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La Catalogne, prise en étau entre la répression et la négociation
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Source : Robert Charvin, 15-10-2017
Droit des Peuples à disposer d’eux-mêmes, respect de l’intégrité territoriale des États et contradictions du système socio-économique capitaliste : le cas de la Catalogne
Parmi les diverses pathologies de la pensée occidentale médiatique, on peut relever celle qui fait de chaque événement politique (particulièrement à l’international) un cas isolé, ne pouvant se rattacher à aucun problème d’ensemble. On peut y ajouter le gommage systématique de l’Histoire, même récente.
Ce type d’approche facilite la tâche des politiciens de gouvernement qui peuvent, sans scrupule, réagir de manière contradictoire et sans aucune préoccupation de principe, à chacun des cas qui survient. A ces comportements de médiocrates au pouvoir s’ajoutent ceux de nombreux intellectuels, particulièrement les juristes, qui transforment chaque événement en phénomène de laboratoire, arguant que « comparaison n’est pas raison ».
Les mouvements de fonds qui traversent la Catalogne, exemple type de phénomène dérangeant, provoquent à la fois quasi-silence et embarras visible chez les leaders politiques occidentaux, jouant sur l’amnésie des citoyens des différents précédents de nature analogue, prudence extrême des rares juristes consultés par les médias, et discours contradictoires des hispanisants selon les options idéologiques. Le consensus ne s’établit même pas contre les violences policières, qui semblent héritées d’une nostalgie franquiste.
Il est toutefois possible de faire une analyse de la crise catalane en puisant dans les principes du droit international (qui ne peut être considéré comme un « jeu de salon » réservé aux seuls universitaires) et dans la réalité de l’impérialisme dont les contradictions sont de plus en plus insolubles.
1. Les besoins de l’impérialisme
Les puissances occidentales et les grands groupes privés économiques et financiers dont la collusion est de plus en plus étroite, tentent d’édifier un ordre mondial le plus ajusté possible à leurs besoins.
« L’œuvre » en cours est complexe et les contradictions sont multiples : c’est ainsi, par exemple, que les États sont en concurrence, comme les pouvoirs privés et ne sont pas toujours en mesure de dégager un « intérêt impérial commun » (on le constate dans le contentieux États-Unis – Europe, ainsi qu’au sein de l’Union Européenne).
Ce qu’il y a de constant dans la politique impériale (1), c’est la tentative d’élimination, par tous les moyens, y compris le recours à la force et à l’assassinat individuel avec la complicité du crime organisé, de toutes les rébellions progressistes. Est menacée toute entité politique visant à contraindre les grandes firmes privées et qui, objectivement, est à l’origine d’un « manque à gagner » pour elles.
La réalité et la « couleur » authentique de ces forces importent peu : il s’agit d’imposer et de protéger un marché sans entraves, ouvert sans limites aux grands groupes économiques et financiers. Cet objectif exige un interventionnisme systématique dans toutes les zones stratégiques soit pour soutenir des États « vassaux », soit pour détruire des forces perturbatrices (Etat, parti ou individu).
Mais les intérêts des puissances occidentales peuvent se heurter : c’est le cas, par exemple, entre la Françafrique et les États-Unis. Ces conflits n’ont rien à voir avec les valeurs démocratiques si souvent invoquées et leur règlement, qui modifie en permanence les rapports de forces entre puissances impériales, s’impose aux peuples sans qu’ils soient pris en considération.
Pour se faire accepter par leurs propres peuples, les gouvernements occidentaux vendent leur mensonge (ou leur silence) et leur manichéisme pour vaincre la critique ou le scepticisme à leur égard ; ils invoquent le droit et la légalité exclusivement lorsqu’ils y trouvent leur intérêt.
L’Empire américain se prétendant État d’exception, chargé du salut du monde, impose son unilatéralisme, souvent en violation du droit international, ne suscitant que de timides réactions : l’Europe, malgré sa puissance économique, ne tente même pas d’être européenne !
L’aristocratie du monde, quelques Occidentaux en très petit nombre, prétend détenir la clé du « bonheur », (‘est-à-dire l’accumulation des richesses) et du futur, (c’est-à-dire de l’american way of life). Seul l’Occident sur toute la planète assimile ses intérêts particuliers aux intérêts de l’Humanité toute entière !
