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Catalogne - Le vice-président et 8 membres du Govern jetés au cachot
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
http://npaherault.blogspot.fr/2017/10/catalunya-etat-des-lieux-avant-coup.html
Lire ci-dessous Le point de vue du NPA 34
(nous informerons demain vendredi sur les réactions et mobilisations suscitées par les événements de cette journée)
Le vice-président de la Généralité et 8 membres du Govern sont jetés au cachot !
Les membres du Govern, et à droite, le vice-président de la Généralité, à leur arrivée autribunal
La juge de l'Audiencia Nacional, en charge de l'instruction des plaintes portées par les réquisitions de l'homme du gouvernement de Madrid, le Procureur Général de l'Etat, précise dans le document qu'elle a rédigé suite à l'audition (de 5 minutes) des mis-es en accusation, lesquel-les ont refusé de répondre à ses questions, que ceux/celles-ci encourent des peines pouvant aller jusqu'à 50 ans d'emprisonnement (25 pour rébellion, 15 pour sédition et 8, voire 10, pour détournements de fonds). C'est évidemment l'accusation explicite d'avoir proclamé l'indépendance de la Catalogne qui fonde les décisions de mise en examen et d'emprisonnement immédiat. L'un des accusés, le "ministre" de l'Economie et de la Connaissance, qui, arrivé seul au tribunal avec son avocat, a, lui, accepté de répondre aux questions et est mis en examen comme les autres, est cependant laissé en liberté sous caution de 50 000 euros car il est crédité par la juge d'avoir démissionné de son poste la veille du vote d'indépendance pour marquer son désaccord.
On relèvera dans ces attendus les lignes suivantes : "tous les mis en examen ont sollicité, pour mettre en oeuvre le dessein sécessioniste qui était au coeur de leur action, la population en encourageant des actes d'insurrection publique, de désobéissance et de résistance collective à l'autorité légitime de l'Etat". L'un des membres du Govern est particulièrement cité pour avoir encouragé la participation à la grève du 2 octobre, qui a suivi le référendum, en annonçant que ledit Govern l'appuyait et qu'il n'opèrerait aucune retenue de salaires à ceux/celles des fonctionnaires de l'Autonomie qui ne se rendraient pas à leur travail. Il est reproché aussi au "ministre de l'intérieur" du Govern d'avoir argué, auprès des autorités de Madrid inquiètes de possibles affrontements entre la police catalane et la police espagnole, que "s'il y avait de la bonne volonté et si la nouvelle réalité politique était acceptée, il n'y aurait pas de "collision" entre policiers". Il est imputé à la plupart des membres du Govern incriminé-es d'appartenir à l'une des deux associations de la société civile catalane que sont l'Assemblée Nationale Catalane (ANC) et l'Omnium Culturel dont les deux dirigeants sont déjà emprisonnés.
La police catalane, les Mossos d'Esquadra, est particlièrement dans le collimateur de la juge pour n'avoir pas exécuté la décision de justice d'empêcher, aux côtés de la Garde Civile, la tenue du référendum du 1er octobre et, pour, dans quelques cas, s'être affrontée à celle-ci ou encore pour avoir espionné ses agents et ainsi averti les occupants de certains bureaux de vote des mouvements policiers pouvant les concerner.Lire ici
Le Procureur a demandé qu'un ordre européen de détention soit lancé à l'encontre de Carles Puigdemont et des quatre membres du Govern qui se sont réfugiés à Bruxelles et n'ont donc pas répondu à l'ordre de comparaître devant la juge aujourd'hui.
La présidente du Parlament, Carme Forcadell, et les 5 membres du Bureau de cette institution, appelé-es à comparaître aujourd'hui devant le Tribunal Suprême, sont renvoyé-es à comparaître, sur sollicitation de leurs avocats, jeudi prochain et, dans l'attente, sont placé-es sous contrôle policier. Lire ici
Le point de vue du NPA 34
Un cran de plus dans la répression de la mobilisation catalane, un avertissement pour les peuples d'Europe
La décision d'incarcérer des dirigeants du gouvernement catalan, prise par la juge qui a procédé à leur audition dans le cadre de leur inculpation pour rébellion, sédition et prévarication, doit permettre, par-delà la légitime émotion suscitée, de saisir pleinement la nature du conflit qui est en cours en Catalogne : le gouvernement de Madrid, par la voix de son Procureur qui a requis ces emprisonnements préventifs dans le cadre des poursuites qu'il sollicite contre ces personnalités, est décidé à aller jusqu'au bout de la judiciarisation de ce qui relève pourtant, de toute évidence, du politique.
