[RSS] Twitter Youtube Page Facebook de la TC Articles traduits en castillan Articles traduits en anglais Articles traduits en allemand Articles traduits en portugais

Newsletter

Ailleurs sur le Web [RSS]

Lire plus...

Twitter

Et A.Tamimi bouleversa l’iconographie de la lutte palestinienne

Palestine

Lien publiée le 5 janvier 2018

Tweeter Facebook

Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(Arrêt sur images) Pour avoir giflé des soldats israéliens, la jeune fille de 16 ans risque aujourd'hui la prison. En l'espace de quelques semaines, Ahed Tamimi, (très) jeune militante palestinienne est devenue une icône en Palestine, mais aussi un phénomène médiatique dont la figure blonde et juvénile attire la curiosité de la presse occidentale. Le fruit d'une stratégie de communication orchestrée de longue date par sa famille. 

Adolescente fluette, au regard clair cerné par la fatigue, Ahed Tamimi entre dans la salle d’audience du tribunal israélien militaire d’Ofer, sous l’œil des caméras. Depuis quelques jours, le visage juvénile et les longues boucles blondes de cette jeune fille palestinienne de 16 ans ont fait le tour des médias internationaux qui la dépeignent en nouvelle icône de la cause palestinienne.


> Cliquez sur l'image pour un gros plan <

En l’espace de quelques semaines, la presse israélienne puis les médias occidentaux ont braqué leurs projecteurs sur cette toute jeune militante palestinienne qui comparaît depuis le 20 décembre devant la justice israélienne en Cisjordanie. Selon les autorités israéliennes elle est inculpée pour "avoir agressé des forces de sécurité, lancé des pierres, avoir proféré des menaces, avoir participé à des émeutes" .Elle risque aujourd’hui 7 ans de prison pour avoir bousculé et levé la main sur un soldat israélien.

C’était le 15 décembre dernier à Nabi Saleh, au nord de Ramallah, en marge d’une manifestation palestinienne faisant suite à la reconnaissance par Trump de Jérusalem comme capitale d’Israël. Ce jour-là, avec sa cousine qui filme la scène, la jeune Ahed Tamimi provoque deux soldats de Tsahal qui cherchaient à s’introduire dans la cour de leur maison. Des militaires en armes qui restent impassibles, face aux invectives, coups de pieds et gifles de l’adolescente. Le père de la jeune fille, Bassem Tamimi expliquera plus tard que la vidéo a été tournée juste après que les soldats ont lancé du gaz lacrymogène dans leur maison. "Ahed leur disait de partir. Elle essayait d’empêcher les soldats de faire mal à d’autres personnes", confie-t-il a Al-Jazzera. Filmées par la famille d’Ahed Tamimi, ces images ont très vite fait le tour du web. Sur Facebook d’abord, où deux des versions les plus vues de cette vidéo (Ici et ) partagée par des comptes israéliens, cumulent d’ores et déjà quelque 4 millions de vues.

Alors que les autorités et une partie de la presse pro-israélienne s’indignent aussitôt de l’agression, les militants pro-palestiniens saluent le courage et la détermination de la jeune fille et multiplient sur les réseaux sociaux les appels à sa libération. Car la réponse de l’armée israélienne ne s’est pas faite attendre. Alors que la vidéo passe en boucle à la télévision israélienne, le 18 décembre, les forces israéliennes arrêtent la jeune femme, sa cousine et sa mère, à leur domicile en pleine nuit. Une interpellation filmée cette fois-ci par les services de communication de l’armée israélienne, qui comme le raconte Le Monde, ont ensuite fourni les images aux chaînes israéliennes "pour être aussi présente sur le terrain de la viralité".

Cité par Le Monde, le journaliste Ansel Pfeffer du quotidien israélien Haaretz commente cette guerre des images : "Peu importe que les images aient été diffusées sur des chaînes internationales, et que le public international ait vu une jeune femme défiante être réprimée par des occupants cruels. Peu importe que c’est sûrement ce que voulait Ahed Tamimi elle-même. La seule chose qui importe à l’armée était de satisfaire le désir atavique que nos braves soldats ne soient pas humiliés en public." Résultat? "Maintenant le monde entier connaît son nom. Le monde entier a vu son portrait et c’est seulement le début. Sous nos yeux, Tamimi est en train de devenir la Jeanne D’Arc palestinienne", constate le journaliste israélien et militant des droits des Palestiniens, Uri Avneri, dans les colonnes d’Haaretz.

