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Yémen. Un million de civils souffrent du choléra
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Par Véronique Kiesel
L’Arabie saoudite a imposé un blocus à ce pays martyrisé. Après deux ans de guerre, plus de 20 millions de civils ont besoin d’aide et un million souffrent du choléra.
«Au cours des trois derniers jours, la coalition menée par l’Arabie saoudite n’a pas autorisé Médecins Sans Frontières (MSF) à faire atterrir à Sana’a et Aden son avion en provenance de Djibouti, malgré nos demandes répétées, s’indigne Justin Armstrong, chef de mission de MSF au Yémen. L’accès au Yémen pour les vols humanitaires est essentiel afin d’apporter une assistance médicale à une population déjà éprouvée par plus de deux ans de conflit.»
Le même appel émane du Comité international de la Croix-Rouge (CICR): «Les voies d’approvisionnement humanitaire vers le Yémen doivent impérativement rester ouvertes», plaide Robert Mardini, directeur régional du CICR.
Puisque plus rien n’entre ni ne sort du Yémen, par mer, terre ou air, une cargaison de chlore, acheminée par la Croix-Rouge pour lutter contre le choléra (le chlore détruit la bactérie du choléra) a été bloquée à la frontière nord du pays.
Et une autre livraison de secours médicaux comprenant 50’000 flacons d’insuline doit arriver la semaine prochaine.
«L’insuline est réfrigérée et ne pourra donc pas attendre devant une frontière bouclée. Sans solution rapide à cette fermeture, les conséquences humanitaires seront terribles», prévient Robert Mardini.
1.- L’ampleur de la crise
Il n’y a pas que les avions de MSF qui n’ont pas accès au Yémen: depuis lundi 6 novembre, ce pays martyr est coupé du monde par un blocus imposé par l’Arabie saoudite. Le secrétaire général adjoint aux Affaires humanitaires de l’ONU, Mark Lowcock, avait averti le Conseil de sécurité de l’ONU mercredi: le Yémen fait face à la «plus grande famine» de ces dernières décennies qui pourrait faire des «millions de victimes. Le niveau de souffrances est immense. La dévastation est presque totale. 21 millions de personnes ont un besoin urgent d’aide humanitaire. C’est la pire situation au monde, sept millions de gens au bord de la famine, un enfant meurt toutes les dix minutes de maladie, et presque un million de personnes sont malades du choléra.»
Les civils ont été les premières victimes d’une guerre très sale qui a fait plus de 8650 morts dont 1700 enfants, et près de 60’000 blessés. «C’était comme le jugement dernier, il y avait des cadavres et des têtes dispersées partout, mangés par les flammes et enfouis sous les cendres», a raconté à Amnesty International un habitant de la ville portuaire de Mokha dans le sud-ouest du pays, après une frappe aérienne de la coalition [Arabie Saoudite et Egypte, Jordanie, Maroc, Soudan et les membres du Conseil de coopération du Golfe – à l’exception d’Oman].
Le conflit a aussi aggravé une crise humanitaire déjà profonde après des années de pauvreté et de mauvaise gestion. Avant le blocus total en place depuis lundi, la coalition avait déjà mis en place un blocus aérien et maritime partiel qui restreignait fortement l’approvisionnement en carburant et autres produits de base.
Le prix des aliments avait fortement augmenté, l’accès aux médicaments était déjà difficile s’était réduit. [En janvier 2017, et la situation s’est dégradée, sur quelque 20 millions d’habitants, 14,5 manquent d’eau potable et d’accès à des installations sanitaires de base; 2 millions de civils sont des déplacés internes; le nombre d’enfants sévèrement sous-alimentés, avec des conséquences terribles pour le futur, est estimé à plus de 500’000, dans un pays où plus de 70% de la population vit «en dessous de la ligne de pauvreté»].
Et les dégâts infligés par les bombardements des ponts, aéroports et ports compliquent encore l’acheminement de ces fournitures essentielles.
2.-La cause du désastre
Ce n’est pas une catastrophe naturelle qui a provoqué ces souffrances, mais une guerre civile déclenchée en 2014 avant d’être amplifiée depuis le 25 mars 2015 par une coalition internationale menée par l’Arabie saoudite. Ce jour-là, la coalition lançait de premières frappes aériennes contre le groupe armé des Houthis. Plus de deux ans et demi plus tard, le conflit s’est étendu et les combats ont touché la totalité du pays.
En plus des incessantes frappes aériennes de la coalition, les différents groupes rivaux s’affrontent au sol. Il y a donc d’un côté les Houthis, un groupe armé dont les membres appartiennent à une branche de l’islam chiite connue sous le nom de zaïdisme. Les Houthis sont alliés aux partisans de l’ancien président du Yémen Ali Abdullah Saleh. En face d’eux, les forces anti-Houthis sont alliées à l’actuel président, Abd Rabbu Mansour Hadi, avec le soutien de la coalition menée par l’Arabie saoudite. Dans cette coalition, on trouve l’Egypte, le Soudan, le Maroc et les membres du Conseil de coopération du Golf sauf Oman. Et elle bénéficie d’un soutien logistique et en renseignements des Etats-Unis, qui veulent ainsi lutter contre l’influence grandissante de l’Iran [en mai 2017, lors de la visite de Trump, les contrats d’armements signés portaient sur 110 milliards de dollars, à court terme et 350 milliards sur 10 ans].
3.-La réponse diplomatique
Les quinze membres du Conseil de sécurité de l’ONU, interpellés, ont condamné ce blocus, mais aussi le tir de missile balistique attribué aux rebelles Houthis sur Riyad samedi dernier, qui avait été intercepté et détruit par l’Arabie saoudite et déclenché la nouvelle crise. Ce tir qui visait l’aéroport de la capitale saoudienne exacerbe en effet les tensions déjà brûlantes entre l’Arabie saoudite sunnite et l’Iran chiite. Le très actif prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salman, avait accusé l’Iran d’agression directe, affirmant que Téhéran avait fourni le missile aux Houthis. Ce que Téhéran a réfuté. En attendant, les civils yéménites meurent de faim et de maladies. (Article paru dans Le Soir, en date du 10 novembre 2017)