Problème particulier, l’impérialisme préfère les États faibles, corrompus, désarmés : ils sont les plus « utilisables ». A défaut de les soumettre, il va jusqu’à les détruire : le chaos libyen, par exemple, est instrumentalisable et le pétrole qui y coule encore est récupérable par des voies indirectes ! Il est donc favorable aux petites entités et tend à favoriser la fragmentation du monde : plus de trente nouveaux États sont nés ces dernières années !
Ces petits États n’ont que peu de moyens pour exercer une réelle résistance et deviennent facilement des satellites plus ou moins dépendants des grandes puissances occidentales.
Une grande firme (dont le chiffre d’affaires peut être supérieur au budget de ces petits États) peut imposer ses conditions dans des contrats juteux avec plus de facilités que dans le cadre d’une puissance rivale (style Russie ou Chine).
L’appui impérial aux mouvements sécessionnistes est donc fréquent : c’est le cas avec le Sud-Soudan, socialement misérable mais riche en ressources énergétiques, détaché de l’État soudanais, peu favorable aux États-Unis.
La question est évidemment infiniment plus complexe lorsqu’il s’agit de mouvements se développant au sein même des États occidentaux (en Italie, en Belgique, en France et en Espagne) du fait de la gouvernance inéquitable qui y règne. C’est dans la nature du capitalisme que de produire et de creuser des inégalités, y compris dans l’espace territorial. C’est aussi dans la logique des comportements des acteurs du capitalisme que de produire des courants « débarrasistes », les privilégiés ne voulant plus être solidaires des plus défavorisés au sein d’une même nation, fut-elle anciennement constituée. La Slovénie, par exemple, ou la Croatie, se sont crues « libérées » de la Serbie, afin d’accélérer leur propre développement.
La mal gouvernance, dont les peuples ne sont pas toujours clairement conscients, provoque ainsi des conflits par-delà les réalités de classe et les exigences de solidarité nationale, mal vécues par les populations. Ce sont, évidemment, les peuples eux-mêmes qui paient essentiellement le prix de ces hostilités (pouvant aller jusqu’à la guerre civile) et de ces incompréhensions.
2. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes
Bien que la Charte des Nations Unies en ait consacré le principe, les Occidentaux ont été opposés à sa mise en œuvre durant la longue phase de la décolonisation. La doctrine dominante chez les juristes français, par exemple, consistait à faire de cette disposition de la Charte, non une obligation juridique à respecter par tous, mais une disposition de nature politique non contraignante. Les puissances occidentales se refusaient à admettre que les mouvements de libération nationale aient un droit à agir pour l’indépendance de leur pays ! Ils étaient, au contraire, assimilés à des bandes de criminels refusant l’autorité de leur métropole ! Les « départements » d’Algérie étaient français pour toujours et le FLN n’était qu’un ramassis de « Fellagas » à éliminer.
Le droit du peuple algérien à accéder à l’indépendance était refusé par les gouvernants de droite et de « gauche » qui usaient de tous les moyens, y compris la torture, allant jusqu’à nier toute compétence à l’ONU en la matière !
Aujourd’hui encore, certains peuples se voient refuser cette libération. Les peuples « autochtones », notamment amérindiens, ont dû mener une longue bataille peu médiatisée et presque solitaire, notamment au sein des Nations Unies, pour obtenir seulement un modeste droit à l’autonomie au sein de l’État qui les domine (Canada, États-Unis, etc.).
Le peuple palestinien, après avoir été successivement maintenu sous l’autorité ottomane, britannique est actuellement, de facto, placé sous l’autorité de l’État israélien qui accroît ses « colonies » dans la Cisjordanie de plus en plus occupée !
Le peuple kurde, écartelé entre différents États du Moyen Orient, n’a réalisé ni son unité politique ni son accession à la qualité d’État. Les puissances occidentales s’étaient, aux lendemains de la Première Guerre mondiale (Traité de Sèvres de 1919) engagées à leur permettre de se constituer en État national indépendant. Mais violant le traité conclu, la France et la Grande Bretagne ont exercé leur autorité sur l’Irak et la Syrie, englobant les minorités kurdes, en abandonnant certains à la Turquie et à l’Iran. Le droit a été ainsi balayé au nom d’intérêts très particuliers, pour une large part pétroliers.
