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Le mouvement national catalan reprendra-t-il l’initiative ?
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
http://npaherault.blogspot.fr/2017/10/catalunya-info-en-continu-ou-presque.html
Dimanche 8 octobre
Voilà une semaine qui se termine à l'envers, pour ainsi dire, de ce qu'elle avait commencé à signifier : dimanche dernier, le bras de fer autour du référendum avait nettement tourné à l'avantage du mouvement national indépendantiste. Son esprit de décision, face aux incroyables mesures répressives misesen branle par le pouvoir central pour empêcher la consultation, a trouvé un correspondant surdémultiplié dans la population : la police et la Garde Civile se sont heurtées à une résistance civile pacifique de masse qui a renvoyé au monde entier la leçon que l'on peut gagner ... contre plus fort que soi. Une leçon longtemps oubliée qui renoue en pointillés, sans qu'il y ait pleine conscience de la chose, à une moindre échelle d'intensité et évidemment sans la dimension tragique d'alors, dans les années 60-70, avec le fil rouge de la résistance du peuple vietnamien face à la puissance de l'armée étasunienne. Que de défaites depuis... Et aujourd'hui ce miraculeux signal catalan, modeste à l'échelle de l'histoire mais décisif pour la reconstruction des logiques émancipatrices bien au-delà de la seule Catalogne... Succès donc du référendum, certes tenu dans des conditions d'irrégularité techniques imputables entièrement à la politique de la terre brûlée antidémocratique promue par Mariano Rajoy. Une légitimité politique de l'indépendantisme s'est imposée en élargissant sa base populaire, non pas seulementni unanimement en faveur du projet de rupture avec l'Etat espagnol et d'avancée vers une république catalane mais aussi pour la capacité des acteurs du mouvement national à traduire une puissante aspiration démocratique à voter envers et contre tout, que ce soit pour le oui ou pour le non à l'indépendance.
La grève générale de mardi a confirmé, voire accru, cette dynamique de boule de neige en imbriquant une mobilisation des salarié-es de la région sur leur lieu de travail et dansla rue avec une mobilisation civique qui était en prolongement direct de celle de dimanche. Le tout a culminé en une puissante manifestation de 700 000 personnes à Barcelone.
Mais c'était sans compter sans les ressources politiques d'un régime trop vite présentéaux abois, assommé par son échec dominical. Le soir même de la grève générale, la contre-offensive a été lancée par la brève allocution télévisée du roi d'Espagne toute tendue à soutenir le gouvernement central et à appeler à une répression encore plus violente contre le défi indépendantiste. Dans le même temps les annonces que les banques catalanes et nombre de grandes entreprises commençaient à déménager leurs sièges hors de Catalogne visaient à créer la panique sociale et économique. La manoeuvre était habile qui paradoxalement actait le succès politique des indépendantistes et l'idée que la marche vers la sécession avait le vent en poupe au point de faire fuir de puissantes entreprises, pour immédiatement donner la douche froide : non seulement vous, catalanistes, aurez une répression policière et judiciaire d'une violence inouïe mais vous provoquerez une sévère crise économique et sociale dont vous serez les premières victimes. La contradiction saute certes aux yeux : la répression annoncée ne pouvait, pour ses initiateurs, que faire avorter la rébellion et donc rendre sans effet l'annonce du départ des banques et des entreprises... Peu importe la stricte logique, il y avait de la politique du choc, à fort impact émotionnel, dans la stratégie de reconquête du rapport de force mise en oeuvre par le pouvoir.
Le fait est que l'initiative en cette fin de semaine est passée du côté des opposant-es au mouvement national catalan : c'est tout le pays qui a été appelé à basculer anti-indépendantiste catalan en faisant s'articuler deux modalités, en apparence seulement contradictoires, de mobilisation, surtout suivies à Madrid hier et à Barcelone aujourd'hui : celle des dialoguistes des marches blanches et celle des unionistes à tout crin contre le sécessionisme. Le spectre de l'anticatalanisme dans cette double version combinée, soft (plutôt sous influence socialiste) et hard (clairement menée par la droite et l'extrême droite mais avec présence des socialistes !), a ainsi balayé large et a mis sur la défensive le bloc indépendantiste.
L'hésitation y est claire : la perspective d'une déclaration unilatérale d'indépendance s'éloigne. Le président de la Généralité n'envisagerait plus qu'une déclaration d'intention indépendantiste sans effet immédiat qui chercherait ainsi à créer les possibilités d'unenégociation avec Madrid. Même l'ANC et l'Omnium mettent en veilleuse leur capacité de mobilisation dans la rue : rien n'a été tenté pour faire pièce aux manifestations susmentionnées. Seuls les Comités de Défense du Référendum, la CUP, des syndicats minoritaires et diverses associations, sans non plus avoir rien produit de significatif ces derniers jours, annoncent dès demain lundi le lancement d'une grève générale devant renouer, par-dessus l'intervalle des contre-manifestations de ces deux derniers jours, avec la mobilisation du début de semaine. Leur objectif est double : continuer et accentuer la dynamique de la victoire référendaire tout en pesant sur les courants nationalistes devenus conciliateurs et, particulièrement, sur l'intervention de mardi de leur représentant, le président Puigdemont, devant les parlementaires, pour qu'ils ne reculent pas sur la feuille de route établie par ce même parlement. L'heure est toujours, pour ce pôle radical, à la proclamation unilatérale de l'indépendance...
Il se joue, désormais de façon de plus en plus ouverte, un rapport de force dans le rapport de force : pour retrouver le second face au pouvoir central, il faut gagner le premier face à des alliés locaux qui sont tentés de ne plus suivre dans l'épreuve de...force ! Qui (re)gagnera l'esprit et les coeurs du peuple courageux d'un jour de référendum et d'une journée de grève générale ? Un peuple resté, sauf quelques rares exceptions, inactif et observateur sur cinq très (trop) longs jours. Comment maintenir, malgré ces tensions internes au mouvement, insidieuse quadrature du cercle, l'unité des protagonistes d'une mobilisation qui ne saurait, en l'état du moins, se diviser devant un gouvernement habile à reconstruire une large unité dans le pays autour de lui ? Unité qui pourrait l'amener à provoquer des élections anticipées lui permettant de vérifier, terrible hypothèse, que la question catalane lui aura permis de se refaire une santé politique, c'est-à-dire de reconquérir la majorité absolue que l'onde de choc du mouvement des Indigné-es lui déniait depuis si longtemps. Scénario catastrophe, a priori loin d'être gagné mais les occasions politiques gâchées par les uns font s'accélérer, et parfois même se retourner, les événements au profit des autres. "Qui n'avance pas, recule" ?