vif conflit entre la direction centrale du parti et le Podem catalan, voilà que, cerise sur le méchant gâteau du brouillage des fondamentaux du Podemos premier, s'ouvre une crise au sommet du parti par le lancement d'une procédure disciplinaire rien moins que contre la présidente de la Commission Nationale des garanties (pourtant statutairement indépendante dans le parti). Cette présidente s'oppose à la proposition faite par la direction iglésiste d'introduire dans les statuts du parti des sanctions d'exclusion, entre autres joyeusetés, contre tout-e adhérent-e qui communiquerait à l'extérieur du parti des informations d'importance, sensibles, etc. Alors que la vie interne du parti n'est déjà pas précisément un modèle de démocratie (voir ci-dessous certains de mes articles), l'on sent bien que la dérive vers une reprise en main plus affirmée participe d'une volonté de verrouiller le tournant politique majeur qu'anticipe au niveau de l'Etat espagnol le choix fait par Podemos de Castille-La Manche.

J'ai la faiblesse de penser que tout ceci, en lien avec le lamentable spectacle offert en Castille-La Manche, est en train de donner à voir la quintessence de la politique que veut engager le courant de Iglesias en se liant au PSOE pour gouverner au plus haut niveau de l'Etat. Si rien ne vient contrecarrer cette marche de Podemos vers l'abîme politique, il est à craindre qu'il faille apprendre à dire en espagnol "Adieu l'espérance, le système est à nouveau gagnant" ! Pardon pour ce final triste, je précise cependant : je reste persuadé que rien n'est jamais vraiment perdu, d'autant que je sais qu'il y a dans ce parti, comme d'ailleurs à l'extérieur, des gens merveilleux de ténacité et de refus de plier, quincemayistes dans l'âme, ce qui est fondamental, tout en sachant qu'il y a une voie politique que ce mouvement libertaire n'a pas su trouver et qu'il faut, de façon urgente, l'aider à trouver. Ce que Iglesias fait le choix de négliger, c'est que c'est le 15M ou ce qui se réclamera de sa filiation, qui reprendra le scénario laissé en friche de sa caractéristique fondamentale, sa volonté de travailler pour l'autoémancipation... car c'est cela qui, toujours vivant, momentanément replié dans les mille recoins des microrésistances et faisant quelques irruptions plus massives (grève des dockers, celle des personnels de l'aéroport de Barcelone, les opposants aux expulsions des logements...), reste inassimilable pour et par le système, le régime, le PP, Ciudadanos, le PSOE et, dommage, c'est de plus en plus évident, par Podemos !

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