Aujourd’hui les Kurdes d’Irak et de Syrie manifestent (en ordre dispersé) leur volonté de se constituer en État, en profitant du délabrement des pays détruits par les ingérences occidentales, avec un certain appui des Occidentaux pour les Kurdes de Syrie, avec des réserves pour les Kurdes d’Irak (dont le gouvernement a été choisi par les États-Unis) et avec hostilité pour ceux de Turquie, celle-ci étant l’un des pivots de l’OTAN.
Ainsi, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est pour l’impérialisme un principe à géométrie variable. Ce n’est pas le cas lorsqu’il s’agit de soutenir une sécession dans les États qu’il souhaite affaiblir.
3. La sécession chez les « autres »
Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes au sein d’un État constitué ne conduit pas mécaniquement au droit à la sécession, sauf s’il y a une ingérence extérieure la soutenant et s’il y a quelques fondements à ce processus en raison d’une mal-gouvernance.
Le démantèlement de l’URSS avec l’accession à l’indépendance des ex-Républiques soviétiques de la périphérie, ou de l’Ukraine notamment en est une illustration. L’impérialisme a tout entrepris pour soutenir les « révolutions » anti-russes qui promettaient l’abondance occidentale. Il espérait aller plus loin encore, comptant sur les faiblesses – temporaires – du Kremlin, en soutenant les rebelles islamistes tchétchènes, tout comme il s’était servi des Talibans afghans contre le gouvernement communiste de Kaboul et son allié soviétique. Le rôle de « l’islamisme radical » était jugé positif s’il se développait contre Moscou !
Presque simultanément, les micro-sécessions « pro-russes » à la frontière de la Russie et d’ex-Républiques soviétiques étaient condamnées comme l’œuvre d’un expansionnisme russe de retour !
La Crimée, par exemple, cédée par la direction khrouchtchévienne à l’Ukraine (notamment pour faciliter son accession au sommet de la direction soviétique), était restée russe et l’est redevenue à l’occasion de la crise ukrainienne, parce que la légalité à Kiev avait disparu et parce que les rapports de forces le permettaient.
Les protestations occidentales, au nom du droit à l’intégrité de l’Ukraine, se sont faites violentes, avant de s’effacer faute d’appuis dans la population russe de Crimée pour soutenir une nouvelle ingérence.
Une autre illustration d’importance est celle de la Yougoslavie dont l’implosion a été suscitée et appuyée par le recours de l’OTAN à la guerre. Certes le fédéralisme s’était dégradé avec la fin de l’expérience socialiste. Les inégalités de développement ont favorisé le « débarrasisme » de la part des plus riches et des plus « occidentalisés ».
Mais il est remarquable que la seule Serbie ait été considérée comme criminelle et que l’Allemagne et le Saint-Siège aient précipité leur reconnaissance de la Slovénie et de la Croatie indépendantes ! La légitimation des bombardements de l’OTAN et de l’assistance militaire et politique aux sécessionnistes était alors les « droits de l’Homme » : l’Humanitaire était à l’époque à la mode et son instrumentalisation était la règle ! Les diverses manipulations imposant l’émergence d’un État kosovar, sans la moindre préoccupation de respect de la légalité, devaient couronner ce démantèlement de la Yougoslavie.
L’impérialisme, après avoir détruit l’Irak, la Libye et la Syrie au nom du « sauvetage » des peuples concernés et de la « responsabilité de protéger », nouvelle mouture de « l’ingérence humanitaire » dévalorisée et inventée par les juristes occidentaux, s’interroge aujourd’hui sur l’opportunité de démanteler ces pays ou de préserver leur intégrité, par référence à des intérêts purement occidentaux.
La Syrie qui a échappé à l’impérialisme en raison de l’intervention russe à l’appel du gouvernement de Damas est menacée : une enclave kurde sous contrôle occidental serait « bienvenue » pour l’OTAN.
L’Irak, sous tutelle globale des Occidentaux, mais sous la menace d’une implosion, peut conserver, à condition de rester soumise, son intégrité, malgré les 93% de la populaire kurde irakienne en faveur de l’indépendance.
Quant à la Libye, les Occidentaux recherchent l’autorité adéquate pour répondre à leurs besoins (externalisation du contrôle des migrants et pétrole) ; à défaut, le dépeçage en plusieurs unités pourrait être une option !
