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Macron est un "plouto-populiste"
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
La proximité entre Trump et Macron affichée lors de l'invitation pour le défilé du 14 juillet est finalement moins surprenante qu'il n'y paraît.
L'expression anglaise "pluto-populist" a été créee par Martin Wolf du Financial Times pour évoquer les politiques de Donald Trump aux États-Unis. Ces politiques ne divergent pas fondamentalement de celles de Reagan. En effet, si l'on laisse de côté la rhétorique vulgaire, sexiste, xénophobe, raciste et vantarde du président des États-Unis, l'analyse montre une grande continuité avec les politiques réactionnaires de Reagan ou de George W Bush.
Martin Wolf qui bien évidemment n'est pas un gauchiste et qui écrit dans un journal qui est l'une des références du monde de la finance a donc gratté la surface des déclarations de l'animateur de télé-réalité qui joue à être président et a retrouvé l'essentiel de politiques probablement décidées sans que Trump les comprenne bien toutes.
Noam Chomsky, qui défend des idées souvent fort différentes du spécialiste de la finance reprend l'expression de Martin Wolf et sa définition du "plouto-populisme" : "des politiques qui bénéficient aux ploutocrates justifiées par une rhétorique populiste". Il faut savoir qu'en anglais le terme "populist" n'a pas forcément les connotations négatives courantes en français. Il est souvent revendiqué par des gens de gauche que l'on pourrait appeler social-démocrates en France.
Wolf et Chomsky s'accordent sur le fait que la rhétorique de Trump visant à faire croire qu'il allait lutter contre la marginalisation des classes défavorisées (blanches uniquement dans le cas de Trump) ne correspond en rien à ses politiques, ce que nous savons fort bien maintenant.
A priori on pourrait penser que Macron n'a rien à voir avec le "plouto-populisme" et qu'au contraire il est l'anti-thèse de Trump puisqu'il a été élu en grande partie par peur de la xénophobe populiste d'extrême droite, Le Pen. Sa rhétorique est plus policée que celle de Trump et n'est pas sexiste ou raciste. Néanmoins sa remarque sur le bateau qui transporte "du Comorien" montre qu'il n'est pas, si j'ose dire, étranger à la xénophobie. Ses remarques vulgaires sur les "fainéants" ou "ceux qui foutent le bordel" indiquent à la fois son ancrage à droite et une forme de mépris social qui cadrent bien avec le "plouto-populisme".
Les politiques de Macron sur l'impôt favorisent elles aussi les ploutocrates ou tout simplement les riches et surtout les plus riches parmi les riches. Comme Trump il essaie de faire croire que ses politiques favoriseront les gens ordinaires, la classe moyenne ou les pauvres. Diverses mesurettes en donnent l'impression mais la suppression des emplois aidés jumelée aux cadeaux fiscaux de la suppression de l'impôt sur la fortune et de la flat-tax sur les revenus du capital est parlante. Macron aime les riches et les ploutocrates et punit les classes moyennes ou défavorisées dont pourtant une grande partie a voté pour lui par peur du populisme.
Le social-darwinisme est bien moins implanté en France qu'aux États-Unis et cela implique des efforts rhétoriques différents pour faire passer la pilule ploutocratique. Sur le plan rhétorique Macron est fort proche des époux Clinton, de Trudeau au Canada ou d'Obama, des néolibéraux qui n'ont pas lutté contre la ploutocratie mais, au contraire, l'ont rejointe grâce à leur passage au pouvoir. En politique étrangère, le discours de Macron est bien plus éclairé que celui de Trump et on s'accorde généralement à reconnaître à Macron une grande intelligence, ce qui est le cas d'Obama aussi et une grande culture. Les différences avec Trump sont donc indéniables. Mais il ne faut pas juste écouter les beaux parleurs, il faut aussi voir l'adéquation entre les mots et les choses, ici les politiques.
En anglais on appelle les beaux parleurs des sweet talkers, des démagogues qui savent caresser leur auditoire dans le sens du poil. Trump a choisi une rhétorique vulgaire et brutale, faussement anti-système pour faire triompher son "plouto-populisme". Macron a lui choisi une rhétorique plus habile, plus correcte sur le plan sociétal mais retorse ; le fameux "et en même temps" est le meilleur signe de sa duplicité discursive. Il a charmé les classes moyennes par son intelligence et a su tirer le meilleur profit du rejet, fort compréhensible, que suscitait son opposante du 2e tour.
Trump a l'intelligence du bateleur mais n'est pas un politique, il éructe et vocifère mais laisse faire les ultra-réactionnaires qui déterminent sa politique. Macron au contraire est un control freak qui se prend pour Jupiter, il décide seul et comprend les enjeux de ses décisions. La France n'a pas avancé aussi loin dans la voie social-darwiniste et a un système social plus juste ; Macron n'est pas aussi catastrophique que Trump sur l'environnement, c'est une évidence.
Cependant en dépit des différences, en France comme aux États-Unis, le "plouto-populisme" triomphe avec des accents et des inflexions différentes mais des effets d'injustice sociale qui se ressemblent. La proximité entre Trump et Macron affichée lors de l'invitation pour le défilé du 14 juillet est finalement moins surprenante qu'il n'y paraît. La ploutocratie peut se vendre dans divers vocabulaires.