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http://npaherault.blogspot.fr/2017/11/catalunya-infos-en-continu-ne-pas.html
17 novembre
Prête à déferler sur la Catalogne ?
Point de vue. A propos de la menace militaire, de l'impasse indépendantiste et de la nécessité d'en sortir... "indépendantistement" ! Esquisse d'analyse.
Les déclarations de Marta Rovira, la secrétaire générale de ERC (gauche indépendantiste républicaine et social-démocrate), confirmées par Carles Puigdemont, selon lesquelles le gouvernement central était décidé à faire intervenir l'armée, avec informations à l'appui sur le stockage d'armes de guerre sur une base militaire catalane, et "à faire couler le sang" au risque qu'il y ait des morts, pour mettre fin au processus d'indépendance catalane (lire ici) doivent être prises au sérieux mais aussi avec beaucoup de réserves. Non qu'il y ait le moindre doute sur la détermination jusqu'auboutiste de Madrid : l'extrême violence policière déployée le jour du référendum contre des populations pacifiques en disent long sur le sujet. La Ministre de la Défense a, par ailleurs, à maintes reprises, indiqué que l'armée se tenait en réserve mais qu' elle était prête à intervenir. Il n'y avait aucune raison d'en douter ! Et l'on ne traitera pas à la légère le danger qu'aurait représenté l'occupation militaire de la Catalogne.
Mais c'est du côté de l'indépendantisme qu'il faut surtout se pencher pour interroger qu'il n'ait pas vu venir que, vu la hauteur du défi posé, rien de moins que l'indépendance d'un territoire aussi significatif politiquement et économiquement que la Catalogne, et vu le cours toujours plus répressif et criminalisateur des oppositions du rajoyisme, la militarisation du conflit était l'étape supérieure, courue d'avance, de la feuille de route anticatalane de celui-ci.
C'est en fait un véritable aveu de faiblesse, voire de frivolité, politique et pas seulement d'impréparation technique que d'expliquer le refus du Govern et du President d'aller au terme du procés par ce risque que l'Etat central utilise la violence militaire. La coalition indépendantiste, très hétérogène puisque couvrant un éventail allant de la droite néolibérale catalane jusqu'à l'extrême gauche anticapitaliste, était de toute évidence sous hégémonie, toute fragile que l'on voudra, de la première. Et la faiblesse politique dont nous faisons mention tient essentiellement au fait que ce qui aurait pu élever le coût politique, pour Rajoy, d'une intervention de l'armée, était, à cause de ladite hégémonie, dramatiquement absent du processus ouvert par le référendum du 1er octobre : nous voulons parler de l'assomption de ce risque militaire par l'ensemble de la population, pour qu'elle se prépare à lui opposer, en l'adaptant à la nature très particulière qu'est une menace militaire, l'effet de masse dont elle a montré être capable à diverses occasions, les Diadas les 11 septembre, la mobilisation pour le référendum du 1er octobre malgré la violence policière, les manifestations d'un million et plus de personnes pour la libération des prisonniers politiques...
Il est évident qu'une telle préparation ne s'improvise pas et que, probablement, elle aurait impliqué que les délais pour lancer la phase finale du procès, celle qui mène à la Déclaration Unilatérale d'Indépendance (DUI), auraient dû être sérieusement rallongés...
Mais c'est tout un travail politique qui aurait dû être mené, à travers l'ANC, l'Omnium et les CDR ou encore les syndicats disponibles, pour opter en faveur d'une désobéissance civile structurée, méthodiquement planifiée, assumant incontournablement au coeur de la question nationale, des revendications sociales susceptibles d'attirer des secteurs importants non-indépendantistes mais décidés à en découdre, sur ces bases sociales, avec le régime et ses organes répressifs... Des questions comme celle des mesures d'autodéfense des actions engagées, certes difficilement envisageables dans la phase initiale, auraient pu être inscrites dans un horizon politique de moyen terme, étant entendu qu'une telle mobilisation devait être nécessairement conçue sur un temps long.
Il ne peut pas être ici développé tout ce qu'aurait implique et qu'impliquerait une telle approche, qu'il suffise cependant que l'on ait esquissé ces quelques points pour comprendre que le point de blocage à lever se situait dans la difficulté d'amener sur ce terrain des forces légalistes, réformistes, comme le PDeCAT ou l'ERC, a priori non disposées à s'inscrire dans un tel schéma d'opposition et de mobilisation radicales. Mais il n'était pas impensable de considérer qu'elles se seraient retrouvées amenées à aller plus loin qu'elles n'auraient voulu par la force d'une dynamique populaire travaillée sur le temps, à commencer par celle de leur propre base militante, sociale et électorale, comme elles en sont venues à proclamer une a priori impensable (pour elles) DUI... Tout ceci situe la responsabilité des seules forces en capacité, certes initialement plus politique qu'organisatrice, d'oeuvrer à cette préparation, la CUP et les Comités de Défense de la République qu'elle influence. Il ne s'agit aucunement de faire la leçon révolutionnariste à ces acteurs de terrain qui se sont trouvés confrontés à des difficultés énormes. Il importe seulement que soient dessinés les contours de possibles politiques pour qu'ils soient rapportés, plus précisément qu'il ne peut être fait ici, à leur capacité à devenir des orientations stratégiques permettant de débloquer l'impasse actuelle.