Dit autrement, sans étonnement, l'Etat espagnol, avec la pleine caution des autres Etats membres de l'UE, déploie sa politique de guerre contre les populations, en actionnant à fond tous ses ressorts répressifs : aujourd'hui c'est la justice qui frappe durement comme le 1er octobre la police avait brutalisé ceux et celles qui avaient décidé de voter malgré les interdictions édictées. On ne peut pas mieux illustrer le basculement toujours plus grand de la politique bourgeoise espagnole vers une violence exponentielle contreses opposant-es. Dans l'affaire catalane, c'est le coeur du politique revendiqué par l'Europe autoproclamée héritière des Lumières, la démocratie, qui est fracturé : le corps social vient de recevoir le signal que les mécanismes institutionnels habituels, a priori amortisseurs et désactivateurs des conflits au profit de la reconduction de l'ordre établi, tels qu'un gouvernement (le Govern) ou un parlement (le Parlament), deviennent des ennemis, littéralement à abattre, du centre de commandement étatique du capital (la monarchie et le gouvernement de Madrid). La leçon devrait être méditée par tous/toutes les légalistes de gauche : un acte de désobéissance avéré, certes majeur, comme la mise en route d'un processus d'autodétermination débouchant sur la proclamation d'une république catalane indépendante, se trouve d'emblée nié dans ce qui le rattache àl'espace même du politique, de la délibération démocratique classique où, encouranttout au plus une condamnation...politique, il obligerait à continuer la politique par des négociations. Il est immédiatement désigné, au nom d'une conception de la démocratie en fait foncièrement adémocratique, comme un acte pénalement sanctionnable, c'est-à-dire non reconnu comme participant, malgré tout, de l'ordre démocratique !
Il est en effet hautement révélateur que, sans attendre que soient prononcées des condamnations, en elles-mêmes illégitimes au regard de la démocratie conçue comme pouvoir du peuple, des élu-es soient embastillé-es des suites d'une décision portée parce qui est littéralement une chaîne de commandement politico-judiciairo-policier(-potentiellement militaire) activée depuis un hypercentre opérationnel. La démocratie de la séparation des pouvoirs, chère à Montesquieu, si souvent invoquée, à tort et à travers, par les libéraux en Europe, n'a pas (n'a plus ?) de mots qui la disent en espagnol, mais, comme nous allons le voir, cela remonte à plus loin qu'on ne le croit parfois...
La crise économique et sociale de 2008 impactant aussi le terrain politique (explosion indignée de 2011), a privé le régime établi en 1978 du consensus qui le fondait en légitimité. Une légitimité de circonstance, car il s'agissait d'un consensus forcé par le choix, opéré par le système en place, soit une dictature maîtrisant sa mutation politique,que certaines de ses composantes franquistes pilotent, en jouant du chantage au coup d'Etat d'une armée dictatoriale conservée intacte, l'avènement d'une démocratie immédiatement lestée d'une loi d'amnistie de tous les responsables, politiques, policierset militaires, d'avoir imposé 40 ans (sans compter les années de Guerre Civile) d'atteintes aux libertés, d'assassinats, de tortures et d'emprisonnements. Comment oublier en ces jours de putsch contre la Catalogne indépendante que, grâce, entre autres, à ceux et celles qui gouvernent aujourd'hui l'Etat espagnol en lâchant la meute contre la Généralité catalane, l'impunité des franquistes est toujours là tout comme le refus d'annuler les condamnations promulguées par les franquistes (la Catalogne étantla seule à avoir procédé à cette annulation. Lire ici !) ? Si l'on ajoute que, comme l'a révélé l'article 155, la Constitution démocratique conserve, en son sein, des "pépites"politiques de la dictature, ce qu'illustre magistralement le fait qu'un tribunal commel'Audiencia Nacional, instruisant le procès actuel des membres du Govern, soit l'héritierdirect du Tribunal d'Ordre Politique de ladite dictature (1), il devrait être ou, enfin, devenir évident qu'il n'est pas déplacé ou même qu'il est du devoir de souligner, qu'à travers le traitement infligé au mouvement national catalan, ce sont les limites "franquistes" de la démocratie espagnole qui enfin apparaissent au grand jour !
