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Bure : "L’enfouissement des déchets nucléaires est une question qui concerne toute la population"
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Entretien. Après la victoire de Notre-Dame-des-Landes, formidable encouragement pour l’ensemble des luttes contre les grands projets inutiles, imposés et destructeurs, nous avons décidé de donner la parole à Laura Hameaux, membre de la collégiale de la Maison de résistance de Bure, à propos de la lutte contre l’enfouissement des déchets nucléaires dans ce petit village de la Meuse.
Notre-Dame-des-Landes abandonné tous les regards se posent sur Cigeo à Bure. Les médias parlent de zad, parlent de migration des zadistes. Alors : Bure, une copie conforme ou une lutte avec ses propres formes d’organisation ?
L’annonce de l’abandon du site de Notre-Dame-des-Landes, combat avec lequel nous avons noué des liens étroits et une belle solidarité, nous réjouit. Des années de lutte multiforme et déterminée contre un méga-projet de développement aérien ont payé... Des hectares de terres agricoles et maraîchères et des zones humides seront préservés, et des lieux d’expérimentation sociale déjà en construction vont pouvoir s’y renforcer.
À Bure nous n’avons jamais revendiqué l’étiquette « ZAD », qui cache les spécificités propres à chaque lutte. Nous ne croyons pas non plus à un « transfert de ZAD », comme si les raisons de lutter étaient inter-changeables, que des gens circulaient sans raison profonde, au gré de l’actualité, de Notre-Dame-des-Landes à Bure ou ailleurs. Agiter l’épouvantail de cette migration zadiste, comme le font certains élus et les médias mainstream, n’est qu’un moyen de légitimer à peu de frais la répression qui sévit ici. La réalité est en fait beaucoup plus simple : si de nouvelles personnes doivent nous rejoindre, venues de l’Ouest ou d’ailleurs, ce sera parce que le nucléaire est mortifère et que, plus que jamais, cela fait sens de venir en 2018 dans la Meuse pour s’y opposer.
Et puis – sans vouloir minimiser la victoire contre Vinci – les enjeux qui se jouent ici dépassent largement la question d’un aéoroport. L’enfouissement des déchets nucléaires est une question qui concerne toute la population et les générations à venir. Cigéo, ce serait un monstrueux et fragile « métro » radioactif souterrain, potentiellement inflammable, un legs infinançable, un cadeau empoisonné et irréversible pour des millions d’années...
Autour de la Maison de la résistance s’est formé depuis déjà plusieurs -années un lieu de pratiques concrètes d’autonomie et d’autogestion, mais Bure c’est aussi l’occupation du Bois Lejuc, la présence de gens du coin, de collectifs antinucléaire anciens, l’organisation d’actions d’occupation. Comment tout cela arrive à converger ?
La lutte contre l’enfouissement des déchets date des années 1980. Ici, la défense du territoire a commencé dans les années 1990 et n’a cessé de se renouveler, rythmée par l’actualité du projet. Depuis 2015, la convergence des luttes et de nombreux recours juridiques ont permis de bloquer les travaux préparatoires, en libérant et en occupant le Bois Lejuc, une zone stratégique pressentie pour y creuser les galeries de Cigéo, et les puits d’accès et de relarguage d’hydrogène radioactif. De forts liens se sont tissés entre nouveaux arrivantEs qui, pour certains, s’implantent localement, riverainEs, paysanEs et toutes celles et ceux qui, depuis plus de 30 ans, résistent au projet d’enfouir les déchets nucléaires. Un objectif commun : ne pas laisser s’implanter ce qui est aujourd’hui présenté comme le plus gros chantier du siècle à venir, mais aussi le plus risqué qui soit. L’abandon de Notre-Dame-des-Landes doit ouvrir la voie à une remise en cause profonde de Cigéo.
Mais la complémentarité des pratiques ne se décrète pas, elle doit être cultivée, c’est la recherche permanente d’un équilibre, qui ne se fait pas non plus sans difficultés. Il faut y apporter une attention quotidienne, cela demande parfois beaucoup d’énergie et nécessite des discussions permanentes, parfois houleuses, mais qui nous permettent d’avancer.
L’Autorité de sûreté nucléaire commence à émettre des doutes. L’État sait maintenant que Bure ne sera pas une promenade de santé. Quelles sont les perspectives du mouvement de résistance pour les semaines à venir ?
Alors qu’une vague de répression sans précédent s’abat sur le mouvement depuis l’été dernier, nous appelons à un rassemblement le 13 février devant le tribunal de Bar-le-Duc. Ce rendez-vous est d’importance, tant la charge symbolique de ces trois accusations est forte. Deux personnes devront répondre de la destruction du mur de béton érigé illégalement par l’Andra à l’été 2016 ; une autre devra se défendre d’avoir prétendûment « atteint à l’honneur » d’un commandant de gendarmerie.
Ensuite ce sera le premier grand week-end intercomités, parce que notre action ne doit pas rester cantonnée autour de Bure, mais rentrer en résonance avec d’autres luttes, d’autres lieux, d’autres rêves. Pour renforcer l’occupation de la forêt et réfléchir à comment construire, partout, un mouvement suffisamment fort pour mettre en échec toute tentative d’expulsion, nous invitons tous nos soutiens, individus, associations et comités de lutte anti-nucléaire, à venir se rassembler sur la zone le 1er week-end de mars. Un week-end de balades, de chantiers collectifs, de créations artistiques sur pans de murs à l’abandon, de discussions et de fête. Un week-end pour accorder nos violons avant le printemps et faire retentir nos voix partout où des aménageurs bétonnent avec mégalomanie.
Propos recueillis par Dominique Malvaud