Car le mouvement indépendantiste est bien dans une impasse qui, sans être insurmontable, repose sur le fait que l'initiative politique (renforcée par le judiciaire), sans nécessité de recours à l'armée ait été activé, simplement par la menace qu'elle aurait pu intervenir de la façon la plus violente, est passée du côté de Rajoy : l'application du 155, la destitution induite du Govern, du Parlament, l'emprisonnement ou l'exil de la direction de ces institutions et, pour couronner le tout, la carotte des élections du 21 décembre, ont complètement déstructuré ce qui aurait pu devenir le centre de gravité de la résistance catalaniste, les mobilisations de rue. L'énorme manifestation de samedi dernier à Barcelone ne doit pas nous leurrer : elle aura été importante pour relégitimer politiquement un indépendantisme défait institutionnellement. Mais elle n'est pas, organiquement parlant, un facteur de relance de la mobilisation de terrain telle qu'elle a pu chercher à se mettre en place entre le 1er octobre et le 3 octobre (grève générale et de pays) avant d'entrer en sommeil sans jamais esquisser le schéma de mobilisation par une désobéissance civile de haute intensité que nous avons décrite plus haut.
Pour revenir aux déclarations de Marta Rovira elles semblent surtout destinées à montrer raisonnable le repli opéré par le PDeCat et ERC à travers la déclaration répétée de plusieurs de leurs responsables sur les erreurs commises par l'indépendantisme et surtout par la fausse considération que celui-ci n'a pas la majorité requise lui permettant de proclamer, comme il a été fait, l'indépendance. L'idée que le sang aurait pu couler suite à l'intervention de l'armée cherche ainsi essentiellement à faire oublier les conditions dans lesquelles ladite intervention aurait pu être contrecarrée à moindre risque, sans certes avoir jamais de garantie absolue d'y arriver. Peut-on, à ce propos, envisager par exemple que l'UE, malgré son soutien à la répression policière et judiciaire engagée par Rajoy, aurait donné son feu vert à l'utilisation de l'armée, qui plus est dans les conditions de violence extrême suggérées par le PP. On ne peut d'ailleurs écarter que, pour le coup, celui-ci ait joué du registre de l'intox : s'il ne faut pas prendre pour argent comptant les déclarations de Madrid faites aujourd'hui, sur "le grossier bobard" que Marta Rovira propagerait autour d'une intervention de l'armée, il est plausible de penser que cette intervention n'aurait pas pu être menée aussi "tranquillement" que l'a été la répression policière. On pensera tout le mal que l'on voudra, à juste titre, de l'apathie antisolidaire de la Catalogne qui est à l'ouvre dans les populations européennes, il n'est pas absurde de penser qu'il n'en serait pas allé de même si l'armée était entrée en scène et que la pression ainsi exercée aurait pu inciter les Macron, Merkel et Cie à retenir le bras armé de Rajoy.
L'électoralisme qui a gagné aujourd'hui tout le mouvement indépendantiste démontre, qu'acculé politiquement, il tient pour acquis que, d'ici le 21 décembre, rien de décisif ne peut faire de la rue un espace de redynamisation du procés. Vision probablement réaliste de l'état des lieux mais qui devrait amener, y compris à l'occasion des élections, pendant la campagne électorale, à mener le débat sur l'échec de la séquence DUI et sur la réorientation stratégique qu'il faudrait envisager pour que l'espoir toujours là d'une république catalane, proclamée mais aujourd'hui introuvable ailleurs que dans le coeur de millions de Catalan-es, ne se transforme en un stérile regret d'être passé durablement à côté de l'essentiel.
Ces lignes sont évidemment largement lacunaires et ne sont posées là que pour inciter à penser et à débattre, hors bornages par trop institutionnalistes, (de) ce qui relève d'un processus populaire et devrait foncièrement le rester.
Antoine
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16 novembre
Ne pas renoncer à la liberté ! Aux libertés...
"Llibertat presos polítics (liberté pour les prisonniers politiques)"... Llibertat d'expressió !
Cela fait un mois que Jordi Sánchez (ANC) et Jordi Cuixart (Òmnium) sont emprisonnés. Des dizaines de personnes se sont rassemblées sur la place Sant Jaume de Barcelone, où se trouvent la mairie de la ville et le Palau de la Généralité, pour demander leur libération ainsi que celle des membres du Govern, également incarcéré-es, et leur manifester leur soutien.