Mais loin que ces résidus structurels du franquisme charriés par l'Etat espagnol dessinent une spécificité ibérique "regrettable", il nous faut lire ce que le soutien unanime de l'Europe à Mariano Rajoy dit de l'état politique de celle-ci : le franquisme résiduel, mais si violemment efficient, comme nous le voyons en ce moment, contre les aspirations d'un peuple à s'autodéterminer, n'est, au fond, que l'expression la plus achevée de ce que tendanciellement ladite Europe s'échine à construire comme démocratie autoritaire : une démocratie se donnant à voir fière de sa matrice électivemais pour autant que les peuples continuent à s'inscrire dans les balises du respect du système capitaliste en vigueur. A défaut de quoi, c'est la matrice policière, toujours plus développée et sophistiquée, comme on le voit à l'oeuvre à travers le renforcement des législations antiterroristes où la France est en pointe, qui primera sur ce qu'on appelledésormais trop hâtivement les fondements intrinsèquement libéraux de la démocratie européenne.
De ce point de vue l'"Espagne" de Rajoy est très clairement le laboratoire où s'expérimentent les politiques policières de toute l'Europe. Et les prisons, dans lesquelles sont reclus-es, depuis aujourd'hui, des représentant-es élu-es, du peuple catalan, sont la métaphore grimaçante de la menace que fait peser une conception ultrapolicière de la démocratie sur l'ensemble des populations de l'Union Européenne (et évidemment de celles qui, migrantes, s'avisent de venir y chercher une hospitalité, au demeurantlargement illusoire, d'autres temps) !
Nous avons par là, quoi que l'on pense de l'indépendance de leur nation qu'ils/elles ont proclamé, toutes les raisons d'envisager que réclamer la liberté des prisonnièr-es politiques catalan-es a profondément à voir avec la défense, ici et maintenant, hors de l'Etat espagnol aussi, de nos libertés, de l'ensemble de nos droits démocratiques, mais aussi sociaux, déjà bien mis à mal mais qu'une extension, à l'échelle du continent, du "modèle espagnol" de répression anticatalane, actuellement intégralement appuyé par l'UE, mènerait à une régression infernale !
La question catalane doit être considérée comme une question avant tout démocratique d'importance capitale, irréductible au seul processus d'indépendance que certain-es cependant, dont nous sommes, jugent légitime en tant qu'expression du droit d'autodétermination des peuples.
(1) "Sans le Tribunal d'Ordre Public de triste mémoire, l'Audiencia Nacional n'existeraitpas. [...] La Audiencia Nacional est, d'une certaine façon,un prolongement, dans la démocratie, de l'ombre de l'Administration de Justice de la Dictature. Elle est une institution qui devrait disparaître avec la réforme de la Constitution.[…] Il convient qu'on ne perde pas de vue, au moment où nous nous trouvons, à la veille que puisse être activé l'article 155 CE, une telle circonstance. Il y a, dans l'Audiencia Nacional, comme dans aucune autre institution, une fusion de la préconstitutionnalité [le franquisme] et de la constitutionnalité [la démocratie instaurée par référendum constitutionnel en 1978]. C'est l'organe le moins propre de tous ceux qui composent le pouvoir judiciaire, le plus contaminé par l'héritage du général Franco. On ne peut donc pas perdre de vue, particulièrement dans le climat que peut générer l'imposition [par le 155] de la "contrainte fédérale" qu'une certaine préconstitutionnalité puisse finir par se glisser en contrebande dans le fonctionnement de notre démocratie " (Javier Pérez Royo, professeur de droit constitutionnel de l'Université de Séville, 17 octobre, lire ici)
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Ce jeudi 2 novembre, le parquet de Madrid requiert la prison pour le vice-président Oriol Junqueras 7 ministres catalans. Carles Puigdemont et quatre autre ministres ont refusé de comparaître. Ils sont sous le coup d’un mandat d’arrêt européen.