4. Et la Catalogne ?
Toutes les forces conservatrices en Europe et les instances de l’Union Européenne, en mauvaise posture en raison de ses carences multiples (problème des « réfugiés », absence d’harmonisation sociale et fiscale, etc.) sont dans l’embarras. Vis-à-vis de la Catalogne, elles s’aligneront sur ce que décideront les milieux d’affaires (notamment les banques) et le gouvernement néoconservateur de Madrid.
Il en sera de même pour les autorités françaises et plus généralement des différents États membres : leurs médias se signalent déjà par leur mauvaise foi qui, par exemple, rappellent les phénomènes de corruption touchant certaines personnalités indépendantistes comme s’il s’agissait d’une spécificité catalane, alors qu’il en est de même dans toutes les provinces espagnoles et même au sein du gouvernement madrilène (2) !
C’est l’Europe des affaires qui déterminera quelle est la solution la moins mauvaise vis-à-vis du mouvement sécessionniste catalan ou basque et de tous ceux qui se profilent en Italie du Nord (la Padanie), en Belgique (avec les Flamands), en Grande Bretagne (avec l’Ecosse et l’Irlande), en France (avec la Corse et la Bretagne).
Le complexe politico-affairiste qui exerce son hégémonie est partagé entre d’une part l’intérêt que représente pour lui le morcellement politique et d’autre part l’apparition de nouveaux obstacles à une « bonne » gouvernance de l’Europe des affaires.
La fragmentation des pays d’Europe de l’Est avait été jugée « rentable » (Yougoslavie, Tchécoslovaquie, etc.) ; elle est source de préoccupation pour l’Europe de l’Ouest beaucoup plus économiquement et financièrement « intégrée ». Ce « complexe » politico-affairiste, qui prétend être respectueux de la démocratie et de la légalité s’interroge sur le risque d’une « gauchisation » du mouvement sécessionniste catalan, stimulée par la brutalité de Madrid et du parti « Populaire » néoconservateur au pouvoir venant éventuellement renforcer les forces émergentes dans les autres pays européens : Podemos, les Insoumis, le parti travailliste de J. Corbyn, s’ajoutant aux divers partis communistes.
Faut-il que Madrid négocie (au risque de trop reculer) ou faut-il réprimer (au risque de renforcer les forces contestataires) ?
Quant aux questions juridiques, certains pseudo-experts soulignent l’illégalité du mouvement catalan, comme d’autres hier en France arguaient que les « départements » algériens, c’était la France et qu’elle était « une et indivisible » !
Ils osent invoquer la Constitution de 1978, inspirée d’un néo-franquisme, « replié » sur un État centraliste, n’ayant cédé que sur des « autonomies » provinciales limitées malgré des revendications populaires très vivantes. Cette Constitution est dotée de dispositions permettant en représailles de placer la Catalogne sous contrôle direct et total du gouvernement central.
Ces mêmes « experts » invités sur les diverses chaînes radio et télé (3) n’ont pas un mot pour la répression frappant des personnalités catalanes, des fonctionnaires, accusés, notamment, de « sédition » passible de 15 ans de prison !
Les leaders des organisations qui ont été favorables au référendum sont aussi menacés. Le refus de tout dialogue depuis de nombreuses années est passé sous silence, y compris de la part du Parti « Socialiste » espagnol particulièrement droitier, conformément à cette approche « courtermiste » qui néglige les racines des problèmes qui surviennent ! Pas un mot non plus sur un Roi dont la fonction constitutionnelle est d’être un arbitre, alors qu’il est ouvertement acquis à la seule répression.
Les juristes de cour n’ont guère manifesté de réprobation à l’égard du scandale juridique que représente la naissance du Kosovo, par exemple ! Ils n’invoquent le droit international que lorsqu’il offre des solutions politiquement favorables aux intérêts qu’ils représentent !
Dans le cas de la Catalogne, ils « oublient » d’évoquer la contradiction (déjà survenue dans de nombreux cas) entre le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes (inscrit dans la Charte des Nations Unies, qui ne semble avoir aucune valeur contraignante pour eux) et le principe de l’intégrité territoriale des États (dont ils ne tiennent pas compte pour la Syrie ou pour la Libye), sans parler hier de la Tchétchènie dont ils soutenaient la révolte contre Moscou !
