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Notes pour la Catalogne
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
L’odieux renversement de la charge de la preuve
Ada Calau, l’indignée de service
Le nœud de la question sociale
Leur « démocratie » et la nôtre
De zélés journalistes ou hommes de lettres se chargent alors de salir ce mouvement qui se dresse contre la Monarchie, pendant que les « indignés » d’hier essaie de trouver le bouton qui désamorcerait la République catalane.
Ne leur en déplaise, ce 8 novembre, les travailleurs, les paysans et la population ont réaffirmé dans la grève et dans les rues des villes catalanes leur volonté politique 1: la liberté, la libération immédiate et définitive de tous les prisonniers politiques catalans, la république en Catalogne.2
En Catalogne, la VRAIE république est en marche !
Valls, le catalan de service
Malheureusement, on ne peut ici faire comme si Valls n’existait pas. Il vient de se découvrir catalan …. Dans le même temps, le voici, prêt à se mettre à la disposition du Roi Felipe VI pour que la Catalogne demeure une province vassalisée du Royaume hérité de Franco. Est-il besoin d’en dire davantage sur l’homme du 49-3, l’homme qui condamnait les « 5 d’Air France » avant qu’ils ne soient jugé, l’homme qui en amalgamant l’antisionisme à l’antisémitisme fait le bonheur des antisémites de tout poil et ainsi de suite.
L’odieux renversement de la charge de la preuve
Dans le même temps, nous assistons à l’étrange phénomène du renversement de la charge de la preuve, dont la lecture de Libération ou l’émission d’Yves Calvi nous donnent un aperçu saisissant.
Les auteurs du Coup d’Etat en cours ne seraient autres que les « indépendantistes », des fascistes catalans seraient à l’œuvre dans cette vaste conspiration contre la démocratie espagnole, les indépendantistes seraient « suprématistes » 3 et défendraient les riches catalans contre les pauvres andalous. Evidemment, cette propagande de plus en plus ressemblante avec celle de la guerre de 1914 a ses limites. Elle ne peut convaincre ceux qui connaissent peu ou prou l’histoire récente de la péninsule ibérique.
Ada Calau, l’indignée de service
Il y a beaucoup plus subtil et dans ce registre, Ada Calau, maire « indignée » de Barcelone excelle, avec son ami Pablo Iglesias, le frère politique le plus futé de Mélenchon. Elle pense avoir trouvé le moyen de « transcender » la question Catalane, en lui opposant…La question sociale 4. Laquelle se résume à une autre répartition du budget. Or, bien souvent, les « autres répartitions d’un même budget » consistent charitablement à déshabiller Pierre pour habiller Paul. Et, bien souvent, les « subtils » sont ceux qui cherchent à subtiliser.
Ici, la question sociale est la peau de chagrin que l’on agite pour faire diversion. Chacun comprend que la question sociale ne peut trouver de début de solution dans le cadre de cette monarchie dont la « fonction sociale », qu’elle « assume » est celle que lui a « confié » le Capital financier espagnol, catalan et européen, à savoir : comme en France, la « réforme permanente » pour en finir avec les droits et garanties collectives des travailleurs et de la population en difficulté du fait de la crise.
Le nœud de la question sociale
Elle est très inquiète du tour pris par la répression car chaque mesure répressive décuple la ferveur séparatiste et donne un coup de fouet à la révolution qui se cherche .
Au cours des dernières années, les travailleurs catalans ont appris que la crise sociale n’est pas soluble dans le cadre de la Monarchie, ils ont appris que la seule « réforme » possible de la monarchie, c’est son abolition. Ils ne l’ont pas appris dans les discours, les séminaires et les grands livres de l’indignation mais à l’école de la vie. C’est dans cette école de lutte que les ouvriers, les jeunes, les paysans prennent conscience des problèmes posés par cette crise sociale qui ravale le salarié au rang de chômeur où d’esclave précarisé. Les bourgeois qui sont « catalanistes » quand la mer est calme retrouvent bien vite leur « hispanité » lorsque souffle le vent de la tempête.
