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Gérald Darmanin, si beau dans le miroir de l’invité surprise
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Pour recevoir Gérald Darmanin, ministre des Comptes publics, France 2 a mobilisé les intransigeantes Léa Salamé et Nathalie Saint-Cricq, aussi pointues sur l’héritage Hallyday que sur les idées de Laurent Wauquiez. Mais il fallait aussi convoquer un arbitre des élégances : Jean-Marie Le Pen.
« Vous arrivez directement de Tourcoing », révèle Léa Salamé en recevant Gérald Darmanin. Et moi, j’arrive de la salle de bains. Le ministre des Comptes publics est invité de L’émission politique au moment où, coïncidence, il y a « beaucoup de sujets économiques brûlants qui inquiètent les Français ». Ça vaut toujours mieux que s’il y avait beaucoup de sujets économiques inquiétants qui brûlaient les Français. La présentatrice promet un « big bang à la SNCF », une « immersion dans un thé dansant »…
« Il y aura aussi l’inattendu, annonce Léa Salamé, notre invité surprise… Un indice : il est en tête des ventes en librairie. » Un autre indice : il ne s’agit pas de Marc Levy. Encore un indice ? Le JDD a dévoilé son nom dès jeudi matin : Jean-Marie Le Pen. On ne l’avait pas assez vu écumer sur les plateaux télé depuis une semaine, d’où la nécessité de lui réserver une place d’honneur en prime time sur France 2. « Il y aura le verdict final, le résultat du sondage. » L’heure de vérité des chiffres. « Je vous rappelle que la dernière fois Jean-Michel Blanquer avait 71 % de convaincus, il avait explosé le record. » Aidé par un vent très très favorable.
« A l’Assemblée, on vous appelle “le roi de la formule”, assure Léa Salamé. Le style Darmanin, c’est ça », et elle lance des images pour illustrer « cette gouaille, ce goût de la formule, des citations, ce côté un peu flambeur… Cette manière décomplexée de faire de la politique, vous la tenez de Nicolas Sarkozy ? »
La présentatrice fait monter la température. « On va aborder le sujet brûlant du moment, le bras de fer qui se tend à la SNCF. » Jusque-là, c’était un bras de fer détendu. « Les syndicats ont décidé d’une grève reconductible de deux jours sur cinq à partir du 3 avril, c’est-à-dire quasiment un jour de grève toutes les vingt-quatre heures. » Ah oui, quand même. « C’est beaucoup. » Enorme. Mais moins que trois jours de grève toutes les vingt-quatre heures.
« Ça y est, ça se durcit, on y est ?, s’effraie Léa Salamé. La crainte du spectre de 95 est là. » Argh, la crainte du spectre de l’enfer de 95… « 95, c’est loin », relativise Gérald Darmanin. A l’époque, il y avait quasiment cinq jours de grève toutes les vingt-quatre heures. « 95, rappelle Salamé, c’est le référent absolu pour les Français d’un pays bloqué pendant trois semaines. » La référence du spectre absolu de la plus longue prise d’otages des Français.
Après la discussion avec deux cheminots, Léa Salamé propose un jeu de société. « Si vous voulez bien jouer le jeu des quatre questions : quatre photos d’actualité, réponse rapide. Quatre questions et quatre réponses courtes, je sais que c’est difficile mais vous pouvez le faire. » Sont évoqués la limitation à 80 kilomètres-heure (que de très nombreux élus jugent « ruralicide »), le protectionnisme de Trump, le cas Cantat… « Enfin, l’héritage de l’idole nationale. Les avocats des deux parties, ceux de Læticia et de Laura et David, se sont retrouvés au tribunal de Nanterre. Bercy regarde-t-il l’héritage de Johnny ? Est-ce que vous pouvez faire quelque chose au niveau de Bercy ? Ou de toutes les manières c’est la loi américaine qui passera ? »
« Je suis tenu au secret fiscal, explique Gérald Darmanin. Ce que je peux dire, c’est que le droit français interdit de déshériter ses enfants et que c’est très bien ainsi. » Léa Salamé est déçue : « C’est tout ce que vous pouvez nous dire ce soir sur ça ? » Ben oui, elle a demandé des réponses courtes. « Je ne suis pas venu avec le dossier fiscal de… » Léa Salamé ne renonce pas. « Est-ce que vous pouvez faire quelque chose… » « Madame… » « Oui mais est-ce que vous pouvez faire quelque chose pour que les deux aînés ne soient pas déshérités ? » Le ministre se défausse encore. Pourtant, un des plus grands experts en Johnny (Fabien Lecœuvre) le répète à l’envi : la société française n’acceptera pas que Laura et David soient déshérités. Le ministre doit intervenir d’urgence pour éviter une révolte bien plus violente que celle des cheminots.