L'ANC et l'Òmnium, qui organisaient cette action, ont confirmé leur participation au rassemblement prévu à Bruxelles le 7 décembre et annoncé qu'elles appelaient à voter pour les listes indépendantistes aux élections du 21 décembre. Jordi Sánchez figurera en deuxième position sur la liste du PDeCAT que devrait emmener Carles Puigdemont.Jordi Cuixart, lui, ne se présentera sur aucune liste et a affirmé, en cohérence avec cette position, que l'Òmnium devait conserver sa transversalité et continuer à êtrel'organisation de tout le monde (cliquer ici).
L'actrice Agnès Marqués a lu, devant les présent-es, le manifeste de ces deux organisations en déclarant en particulier "Nous sommes un peuple pacifique et démocrate et nous poursuivrons toujours notre objectif si désiré, la liberté et la république catalane". Lire ici
Les libertés dans l'Etat espagnol : ça ne rigole pas ...
C'est le deuxième cas de plainte déposée par des syndicats de policiers depuis le début de la "crise catalane". Celui du jour vise un humoriste d'une émission radio,pour une séquence du 20 octobre où le personnage, qu'il incarne, du beauf attablé au comptoir d'un bar et commentant l'actualité, répond au présentateur de l'émission qui lui dit qu'"Il y a toujours des rats dans les bateaux", que "les premiers 10 000 rats sont arrivés de Madrid, et ils sont importants et gros". Ce sketch partait d'une info du quotidien El País qui rapportait les conditions de logement, dans des bateaux mouillant dans le port de Barcelone, des policiers envoyés en Catalogne pour empêcher que ne se tienne le référendum du 1er octobre. Parmi les plaintes de policiers recueillies par ce quotidien, il y avait celle de la présence de rats dans ces bateaux. Les présentateurs avaient demandé aux spectateurs hilares présents sur le plateau, peu dupes de ce dont il s'agissait, de ne pas rire !
La séquence incriminée (c'est en catalan) en cliquant ici
Le juge a jugé recevable la plainte "pour délit d'injures à l'encontre des Corps et des Forces de Sécurité de l'Etat".
L'autre plainte policière vise la revue satirique El Jueves (Le Jeudi) pour une plaisanterie faite, le 5 octobre, sur son site par laquelle il était affirmé que, pour cause de présence de la police à Barcelone, les stocks de cocaïne de la Catalogne étaient épuisés. Il était indiqué que les cartels colombiens de la drogue se disaient capables de répondre à une telle demande ! Pour apprécier l'humour il faut dire que ladite plaisanterie reposait sur de supposées déclarations d'agents anti-émeutes ayant opéré plusieurs charges contre des personnes désireuses de voter au référendum du 1er octobre. L'un des agents se défendait par ces mots "Je vous en prie, nous voulions seulement obtenir quelques grammes pour tuer le temps agréablement. Mais ça ne s'arrange pas, et il va nous falloir vite remettre ça".
Le génie humoristique des concepteurs de ce gag tient beaucoup, comme on peut le constater par l'illustration, à l'utilisation de l'insigne de la police nationale pour bien tracer la ligne de coke ! Détail qui est allé droit au coeur de pandores pointilleux sur leur image publique !
Le sous-directeur de la revue, par ailleurs auteur du texte mis en cause, a déjà été entendu par la Justice. La plainte vise également le responsable de la revue. Lire ici
L'une des plus célèbres couvertures de El Jueves
Elle avait fait couler beaucoup d'encre : c'était en 2007 et on y voyait celui qui était encore prince et son épouse en pleins ébats sexuels sous la légende "2 500€ par enfant" qui faisait référence à la décision du président du gouvernement d'alors, le socialiste José Luis Zapatero, d'accorder une prime pour toute naissance d'un enfant. Le prince déclare dans le dessin "2500€, tu te rends compte si tu tombes enceinte ! C'est ce qui ressemblera le plus à un travail que j'aurai fait dans ma vie". Le numéro fut saisi, ce futune première depuis la fin de la dictature !
Le contentieux avec la monarchie est une constante de cette revue puisque l'an passé, lors des fêtes de Noël, le numéro spécial consacré à la haine de ces fêtes, s'ouvrait par une couverture où l'on voyait le désormais roi accroché, (sus)pendu, en déco d'un sapin.
Lors de l'abdication en 2014 de Juan Carlos et du passage de couronne à son fils, il y avait eu ça qui se passe de commentaire (sinon qu'il est fait allusion à la corruption de l'abdiquant). La direction avait décidé d'elle-même de retirer le numéro, au grand mécontentement de nombre de ses collaborateurs... Lire ici
Conclusion
El Jueves, c'est, malgré le faux pas de 2014, le Charlie dont nous n'avons plus idée en France... Et surtout il est l'une des plaques sensibles par où apparaissent dans leur...nudité les points chauds (police, monarchie) intouchables du régime de 78, de cette démocratie si particulière dont on vient de voir, par ailleurs, en Catalogne, comment elle sait user, via police et justice, de quelques acquis constitutionnellement maintenus de ses origines franquistes...
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