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Bagui Traoré relaxé: interview d’Assa Traoré
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Ce matin au tribunal de Pontoise, Bagui Traoré, le frère d’Adama Traoré, assassiné en juillet 2016 par les gendarmes de Beaumont-sur-Oise, a été relaxé. Poursuivi pour « outrage à agent », les juges ne l’ont finalement pas condamné. Une petite victoire pour la famille Traoré, pour laquelle le combat continue pour obtenir Justice pour Adama. Propos recueillis par Georges Waters.
Révolution Permanente : Bagui était ce matin en procès pour « outrage à agent » ; que lui était-il reproché ?
Assa Traoré : Le 25 juillet 2016, quelques jours après le décès d’Adama, Bagui va faire le signe de JUL (un rappeur français, ndlr.) et les gendarmes passent à ce moment là, et interprètent cela comme ils le veulent, c’est à dire que Bagui aurait mimé une arme à feu en les visant. Ils vont le braquer, le mettre à terre, puis lui intenter un procès qui avait lieu aujourd’hui à Pontoise pour outrage. C’est ridicule : c’est de l’acharnement pur et simple.
RP : Ce matin, un non lieu a été prononcé ; quelle est ta réaction ?}
Assa T. : C’est très bien, mais déployer autant de temps, d’énergie et d’argent pour un outrage pour lequel il n’y a pas eu d’investigation réelle, c’est ridicule. Et cela montre leur faiblesse : il ne faut pas oublier que tout le combat Adama, depuis le décès de mon frère, c’est de très nombreux procès contre notre famille. Et chaque fois qu’il faut trouver une affaire, même la plus ridicule possible, ils vont la trouver. Mais cela montre leur niveau de faiblesse. Pour moi ce matin on a surtout vu le ridicule du parquet de Pontoise et des gendarmes.
Ça reste une petite victoire qui nous donne du courage et de l’espoir. Surtout, cela montre que la lutte paye : on a communiqué dessus, on n’a pas lâché, à chaque fois qu’il y a une affaire on ne lâche pas. Et la mobilisation paye : cet acharnement on le vit avec tous nos soutiens ; ce matin la salle d’audience était remplie.
RP : Est-ce que cette victoire est un bon signe avant les procès qui arrivent en avril ?
Assa T. : Il faut pas relâcher. Il faut continuer la mobilisation et continuer à dénoncer cet acharnement et surtout se battre ; il y a encore deux autres frères en prison. On va continuer à leur dire que la répression, cet acharnement, ces abus de pouvoir ne nous font pas peur, et qu’on continuera à se battre, pour obtenir la relaxe de tout le monde, mais aussi ne pas oublier la mise en examen des gendarmes, que nous demandons toujours.
RP : En ce moment, il y a un autre procès qui se déroule à Paris, concernant des violences de policiers envers des jeunes. Est ce que la situation des jeunes de quartiers face à cette police qui ne cesse de les harceler va en s’empirant ?
Assa T. : Bien sûr que cela va en s’empirant. En face de nous, les policiers sont dans la toute puissance avec un État qui les laisse faire et qui leurs donne beaucoup de pouvoir. Mais nous, il ne faut surtout pas que l’on se laisse impressionner par cela, il faut surtout pas que cela nous fasse peur. Il faut se battre et ne pas lâcher et quand il y a un combat, il faut aller soutenir les autres. Bien sûr que cela va de mal en pis. Ces jeunes là dans nos quartiers, ils ont le droit d’avoir leur liberté, de vivre. Il faut arrêter de les considérer comme des moins que rien qui ne peuvent pas participer à la construction de cette société.
RP : Finalement, on voit que de nombreuses lois sont adoptées qui visent à renforcer l’arsenal répressif et l’armement des forces de l’ordre. Est ce que tu as quelque chose à dire à ce gouvernement qui veut renforcer la police, notamment en remettant au goût du jour la police de proximité ?
Assa T. : Aujourd’hui on a un gouvernement qui n’a aucun respect pour une grande partie de la population et qui ne nous considère même pas comme des personnes pouvant participer à la construction de cet État, de cette France, donc eux sont dans la répression et l’acharnement. Ils sont en train de créer des zones de guerre, des zones de combats où nous avons des policiers et des gendarmes qui vont venir comme s’ils venaient dans des camps d’entraînement où ils pourront frapper et tuer les jeunes comme ils veulent. C’est ce que l’État est en train de créer. On ne peut pas rester spectateur de tout cela, il faut qu’on se lève nous aussi et il faut qu’il y ait une révolution en France : tant qu’on aura pas cette révolution là, la France va aller de mal en pis sur les inégalités et sur les violences policières. Il faut qu’on la fasse cette belle révolution.