Contrairement aux dires de ceux qui comptent les points, Puigdémont n’a rien mené, il a été mené bien au-delà de ce qu’il voulait par des millions de femmes et d’hommes qui veulent rompre avec la Monarchie.
D’où la montée en première ligne de Colau-Iglesias. Ces deux-là démontrent qu’il n’y a pire politiciens que ceux qui jurent vouloir faire de la politique autrement. Il n’est pire politiciens que ceux qui n’ont que le Changement à la bouche.
Quitte à rompre avec la branche catalane de leur parti Podemos, toute cette gauche indignée cherche à former une coalition allant d’un parti « catalaniste » au PS Catalan. Ce parti qui, il y a quelques jours manifestait avec les vrais fascistes, ceux qui exécutent le salut nazi, et ces bonnes âmes qui criaient « Puigdémont en prison ».
« Nous avons déjà voté »
Ils parlent « élections », pataugeant dans la politique politicienne panachée mais sans panache.
Les centaines et centaines de milliers de catalans qui ont pu mettre leur bulletin dans une urne le 1er octobre en forçant le barrage des corps répressifs ont déjà voté. Ils font la différence entre un référendum où l’on a voté pour décider et une élection sous la contrainte où l’on va voter pour des coalitions de partis décident à leur place, dans un carcan budgétaire et sous le joug de la Monarchie.
Leur « démocratie » et la nôtre
C’est dire que le fameux « coup de maître » de Rajoy ne marche que si ses « opposants » assermentés sont « dans le coup » et « jouent le jeu ».
Tous ceux qui disent que le résultat du référendum du 1er octobre n’étaient pas crédibles, du fait des 57% de non-votants, déclarent crédibles une élection sous tutelle renforcée, avec des candidats potentiels sous les verrous !
Le Monde, pour ne citer que ce quotidien, est beaucoup moins sourcilleux lorsque l’assemblée nationale française est installée, en passant outre les 61% de non votants et quand 70% des députés représentent 18% des électeurs.
Rappelons à toutes fins utiles que des centaines de milliers de catalans ont voté dans la rue, ce 1 er octobre, faute de pouvoir accéder aux urnes
La Catalogne en danger ?
Si l’on s’en tient à l’apparence du jour, la Catalogne est en danger. Mais si on creuse un peu, nous réalisons que la Monarchie court des dangers plus grands. Bien entendu, nous ne pavoisons pas. La répression a pris un tour inquiétant et la campagne anti-catalaniste, tout autant. Mais, elle est une démonstration de faiblesse d’un régime et d’un gouvernement chancelants, qui ne peuvent pas reculer sous peine d’exploser. En poussant la répression toujours plus loin avive sans cesse la flamme et la ferveur révolutionnaire des masses. Le vieux principe « Qui sème le vent récolte la tempête » trouve ici sa pleine application.
La ligne de partage des eaux
En pointant la « question sociale », Calau-Iglesias semblent avoir trouvé le talon d’Achille de la République catalane en formation. Là encore, c’est l’inverse : la « solution monarchiste à la question sociale » est à la racine de la poussée séparatiste et ceux qui, à l’instar de Calau-Iglesias, refusent de s’affranchir du cadre de la Constitution monarchiste de 1978 se placent dans l’incapacité théorique et pratique de « porter » la question sociale.
Qu’il s’agisse de la Question sociale ou de la Question démocratique, la ligne de partage des eaux est tracée par le référendum du 1 er octobre et la DUI du 27 octobre. Des procéduriers extrêmement gauche pérorent « la DUI5 n’est pas une issue »6 en lui opposant un combat abstrait pour la réalisation de leur programme. Ceux-là s’excluent eux-mêmes du mouvement pratique engagé par les masses catalanes à partir de ce qui est, de ce qu’elles vivent et non d’une projection de « ce qui devrait être ». Avec une rhétorique différente, ils se retrouvent dans la même impasse politique que Lutte ouvrière. Les événements leur passent sur le corps. Rien de bien grave, ils ne sentent rien car voilà bien longtemps qu’ils sont fossilisés.
CATALOGNE –FRANCE – EUROPE
L’Union Européenne, cette caverne des brigands financiers mais aussi le Royaume-Uni et les USA refusent de reconnaître la république catalane.
