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Loi travail: forces contraires chez FO
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http://www.liberation.fr/france/2017/09/01/loi-travail-forces-contraires-chez-fo_1593673
La position tiède du secrétaire général, Jean-Claude Mailly, qui a annoncé mercredi la décision de la direction de ne pas appeler à manifester le 12 septembre, a fait l’effet d’un coup de tonnerre dans bon nombre de fédérations. Menaçant de faire sécession, certains affirment qu’ils défileront avec la CGT.
«Qu’est-ce qu’il fout Mailly ? C’est quoi ce bordel ? On nous a fait descendre dans la rue pour moins que ça !» Ces derniers jours, le standard téléphonique de l’union départementale Force ouvrière du Loiret a dû s’habituer aux appels courroucés. Deux adhérents ont même renvoyé leur carte. Annoncée par le secrétaire général, Jean-Claude Mailly, dès mercredi, soit la veille de la publication des ordonnances sur le droit du travail, la décision de la direction confédérale de ne pas appeler à manifester contre la réforme le 12 septembre passe mal. Dans le Loiret, mais aussi ailleurs. «Ça grogne en interne. Les syndiqués nous interpellent», constate Nadine Hourmant, secrétaire générale de l’union FO du Finistère.
Depuis le début, fin mai, du cycle de concertations sur le droit du travail entre le gouvernement et les partenaires sociaux, nombre de militants bouillaient d’entendre leur leader multiplier les déclarations bienveillantes. L’annonce de mercredi, suivie par la présentation des ordonnances, a été le coup de grâce. Plafonnement des indemnités prud’homales, possibilité pour les multinationales de licencier dans l’Hexagone malgré des profits réalisés hors de France… La réforme du gouvernement consacre des propositions patronales considérées par FO comme des «lignes rouges» lors des débats sur la loi El Khomri. Un an plus tard, Mailly persiste pourtant à se montrer conciliant. «Il y a des reculs, il y a aussi des avancées […]. Le modèle social n’est pas remis en cause», plaidait-il encore vendredi matin sur Europe 1, en vantant «trois mois de discussions intenses». «Mais c’est comme si on nous avait annoncé qu’on allait nous couper la jambe et qu’il fallait se réjouir de ne perdre que le pied», s’agace Jean Hédou, à la tête de la FEETS-FO, fédération des équipements, de l’environnement, des transports et des services. Vendredi, son bureau s’est prononcé à 90 % pour rejoindre la CGT, SUD, Solidaires et la FSU dans les cortèges.
«Que le commencement»
Même décision chez FO Transports et Logistique. «Les ordonnances, c’est tout bon pour le patronat et pas grand-chose pour les salariés. Nos adhérents sont vent debout», assure son secrétaire général, Patrice Clos. Sa fédération avait réservé sa position ces derniers mois, choisissant comme Mailly de jouer la carte du dialogue. «Je n’avais pas de problème avec le fait de laisser la concertation aller au bout, poursuit Patrice Clos. Le souci, c’est qu’on ne partait pas d’une feuille blanche et qu’on se retrouve avec une loi El Khomri 2.» FO Transports appelle donc ses troupes à défiler. «Et ce n’est que le commencement, promet le secrétaire général, qui dit avoir reçu un coup de fil du ministère des Transports, inquiet de savoir «jusqu’où [son syndicat] va aller». Selon la CGT, qui a fixé la date de la manifestation, au moins 15 unions départementales FO participent à sa préparation, dont l’Yonne et les quatre départements bretons. Des intersyndicales s’y sont constituées dès le début de l’été. D’autres ralliements pourraient suivre. Des commissions exécutives FO vont se tenir partout en France d’ici le milieu de semaine prochaine. La suite à donner à la mobilisation contre les ordonnances figurera en tête des discussions. Sans compter que de nombreux adhérents rejoindront les manifestations quelle que soit la position de leur section. «Des copains m’ont dit qu’ils iraient tenir des banderoles CGT s’il le faut», lance un chef de file FO local.
Dans la Manche, l’union départementale se décidera lundi après-midi. Mais à écouter son secrétaire Yann Perrotte, l’issue des débats ne fait guère de doutes. «Beaucoup d’entre nous faisions confiance à Mailly pendant la concertation, raconte-t-il. Puis son insistance à montrer qu’on était un interlocuteur privilégié du gouvernement a commencé à nous exaspérer. On est tombé de haut en voyant les ordonnances : pour des militants qui ont bataillé contre El Khomri, c’est difficile à avaler.» Avec les cégétistes, les syndiqués FO étaient en effet aux avant-postes de l’éprouvante contestation de 2016. «On a manifesté 14 fois contre la loi travail, insiste Nadine Hourmant, dans le Finistère. Je ne peux pas entendre aujourd’hui le secrétaire confédéral dire que l’on doit respecter cette nouvelle réforme parce qu’il y a eu concertation. Qu’est-ce qu’on a obtenu pour les salariés ?»
«Grognards fidèles»
L’incompréhension, si ce n’est la colère, se cristallise autour de Mailly, qui quittera la tête de FO à l’issue du prochain congrès en avril 2018. «Pour moi, il n’a pas respecté le mandat qui lui a été donné», tranche Nadine Hourmant. Il est encore tôt pour juger de l’ampleur des dissensions et des conséquences pour l’avenir de FO. Mais les prochaines échéances internes s’annoncent agitées. Une commission exécutive confédérale doit se réunir lundi. Mi-juin, cette instance de 35 membres promettait de mobiliser contre les ordonnances en cas de «loi travail XXL». Les 28 et 29 septembre se tiendra aussi un comité national, qui réunira les secrétaires d’unions départementales et de fédérations. Dont les «frondeurs» mobilisés le 12 septembre, qui auront tout loisir de réclamer des comptes aux dirigeants. Plusieurs d’entre eux ont demandé d’en avancer la date en urgence. Un signe que la fièvre couve ? Certains relativisent la portée des divergences au nom du «fédéralisme» de FO. «Les militants savent être des grognards fidèles, estime Yann Perrotte, reprenant la métaphore de Mailly pour nuancer les critiques. Même les plus énervés respecteront ses treize ans de mandat et n’essayeront pas de saborder sa sortie. On va se dire les choses, mais on va maintenir l’unité, car des combats arrivent», comme la réforme des retraites et de l’assurance chômage. Yves Veyrier, de la direction confédérale, balaie aussi le risque d’une crise majeure : «Que des positions contradictoires s’expriment chez FO, ce n’est pas nouveau.» Les appels à manifester à une date «que la CGT a décidée seule» sont, selon lui, le fait «de minorités agissantes amplifiées par les réseaux sociaux». D’autres sont moins optimistes. «Tout dépendra de la mobilisation, prévient un responsable d’union départementale. Si plus de la moitié des départements se joint à la journée du 12, Mailly sera désavoué. Macron a bien fait éclater les partis traditionnels, il pourrait faire de même avec les syndicats…»