Madrid accentue la répression
Ce jeudi s’ouvrait le procès pour « détournement de fonds, sédition et rébellion » des principaux dirigeants de la Catalogne. Carles Puigdemont, Oriol Junqueras et l’ensemble des ministres destitués par Madrid risquent entre 15 et 30 ans de prison. Si le président de la Catalogne et 4 autres ministres ne se sont pas rendus au tribunal, 8 ministres et le vice-président Junqueras ont quant à eux affrontés le parquet. Pour 7 d’entre eux, ce dernier requiert la prison. Le 8ème, qui a démissionné avant la déclaration unilatérale d’indépendance, est libéré sous caution (50 000€).
Le procureur général a ainsi accusé les dirigeants catalans d’avoir encouragé un « mouvement d’insurrection actif ». Un terme extrêmement fort quand on sait que la Généralitat n’a eu de cesse de retarder la proclamation de l’indépendance suite au référendum du 1er octobre, et que Puigdemont lui-même a annoncé depuis Bruxelles mardi dernier sa décision de « ralentir » le processus d’instauration de la République Catalane.
En droit européen, il y a un principe de reconnaissance mutuelle du droit pénal dans les différents pays. Soit Carles Puigdemont accepte son extradition et sa remise devrait intervenir dans les dix jours. Soit il refuse son extradition et, là, il y a un délai de 60 jours dans lequel les autorités belges doivent remettre Carles Puigdemont aux autorités espagnoles
Maxime Chomé, avocat pénaliste
Mais l’État central ne s’est pas arrêté en si bon chemin. En effet, l’annonce d’un mandat d’arrêt européen à l’encontre de Carles Puigdemont et de ses ministres réfugiés en Belgique a été rendu public. Un recours qui n’a rien d’étonnant au vu de la virulence affichée par Madrid. Par ailleurs, les auditions des parlementaires catalans, dont Carme Forcadell, présidente du parlement catalan, ont été reportées. Qu’on se le dise, Madrid et Rajoy accentuent un peu plus la répression dans le cadre du processus d’auto-détermination du peuple catalan, à coup d’article 155 et de poursuite judiciaire, avec en ligne de mire les élections illégitimes du 21 décembre prochain.
Combattre le coup d’état institutionnel madrilène devient vital pour les classes populaires catalanes
Paradoxalement, les attaques de Rajoy contre les dirigeants catalans mettent en exergue les trahisons de Puigdemont, ses ministres et de la Généralitat par rapport au processus d’indépendance de la Catalogne. En effet, les hésitations, multiples reports et aujourd’hui « ralentissement » de l’affirmation de la République catalane apparaît de plus en plus comme une politique de capitulation sur toute la ligne. Il est en effet évident que cette ligne ne peut servir que la monarchie et le régime post-franquiste de 1978.
Du côté de la gauche radicale, Podemos n’est pas en reste dans le soutien de Rajoy, avec un Iglesias qui a muselé la section catalane du parti et qui affirme sa position « d’unité de l’Espagne ». La CUP, quant à elle, n’offre aucune alternative politique et a accepté sans discussion de participer aux élections illégitimes du 21 décembre, qui vise à effacer des tablettes le référendum du 1er octobre tandis que la Catalogne est sous tutelle de Madrid, avec des médias (entre autres) sous le contrôle direct du gouvernement Rajoy.
Un plan de bataille d’auto-défense de la République apparaît chaque jour, chaque heure peut être, de plus en plus vital. Les classes dirigeantes catalanes ont d’ores et déjà fait la preuve de leur incapacité à satisfaire les aspirations d’auto-détermination exprimées par le peuple catalan. C’est dans la grève générale du 3 octobre, que se situe l’alternative à même non seulement de mener le processus jusqu’au bout, mais aussi d’élargir aux questions sociales, économique et politique brûlantes. Ce qui semble plus clair que jamais, c’est que seule une République catalane libre et socialiste, prônant un programme contre le chômage de masse et la précarité, capable d’œuvrer à une unité avec la classe ouvrière du reste de l’État espagnol et s’affrontant directement avec l’État central monarchiste post-franquiste, peut réellement être une issue progressiste dans la situation.