En effet, la république catalane prend l’exact contre-pied de l’Europe des « territoires » et des « autonomies » régies par le principe de subsidiarité. Selon ce principe, les Etats ou l’Union européenne délègue des pouvoirs subsidiaires aux « territoires » tout comme les seigneurs féodaux déléguaient certains pouvoirs à leurs vassaux.
Là n’est pas encore l’essentiel : un peuple qui « désobéit » et qui se constitue par lui-même en nation sous le drapeau de la république démocratique n’acceptera plus aucun diktat, aucun mémorandum d’aucune « troïka », aucun ultimatum à aucun créancier pour des dettes dont il n’est pas responsables, aucun chantage à l’échelonnement de la dette en contreparties de réformes qui détruisent la vie sociale, aucun Traité dont « l’autorité » serait « supérieure à celle des lois » 7 comme le veut par exemple la Constitution française qui n’a de républicaine que le nom.
La brèche
La réalisation effective de la république catalane ouvrirait une brèche dans toute l’Europe avec la possibilité de générer le processus que nous appelons le processus de la révolution permanente, où l’on voit un mouvement « localisé » dont le point de départ est démocratique et « national » ( « national » ne voulant pas dire « nationaliste » au sens où ce mot est employé couramment en France) prendre à bras le corps les problèmes posés par la crise sociale d’ensemble et faire « tâche d’huile ». Ailleurs, le point de départ du mouvement ne sera pas forcément le même, mais les adversaires, eux, seront toujours les mêmes : les Macron – Rajoy-Merkel et leurs soutiens directs et indirects, liés à l’oligarchie financière.
Comme l’écrivait Marx en son temps : « la lutte de classes est nationale dans sa forme et internationale dans son contenu ».
Il y a soixante-dix ans (septembre 1937), à propos de l’Espagne, Trotsky notait : « Le caractère socialiste de la révolution, déterminé par les facteurs sociaux fondamentaux de notre époque, n'est cependant pas servi tout prêt et tout assuré dès le début même du développement révolutionnaire. Non, dès avril 1931, le grand drame espagnol a pris le caractère d'une révolution "républicaine" et "démocratique". »8
Notre approche de la révolution catalane est portée par l’espoir que tout mouvement de masse sérieux procure aux travailleurs et aux peuples ; elle n’est cependant dictée par aucune sorte de fatalisme : ni fatalisme optimiste, ni « pessimisme de la raison » 9. En revanche, il est clair pour nous que la lutte actuelle pour le pouvoir en Catalogne n’est pas une verrue sur le visage de l’Espagne ou de l’Europe : c’est le lieu où actuellement se concentrent la crise de la Monarchie et la crise de cette camisole de force qu’est l’Union Européenne qui sont la cause profonde de la lutte actuelle, à cet endroit précis…
De la même façon que la guerre mondiale et la crise du régime des Tsars fut la cause de la révolution russe, voici 100 ans.
A suivre
10 novembre 2017
1 Fil d’actualité http://www.lindependant.fr/2017/11/08/l-info-de-la-nuit-greve-generale-en-catalogne-circulation-perturbee-sur-l-ap7-a-hauteur-de-girona-et-figueres,3067758.php
2 http://www.francetvinfo.fr/monde/espagne/referendum-en-catalogne/video-les-separatistes-catalans-bloquent-des-autoroutes-une-gare-et-le-centre-de-barcelone_2457870.html
3 http://www.liberation.fr/debats/2017/11/06/en-catalogne-une-dangereuse-fiction-narcissique_1608201
4 https://www.mediapart.fr/journal/international/071117/catalogne-au-dela-de-l-independance-le-retour-de-la-question-sociale?page_article=2
5 Déclaration unilatérale d’indépendance
6 Informations ouvrières n° 477- semaine du 2 au 8 novembre 2017 – page 2.
7 Article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 – France. « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie. » Pour mémoire, le Traité de Rome, précurseur de l’UE s’appliquait depuis l’année précédente -
8 https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1937/09/lt_28091937.htm
9 Référence à la devise du révolutionnaire italien Antonio Gramsci « optimisme de la volonté – pessimisme de la raison »