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De quoi l’admiration des élites européennes pour l’opposition vénézuélienne est-elle le nom ?
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Ce mercredi 13 décembre, le Parlement Européen décernera le Prix Sakharov pour la liberté de pensée à l’opposition vénézuélienne, de quoi cette attention particulière des élites européennes est-elle le nom ?
L’opposition vénézuélienne - bénéficie d’un traitement particulier des élites européennes. Outre cet octroi du prix Sakharov, le Parlement Européen a voté un embargo sur les armes envers le Venezuela et un gel des avoirs de ses principaux dirigeants. Fin août, Emmanuel Macron condamnait « une dictature qui tente de survivre au prix d’une détresse humanitaire sans précédent ». Début septembre, plusieurs des principaux dirigeants de l’opposition vénézuélienne avaient rencontré le chef d’État français mais aussi Angela Merkel, Mariano Rajoy et Theresa May. Ce lundi, l’un de ses dirigeants rencontrait le ministre des Affaires Étrangères italien et un représentant du Vatican.
Si le gouvernement vénézuélien connaît une dérive autoritaire qui ne saurait être passée sous silence -, il est malhonnête de présenter cette opposition comme démocratique -. Il existe en son sein une composante putschiste, capable de lyncher des militants uniquement parce qu’ils sont chavistes. Plusieurs dirigeants de cette coalition d’opposition, aujourd’hui très divisée sur la stratégie à suivre entre la conciliation avec les institutions pro-Maduro et les velléités putschistes, ont participé au coup d’État de 48 heures en avril 2002 où ils avaient destitué toutes les autorités élues et appliqué une répression immédiate dans les classes populaires. Lorsque ces forces politiques étaient au pouvoir, elles pouvaient être encore plus répressives que ne l’est aujourd’hui Nicolás Maduro. En février 1989, pour maintenir l’application d’un plan d’ajustement du FMI face à la révolte du Caracazo, ces forces politiques « démocratiques » avaient ordonné une répression qui avait coûté la vie à plus d’un millier de personnes en une seule semaine.
La remise d’un prix Sakharov pour la liberté de pensée par les puissances européennes relève d’une rare hypocrisie. Alors qu’Emmanuel Macron met en place l’état d’urgence permanent - et que Mariano Rajoy réprime violemment le mouvement indépendantiste catalan avec la complicité de l’Union Européenne -, ces dirigeants européens ont l’arrogance impérialiste de juger l’état des libertés au Venezuela. L’hypocrisie réside également dans leur faculté à apprécier les libertés démocratiques au gré de leurs alliances politiques et commerciales. Ainsi, Emmanuel Macron, prompt à condamner la « dictature » vénézuélienne, respecte la « souveraineté » de l’État égyptien, pourtant beaucoup plus répressif et beaucoup moins démocratique, et ne souhaite pas lui « donner de leçons » -. Les exemples de complicité avec des régimes autoritaires et répressifs ne manquent pas : avec les Émirats Arabes Unis, le Qatar -…
Marine Le Pen n’est pas en reste de ce jeu hypocrite, d’instrumentaliser cyniquement la situation dramatique des Vénézuéliens pour mettre en difficulté ses concurrents de gauche réformiste tout en restant complices de dictatures immensément plus répressives. Lors de son discours de rentrée à Brachay, en septembre dernier, la dirigeante d’extrême-droite attaquait la France Insoumise, l’accusant de puiser son « inspiration dans les pires dictatures, Cuba hier, le Venezuela aujourd’hui ». Cela ne l’empêchait pas de mettre en scène ses arrangements avec Vladimir Poutine -, de soutenir elle aussi le maréchal Sissi ou de rencontrer pendant la campagne présidentielle le président tchadien Idriss Déby, autrement plus répressifs que Nicolás Maduro.
Le soutien des élites européennes à l’opposition vénézuélienne n’est absolument pas guidé par un appui à « la liberté de penser » ou à n’importe quelle autre « liberté démocratique » : l’opposition vénézuélienne est loin d’être un exemple en la matière, les gouvernements européens non plus et leurs jugements sont à géométrie variable en fonction de leurs intérêts politiques et commerciaux.
Le Venezuela est aujourd’hui en Europe un enjeu de politique intérieure instrumentalisé par les politiques néolibéraux et d’extrême-droite pour mettre en difficulté la gauche réformiste, Podemos en Espagne ou la France Insoumise - en France. Ce qui gêne les dirigeants européens au fond, ce n’est sans doute pas la répression réelle que mène Nicolás Maduro puisque certains de leurs alliés la mènent avec une intensité plus importante et que eux-mêmes la mènent également avec quelques contre-pouvoirs ; ce qui les gêne, c’est ce qu’a pu représenter le Venezuela il y a plusieurs années ; l’irruption des classes populaires dans la vie politique et l’espérance d’une société socialiste. Nicolás Maduro a tout fait pour démobiliser les classes populaires et a une responsabilité majeure dans la crise que connaît son pays -. La France Insoumise a tort de défendre ce gouvernement -. Mais les élites européennes qui veulent instrumentaliser la crise vénézuélienne pour tuer tout projet politique alternatif font simplement preuve une nouvelle fois de leur hypocrisie et de leur cynisme.