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Mexique: combattre les féminicides par l’histoire des femmes
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
L'historienne méxicaine Julia Tuñón Pablos lors de son passage en France en 2017. Elle accompagne de présentations en débat sson livre sur l'histoire des femmes au Mexique
Le Mexique bat tous les records de violences, et plus particulièrement celui des féminicides, mot inventé dans ce pays pour qualifier les multiples meutres quotidiens de femmes. A sa manière, l'historienne Julia Tuñón Pablos combat ce fléau en rappelant, de livre en livre, le rôle des Mexicaines dans l'édification du Mexique. Rencontre
Le décompte est glaçant. En décembre 2016, le bilan est désastreux : au Mexique, plus de 7 femmes ont été assassinées, en moyenne, chaque jour en 2016 soit 2746 femmes tuées, selon une étude publiée en décembre 2017 par l'ONU et le gouvernement mexicain. Un nombre en augmentation de 18% par rapport à l'année 2015, au cours de laquelle 2324 meurtres de femmes avaient été recensés. Cinq Etats du Mexique ont enregistré à eux seuls 40,2% des morts violentes de femmes l'an dernier : l'Etat de Mexico (centre), de Guerrero (sud), de Chihuahua (nord), de Veracruz (est) et la ville de Mexico. L'Etat de Mexico, voisin de la capitale, est le plus dangereux pour les femmes avec 421 assassinats en 2016. L'étude précise que "la moitié des victimes avaient entre 15 et 35 ans".
La cruauté, marque de "fabrique" des féminicides aux Mexique
A la différence des crimes visant des hommes, les meurtres envers les femmes se caractérisent par des méthodes "plus cruelles" telles que l'usage d'armes blanches ou l'asphyxie. Fin novembre, déjà, l'Institut national de la statistique (INEGI) avait indiqué que 66,1% des 46,5 millions de Mexicaines âgées de 15 ans ou plus avaient subi dans leur vie une forme de violence (émotionnelle, physique, sexuelle, économique ou une quelconque forme de discrimination). Cela indique "que les standards culturels qui dévalorisent les femmes et les font percevoir comme jetables n'ont pas changé" analyse le rapport.
L'arme de l'histoire
Pour changer ces fameux standards culturels, ce regard ultra machiste sur les femmes au Mexique, l'historienne Julia Tuñón Pablos creuse un sillon, celui de l'histoire des Mexicaines et de leurs représentations. En témoigne encore son dernier ouvrage, publié dans une collection très populaire, au titre simple et direct "Mujeres." - "Femmes." Avec cette exergue : entre l'image et la société s'affirme la pertinence des femmes dans la construction de la nation mexicaine.
Deux expressions, deux attitudes, deux femmes, deux représentations à quelques années d'écart : à gauche, une Mexicaine repliée "Dans sa propre prison", un cliché pris en 1940 par Lola Alvarez Bravo, et à droite, une vaillante propagandiste pour une campagne natioanale d'alphabétisation au Mexique en 1945
DR - Mujeres
L'une des fonctions de l'histoire est de donner à réfléchir
Julia Tuñón Pablos
Terriennes : Comment faire l'histoire de la représentation des femmes quand il y a si peu de représentations des femmes ?
Julia Tuñón Pablos : L'image est une source, mais une source incomplète. Elle ne me dit ni la vérité, ni l'ensemble des choses. Elle me dit des choses et m'en cache d'autres. Et surtout l'image représente une manière de voir les femmes, un imaginaire sur les femmes. Mais aussi il y a des choses derrière l'image, un mystère. Cela me permet de construire une histoire. Les images permettent un langage commun entre historienne et lecteurs.
Terriennes : Dans le livre, il y a des photos d'ouvrières, de mères, de religieuses, de symboles, mais pas beaucoup de paysannes au travail par exemple…
Julia Tuñón Pablos : Mais on voit une zappatiste, une paysanne au travail et une révolutionnaire en même temps. Mon livre est construit en deux parties, pour raconter que les femmes sont avant tout construites socialement, qu'il s'agit de diriger leurs capacités là où les hommes le décident. S'affichent les " images modèles [qui] guident notre histoire tant dans la construction du féminin que du masculin […]" Dans cette construction, il faut distinguer les modèles de femmes, et les possibilités réelles d'être femme, en chair et en os. Il y a cette constante tout au long de l'histoire humaine. Dans la première partie, j'ai rassemblé les mères, pures, vierges, dociles. Et les femmes ne parviennent jamais à être ce modèle idéal. Sauf dans un couvent ou dans un bordel. La deuxième partie évoque le travail des femmes, le changement mais aussi les permanences dans la condition des Mexicaines. La première incursion d'une femme en politique par exemple au temps de Porfirio Díaz (il dirigea le Mexique de 1876 à 1911). La constante entre les deux parties, c'est que la plupart des femmes au Mexique ont toujours été pauvres.