Ces « juristes » ignorent les analyses du professeur Chaumont qui fut de son temps responsable de l’Académie de La Haye de droit international et qui eut la qualité exceptionnelle dans le milieu du droit d’être progressiste, limitant la part du droit dans la marche des sociétés parce qu’il est indissociable des faits à l’origine précisément des normes et de leur mise en œuvre concrète. Selon le professeur Chaumont, et il a raison, pour que le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes s’applique, il faut que le peuple « témoigne de lui-même », c’est-à-dire qu’il en paie le prix par sa mobilisation de masse et parfois par le martyr accepté, comme ce fut le cas pour le peuple algérien face à l’armée coloniale française.
Le mouvement catalan peut se fonder sur le droit des peuples, contre l’intégrité du territoire espagnol, à condition de « témoigner » toujours davantage de lui-même. Le premier principe l’emportera alors sur l’autre et les juristes, démunis, ne pourront que constater. Il a besoin de plus d’unité, de plus d’intensité dans son mouvement qu’il développe avec persévérance, y compris d’accepter des sacrifices, même s’il est compréhensible de vouloir éviter de provoquer une situation insurrectionnelle face à des néo-franquistes sans scrupules.
La proclamation d’une République catalane indépendante est un nouveau pas ; la suspension temporaire de ses effets pour permettre un dialogue jusque-là refusé est un recul.
Les médiateurs ne se bousculent pas. Certes la Commission Européenne est déjà intervenue, à propos des droits des Roms, en vertu de l’article 11 du Traité sur l’Union, auprès des autorités hongroises, polonaises et françaises, mais il ne s’agissait que de calmer une répression contre une petite minorité. Mais, dans le cas de la Catalogne, la peur d’une contagion dans différents Etats-membres l’emporte et la Charte des Nations Unies n’a absolument aucune portée sur l’Europe et les forces qui la dominent.
Les partis progressistes dans pays voisins sont dans l’embarras : ils semblent se limiter à manifester leur préférence « raisonnable » pour la négociation et leur compassion pour les victimes de la répression des autorités espagnoles.
En définitive, on assiste à un conflit qui est avant tout le fruit de l’économicisme délirant, qui l’emporte sur tout, au sein des grands groupes économiques et financiers et des carences magistrales de la médiocratie au pouvoir dans les États membres de l’Union Européenne, à Madrid comme ailleurs ainsi qu’à Bruxelles !
Le « système » ne veut pas payer le prix de sa logique de fonctionnement : pérennisation du profit au mépris (affiché) des populations qu’il s’agisse des travailleurs européens, des Kurdes d’Irak ou de Turquie, des Syriens ou des Libyens, victimes des Islamistes que les États-Unis ont cru pouvoir instrumentaliser, où qu’il s’agisse des aspirations catalanes, négligées par le régime espagnol.
Il « oublie » le fait que l’Union Européenne a valorisé en d’autres circonstances le régionalisme au sein des États membres, avec la plus parfaite inconséquence !
La véritable question soulevée par la question catalane est celle posée par un système économique, privé de tout esprit de négociation, quel que soit le problème en cause, dont la logique conduit à des situations de plus en plus inextricables, coûteuses pour le plus grand nombre : jusqu’où peut-il aller, profitant d’ une lucidité populaire encore limitée, dans le processus de plus en plus chaotique et violent, qui n’est rentable que pour une très petite minorité ultra-privilégiée en Espagne comme dans toute l’Europe et dans le monde ?
Une fois de plus, l’absence d’une grande force politique rassembleuse, compétente et capable de se saisir des possibilités réelles (la coalition catalane est politiquement hétéroclite) (4) risque de laisser les milieux d’affaires décider, en définitive, de l’avenir immédiat d’une Catalogne, sans pour autant répondre à la question posée par la grande masse des Catalans !
Le 15 octobre 2017
Robert CHARVIN
Notes:
1) Voir M. Parenti. Le visage de l’impérialisme. Éditions Delga. 2015.
2) Certains vont jusqu’à s’indigner du contrôle que les nationalistes catalans exercent sur leur télévision locale où les « anti-indépendantistes sont toujours minoritaires » (sic), comme s’il s’agissait d’un cas unique en Espagne ou en Europe !
3) On a pu entendre sur certaines chaînes de télévision que la Russie serait pour quelque chose dans le mouvement catalan
4 ) Podemos semble très embarrassée et le Parti « Socialiste » n’est plus, comme dans la plupart des pays européens, qu’un parti droitier, jouant plus que jamais un rôle d’appoint aux forces les plus conservatrices.
Source : Robert Charvin, 15-10-2017