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Les proches d’Antonin dénoncent une enquête à l’envers
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Le verdict du procès de « l’affaire de la voiture de police brûlée du Quai de Valmy » a été rendu ce matin, et il est lourd, très lourd. 7 des 9 prévenus ont été condamnés à des peines allant jusqu’à 7 ans de prison ferme. En conférence de presse, cet après-midi, les familles des victimes et leurs soutiens, à commencer par Assa Traoré, déplorent un procès hautement politique qui s’attaque à une jeunesse militante, jugée pour l’exemple.
Ce sont d’abord les parents d’Angel et d’Antonin Bernanos qui prennent la parole. Leur fils cadet Angel, inculpé pour sa participation à la manifestation du 18 mai 2016, quai de Valmy, et qui a été retenu en détention provisoire depuis 8 mois a été relaxé. Ce n’est pas le cas de son frère, Antonin, qui vient d’écoper d’une très lourde sanction : 5 ans de prison dont 3 fermes. Avec lui, ce sont six autres jeunes qui ont été condamnés à de lourde peine, dont Kara, militante transgenre actuellement incarcérée, et dont l’avocat de la famille Bernanos rappelle les conditions indignes de détention, en isolement dans des « conditions inhumaines », et Ari Rustenholz, arrêté à son domicile il y a 8 mois, incarcéré depuis, et condamné à 5 ans de prison dont deux ans et demi fermes pour avoir jeter un plot métallique contre la vitre arrière de la voiture de police.
« Une enquête à l’envers »
Tous déplorent la conduite de ce procès dont le verdict « répond à une commande judiciaire, livrée le 18 mai 2016 » par la bouche de Manuel Valls, déclare le père des fils Bernanos. Il déplore « une enquête fondée sur les notes des renseignements généraux dont l’inexactitude a été démontrée », « un témoignage, d’un policier, dont la supposée véracité a été totalement remise en cause ». L’avocat de la famille Bernanos reconnaît qu’il n’est malheureusement pas surpris : « malgré le déroulé de cette procédure, les doutes qui se sont installés progressivement, les preuves de l’accusation qui ont été démontées, nous nous attendions à cette décision ».
La mère d’Antonin et d’Angel Bernanos rappelle quant à elle l’emballement du discours médiatico-policier, comment le nom de ses enfants et les éléments du dossier ont été livrés à la presse et à l’opinion publique. « Il y a eu le déchainement de la fachosphère contre notre famille […] des menaces de mort de la part de policiers contre notre fils ». A cela s’ajoute la surveillance policière et la mise sur écoute de l’ensemble de la famille.
Le père d’Ari Rustenholz rappelle les faits qui sont reprochés à son fils, mais aussi la manière dont s’est menée l’enquête et l’inconséquence des preuves de sa culpabilité. « D’après cette vidéo, raconte-t-il, on a arrêté d’abord une première personne qui ne pouvait être là, puis une seconde personne qui ne pouvait être là, et puis c’est en cherchant dans la base de contact du deuxième arrêté que Ari a été arrêté ». Ari sera donc interpelé huit mois après les faits, à son domicile, « sur la base de rien ». « Le procureur lui-même dans son réquisitoire […] nous a dit que ‘’notre enquête est un peu bricolée’’ ». L’accusation repose sur « l’intime conviction du procureur » qui fait de ce « militant d’extrême gauche » un coupable idéal.
Le procès d’une jeunesse militante et contestataire
Car ce qui se joue dans cette « enquête à l’envers », pour laquelle « le doute ne profite plus à l’accusée », selon les mots du père d’Antonin, c’est un procès politique. « Antonin est condamné, non pas pour ce qu’il a fait, car aucune preuve de sa culpabilité n’a pu être établie, à aucun moment. Il est condamné pour ce qu’il est : un jeune militant qui lutte contre la violence d’Etat, dont les violences policières qui se sont gravement multipliées en France depuis plusieurs années » Citant Edwy Plenel - « la mésaventure judiciaire d’Antonin Bernanos est le symbole du mauvais sort fait aux idéaux de la jeunesse » -, le père d’Antonin Bernanos a dénoncé une sentence lancée à l’encontre de la jeunesse, de son engagement politique et de ses idéaux en faveur d’une société plus juste. « Notre République a jugé condamné cet idéal et ses représentants pour en faire les victimes expiatoires d’un système politique, judiciaire et pénal » conclura-t-il.
Pour l’avocat d’Antonin, la sentence signe la marque d’une « véritable guerre qui est faite aux défenseurs des libertés publiques, […] à ces jeunes qui étaient présents pour dénoncer les violences policières qui se multiplient » citant Adama Traoré, Rémi Fraisse, Zyed et Bouna et « tous les autres qui sont tombés sous les coups des fonctionnaires de police ».
D’Adama Traoré à « tout le monde déteste la police » : la nécessité d’une coagulation contre les répressions
Comme l’a souligné pendant la conférence de presse Vanessa Codaccionni, maitresse de conférences à Paris 8, derrière ce procès, il y a « l’assimilation des militants à des criminels, mais aussi à des terroristes », technique banale de discrédit des combats politiques instaurée par le pouvoir politique. Et il y a aussi, la volonté pour Alliance, le syndicat policier d’extrême-droite impliqué dans les charges d’accusation, de faire un coup médiatique en dressant un portrait victimaire des forces de polices. Mais « la police est un corps fort » rappelle le sociologue Geoffroy de Lagasnerie, dont les pouvoirs et les moyens n’ont fait qu’être renforcés avec la mise en place du dispositif d’état d’urgence, et dont les violences, en particulier vis-à-vis des populations racisées, sont de plus en plus visibles aux yeux de l’opinion publique. Et c’est donc bien le fait de « détester la police », une opinion politique qui vise à dénoncer son rôle social et les violences qu’elle commet, qui est visé.
La présence d’Assa Traoré, sœur d’Adama Traoré, asphyxié par les gendarmes à l’été 2016, lors de cette conférence de presse, a souligné le lien qui existe entre la répression policière contre la jeunesse des quartiers populaires et la répression de ceux qui la dénonce. En lutte pour la reconnaissance du crime policier de son frère Adama, ce sont ses autres frères, Bagui, principal témoin de l’assassinat, et Yacouba, qui sont aujourd’hui actuellement en prison pour avoir mener ce combat.
« On ne veut pas que puisse se mettre en place une séparation dans les répressions, les réprimés dans les mouvements syndicaux, dans les quartiers populaires, ou les réprimés dans la jeunesse combative » a souligné Gaël Quirante, responsable Sud activités postales 92 et membre du Front Social. La justice « veut faire un exemple » pour faire baisser la tête aux militants, « mais c’est le contraire qui va se passer ». « Et il faut répondre à cela de manière collective, nous sommes dans le même camp », a conclu Quirante.
A ce stade, pour Paris, un rassemblement a été appelé ce mercredi 11 octobre à 19h30, à Ménilmontant, en soutien aux inculpés, aujourd’hui prisonniers politiques de « l’affaire du Quai de Valmy ».