"UNE ARME DE COMMUNICATION"

"Jeanne d’Arc palestienne" pour les uns. "Shirley Temper" pour les autres. C’est ainsi que côté pro-israélien on a baptisé, avec ironie, la jeune Ahed Tamimi. En référence à l’actrice américaine Shirley Temple, restée célèbre comme la première enfant star du cinéma américain. Même blondeur, même jeunesse… mais aussi, même art de la mise en scène. C’est ce qui est reproché par les autorités israéliennes à l’adolescente et à sa famille, de créér l'événement à des fins de propagande. Car Ahed Tamimi n’est pas qu’une jeune fille à la colère spontanée, c’est aussi comme l’explique son père "une arme de communication".

Les Tamimi vivent dans un village, Nabi Saleh, traversé par une route menant à une colonie israélienne, Halamish. Depuis le captage, en 2008, de sources d'eau au profit de cette colonie, les villageois manifestent pacifiquement; chaque semaine, contre l'occupation. Depuis des années déjà, la famille Tamimi, activistes et vidéastes, ont créé une petite agence audiovisuelle, Tamimi Press au travers de laquelle ils diffusent en vidéo les actions et faits d’armes de leur fille. Comme le rappelle Le Monde "Ahed Tamimi est ainsi devenue une figure familière de la résistance palestinienne à Nabi Saleh". Et ce depuis quelques années déjà. En 2012, âgée de 11 ans, la jeune fille était déjà filmée brandissant le poing face à un soldat israélien..


> Cliquez sur l'image pour un gros plan <

Tamimi Press, 2012

En 2015, l’enfant est filmée et photographiée alors qu’elle tente de s’interposer entre un soldat et un autre enfant plaqué par le militaire. Derrière elle, une nuée de photographes. Cette même année, en décembre 2015, France 2 pour son JT consacre  à Ahed Tamimi un reportage, intitulé "La guerre des images".

Le journaliste de France 2, Franck Genauzeau, auteur du reportage y explique que "les images seront mises gracieusement à disposition dans le monde entier. Une stratégie assumée par le père de l’adolescente, accusé par certains israéliens de provoquer à dessein ces scènes de tension". Alors interviewé par France 2, le père de l’adolescente assume la démarche : "C’est une arme de communication. C’est une icône, nous devons convaincre les autres pays grâce à elle".

"DES ADOLESCENTES QUI TITILLENT DES SOLDATS, ÇA ARRIVE TOUS LES JOURS"

Le profil de l'adolescente n'est pas pour rien dans son succès médiatique. Une jeune Palestinienne aux yeux bleus, blonde à la peau claire et habillée à l’occidentale… "Ahed Tamimi à clairement un profil atypique en Palestine" constate Maxime Perez, journaliste au bureau de France 2 à Jérusalem. Contacté par @si, il explique : "Des adolescentes qui titillent des soldats, ça arrive tous les jours , dans n’importe quel village des territoires occupés, mais là, ses cheveux blonds, son teint clair, mais aussi le fait qu’elle soit jeune, que ce soit une femme, qui plus est en jean et baskets, ça interpelle les médias occidentaux. Et ça, sa famille l’a bien compris".

Tamimi une jeune militante qui tranche avec l’image d’épinal de la pasionaria palestinienne ? Le correspondant de France 2 à Jérusalem constate : "En Cisjordanie [d’où est originaire Tamimi] c’est très laïque, contrairement à ce qu’on peut voir à Gaza où l’on voit des gens en cagoule armés de kalachnikovs. Et de fait, les rares femmes palestiniennes à avoir connu une forte notoriété en dehors du Proche-Orient ont longtemps été des militantes et combattantes, des femmes en armes, voilées, qui détournaient des avions".


> Cliquez sur l'image pour un gros plan <

Portrait de la militante Leila Khaled, dans Vice en août 2016

Pour la docteure palestinienne Samar Jabr, citée par Le Monde, la chose est entendue : "Si Ahed avait été brune et voilée, elle n’aurait pas reçu la même empathie de la part des médias internationaux. Un tel profil [brune et voilée] est plus facilement associé à l’islamisme et donc au terrorisme".