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Mobilisation contre la crise en Espagne
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Un mouvement social né sur Internet en dehors des syndicats fait irruption en pleine campagne électorale
Des milliers de personnes se sont rassemblées dans une cinquantaine de villes espagnoles dimanche 15 mai pour réclamer une " vraie démocratie " . L'ampleur du mouvement social né sur Internet sans soutien politique ou syndical a surpris en Espagne. Après la dissolution du cortège, des manifestants avaient monté un campement en plein centre de Madrid où ils espéraient pouvoir rester jusqu'aux élections municipales et régionales du 22 mai. Les campeurs étaient environ deux cents mardi à l'aube lorsque la police les a finalement délogés.
Etudiants, chômeurs de longues durée, familles ayant du mal à rembourser leurs prêts immobiliers mais aussi célèbres blogueurs et même chefs d'entreprise : ils étaient entre 25 000 selon la police et plus de 60 000 selon les organisateurs à défiler dimanche en fin de journée dans le centre de Madrid sous le mot d'ordre : " Nous ne sommes pas des marchandises aux mains des politiques et des banquiers. " Après plus d'une décennie de forte croissance, la situation économique de l'Espagne s'est profondément dégradée depuis 2008. Le taux de chômage dépasse aujourd'hui 21 % de la population active. " Après cette manifestation, on ne pourra plus dire que les Espagnols sont passifs face à la crise " , se réjouissait dimanche soir à Madrid Clara Marañon, 18 ans, étudiante en philologie hispanique et membre du mouvement Jeunesse sans futur. Né début avril dans les universités autour du slogan " Sans travail. Sans boulot. Sans retraite. Sans peur " , ce collectif cristallise le ras-le-bol d'une jeunesse qui ne s'était pas encore mobilisée malgré un taux de chômage touchant 45,3 % des moins de 25 ans.
Comme Jeunesse sans futur, plus de 400 associations et des milliers de citoyens indépendants ont rejoint la plateforme Une vraie démocratie maintenant, qui organisait la manifestation de dimanche. Créée par des internautes il y a trois mois, elle vise à coordonner les efforts pacifiques de " mobilisation citoyenne ".
" Nous canalisons l'indigna tion " , précisait son porte-parole, Jon Aguirre Such, au lendemain de la manifestation. Lundi, le campement improvisé d'une centaine de jeunes manifestants sur la place de la Puerta del Sol, dans le coeur historique de Madrid, était l'un des sujets les plus discutés sur le réseau social Twitter.
La journée de grève générale organisée par les syndicats en septembre 2010, la première depuis le début de la crise, n'a pas eu de grandes répercussions. Les deux principales centrales, Commissions ouvrières (CC.OO) et l'UGT, ont une longue pratique de coopération avec le gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero, au pouvoir depuis 2004.
Leurs relations s'étaient tendues après l'adoption, en mai 2010, d'un plan d'austérité qui comportait notamment le gel des retraites et une baisse du salaire des fonctionnaires. Mais le gouvernement, les syndicats et l'organisation patronale CEOE ont finalement repris les négociations cet hiver et se sont notamment accordés sur une réforme impopulaire des retraites, prévoyant de porter l'âge du départ de 65 ans à 67 ans dès 2013.
" La société espagnole a attendu, peut-être trop patiemment, que les syndicats fassent leur travail " , remarque Jon Aguirre Such. " Mais en signant le pacte social, ils ont hypothéqué le futur de millions d'Espagnols. Nous les considérons autant responsables de la situation actuelle que les politiques. "
Pour Fernando Vallespin, politologue et professeur à l'Université autonome de Madrid, les manifestations de dimanche " témoignent de la grande méfiance que suscite la classe politique " . Les enquêtes récentes du Centre espagnol d'investigation sociologiques (organisme public) placent les responsables politiques au troisième rang des plus grands sujets d'inquiétudes des Espagnols, derrière le chômage et l'économie.
" Les Espagnols s'intéressent d'ordinaire peu à la politique, même s'ils ont toujours été très réactifs lorsqu'il s'agit de se mobiliser pour défendre des acquis sociaux , poursuit Fernando Vallespin. La nouveauté de ce mouvement réside dans le fait qu'il s'érige contre le système en général et non pas contre une réforme concrète. Et comme lors du "printemps arabe", ce sont les jeunes qui l'ont fait naître sur les réseaux sociaux. "
Le numéro deux du Parti socialiste au pouvoir, José Blanco, a assuré au lendemain des manifestations comprendre que de nombreux citoyens soient " indignés à cause de la crise " . Il les a toutefois appelés à participer aux élections du 22 mai alors que des mots d'ordre abstentionnistes figuraient en bonne place lors des cortèges. Le porte-parole du Parti populaire (PP, droite), Esteban Gonzalez Pons, a quant à lui affirmé que " le vote en faveur du PP, c'est un vote de protestation " .
M. Zapatero avait choisi d'annoncer dès fin avril qu'il ne briguerait pas un troisième mandat en 2012 pour limiter l'effet d'un vote sanction. Les derniers sondages prédisent un lourd revers pour les socialistes le 22 mai. Ils pourraient perdre plusieurs fiefs historiques comme les gouvernements régionaux d'Estrémadure et de Castille-La Manche et les mairies de Séville et de Barcelone. - (Intérim.)