Terriennes : Pourquoi ne voit-on pas des élues, des dirigeantes, et surtout pourquoi la peintre Frida Kahlo est-elle absente ?
Julia Tuñón Pablos : Je me suis arrêtée au milieu du 20ème siècle, parce que je ne pouvais pas tout dire dans un livre, ce sera dans un autre volume. Il s'agit finalement d'une introduction à cet autre livre à venir. Quant à Frida Kahlo, je dois dire que la coupe est trop pleine… Même si je la respecte en tant que femme, artiste, il me semble que sa place est surestimée. Elle incarne la souffrance des femmes aux Mexique, mais pas pour les mêmes raisons que les Mexicaines : elle, il s'agit du physique, pour l'immense majorité des femmes ici, c'est la pauvreté ou les violences. Frida n'est pas LA femme mexicaine, elle est une femme mexicaine parmi toutes les autres.
Terriennes : Mais elle a représenté le corps des femmes, non ?
Julia Tuñón Pablos : C'est une esthétisation du corps blessé qui me gêne. Je m'intéressais plus à la sphère privée, à la maison en tant qu'entité de production et de socialisation des femmes : elles fabriquaient tout, du savon jusqu'aux chaussures ou vêtements, elles éduquaient et soignaient.
Le machisme est puissant au Mexique, même s'il est présent partout dans le monde. Ici, il repose sur la force physique et la peur.
Julia Tuñón Pablos
Terriennes : Vous consacrez aussi beaucoup de pages aux représentations des violences faites aux femmes, en particulier via la caricature…
Julia Tuñón Pablos : La caricature était l'unique manière de montrer ces violences. Je voulais montrer cela. C'était indispensable dans un livre destiné à être beaucoup vendu. C'était une évidence qu'il fallait donner aux lecteurs matière à réfléchir. C'est l'une des fonctions de l'histoire. Je montre donc la violence conjugale, cette permanence. Et le conditionnement des filles dès leur enfance. Mais je ne veux pas non plus idéaliser les femmes, en faire des anges.
Je fais l'histoire des femmes depuis des décennies, on m'a dit que je devrais laisser cette matière, ce thème, passer à autre chose, mais ce thème ne me laisse pas. Pour moi les études de genre ont ouvert des possibilités immenses. Oui je suis féministe, mais je ne suis pas militante. L'histoire est un travail qui demande beaucoup de temps, et celle des femmes au Mexique est loin d'être réalisée. Le machisme est puissant au Mexique, même s'il est présent partout dans le monde. Ici il repose sur la force physique et la peur.
Ce que peut dire un portrait de femme :
"La dame en rouge" de Jose María Estrada
Museo Nacional de Arte, México
Quand Julia Tuñón Pablos contemple l'image qu'elle a choisie pour la couverture de son livre "Mujeres", voici ce qu'elle dit à Terriennes de ce tableau du 19ème siècle, "Señora del traje encarnado" (femme vêtue de rouge) peint par José María Estrada, natif de Guadalajara province de Jalisco (sur le Pacifique), 1764 - 1862 :
"Je vois les mitaines, délicates, mode de France, qui ne permettent pas le travail ; la couleur de peau et les sourcils racontent une métis, espagnole et autochtone, la dentelle inutile, les atours pour l'église, l'obéissance, l'éventail un objet de coquetterie, mais aussi un corset qui montre et empêche de bouger ; un code de couleurs discret et ostentatoire ; elle n'est pas mince ni grosse ; la beauté ce sont les cheveux longs mais une femme comme il faut doit les attacher. Cette fille me dit que je suis d'une classe aisée, une dévote, mais aussi un être sexualisé. Et en plus elle cache quelque chose, un secret, une clé, un reliquaire ou un crucifix ?"