Après cette affaire d’Etat, Léa Salamé aborde un sujet annexe, l’augmentation de la CSG, « 70 euros par mois, c'est énorme quand une touche une petite retraite ». Sauf qu’on ne peut pas perdre 70 euros par mois si on touche une petite retraite, a beau jeu de rétorquer l’invité à la journaliste mal renseignée. Dépourvue d’éléments factuels, l’animatrice se concentre alors sur l’aspect psychologique. « Est-ce que vous avez sous-estimé l'impact de la hausse de la CSG sur les retraités ? » Une erreur d’appréciation, peut-être. « Vous comprenez qu’ils ont mal depuis le mois de janvier… » Il faut qu’ils prennent des antidouleurs. « Est-ce que vous admettez une erreur sur le calendrier ? » Oui, ça doit être ça, une erreur de calendrier. « Vous reconnaissez que vous avez mal expliqué ? » Ou alors, une erreur d’explication. Ils sont un peu lents du cervelet, les retraités.
« Un marqueur de notre émission, trompette Léa Salamé, c’est le moment de l’invité inattendu, pour un débat de dix minutes. » Le marqueur de l’émission entre en scène. « Bonsoir Jean-Marie Le Pen. Merci d’avoir accepté notre invitation. » « Je suis la surprise sans surprise. » « Il y a eu quelques fuites, pour une fois », admet l’animatrice. Pendant non pas dix, mais quinze bonnes minutes, l’ancien président d’honneur du FN a libre antenne pour débiter ses insanités, tout revigoré qu’il est par la chaleur des projecteurs et les attentions de Léa Salamé. « La vague migratoire géante est en train de gonfler. » « Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, la population est passée en cinquante ans de 3 à 8 milliards d’habitants… » « Quelle est votre question ? », s’enquiert poliment l’animatrice comme il se grise de sa propre logorrhée.
Gérald Darmanin avoue avoir profité de la révélation prématurée du nom de l’invité surprise pour réviser (« j’ai survolé votre histoire cet après-midi »), loue la politique migratoire de « Gérard Collomb, un ministre de l’Intérieur courageux qui limite l’accès à notre pays » et réussit à attendrir Jean-Marie Le Pen avec « la photo de mon grand-père tirailleur algérien, décoré, a choisi la France en 62 ». « Me faites pas le coup de l’antiracisme », se défend le marqueur de l’émission. « Attendez, la parole est à Jean-Marie Le Pen », intervient l’animatrice pour qu’il puisse encore citer « Mayotte submergée par les gens qui viennent des îles ». « Répondez sur Mayotte », intime Léa Salamé au ministre.
« On arrive à la fin, promet enfin l’animatrice. Juste une question : Marine Le Pen a appelé il y a quelques minutes à voter pour le candidat LR à Mayotte. » « Pourquoi pas ! », répond Jean-Marie Le Pen. « C’est rarissime qu’elle appelle à voter pour LR, insiste Léa Salamé. Jusqu’à peu, elle dénonçait l’UMPS et maintenant… » Je suis ravi de connaître l’avis capital de Jean-Marie Le Pen sur cet enjeu primordial. Tant qu’elle y est, Léa Salamé pourrait aussi lui demander ce qu’il pense de l’héritage Hallyday.
Le marqueur de l’émission s’en va, ravi du bon moment qu’il a passé, Léa Salamé enchaîne. « Permettez-moi à présent de vous poser quelques questions sur les accusations à caractère sexuel qui vous visent. » Des accusations à caractère sexuel ? Tant que ce ne sont pas des crimes ou des délits… Gérald Darmanin s’explique : « Je ne parlerai pas du fond de l’histoire, qui est une calomnie absolue. » Je ne dirai pas que l’histoire est fausse.
Le ministre confie la remarque d’un de ses amis. « Nicolas Sarkozy a dit quelque chose qui m’a beaucoup touché : “On a des grands problèmes quand on est un grand homme politique et on a des petits problèmes quand on est un petit homme politique. Et manifestement tu es un grand homme politique.” » N’exagérons rien. Si on compare les ennuis judiciaires de Nicolas Sarkozy à ceux de Gérald Darmanin, ce dernier reste un nain politique.
« Dernière séquence, le baromètre. Bonsoir Nathalie. D’abord, la question de la chef du service politique de France Télévisions. » « Il y en a un qui s’est acharné sur vous, qui est allé jusqu’à demander votre démission, c’est Laurent Wauquiez, rapporte Nathalie Saint-Cricq. Comment vous expliquez cela ? C’est un problème de haine personnelle, de rivalité ?… Est-ce qu’il y a quelque chose d’irrationnel dans votre relation ? » Pas plus que dans vos questions.
La réponse passée, Nathalie Saint-Cricq reprend : « Sur Laurent Wauquiez, vous dites quelquefois qu’il n’est pas si éloigné de Marine Le Pen, est-ce que c’est pas abusif de considérer que Laurent Wauquiez et Marine Le Pen c’est un peu le même combat ? » C’est une interview politique ou c’est un questionnaire sur Laurent Wauquiez ? « Est-ce que vous considérez que le fait que Marine Le Pen appelle à voter pour un candidat LR crée un précédent ? Alors que dans le même temps Thierry Mariani se dit favorable à des alliances avec le FN ? Est-ce que vous trouvez que ça s’accélère entre la droite et l’extrême-droite ? » Ou plutôt entre l’extrême-droite et la droite ? Du coup, l’invité n’a aucun mal à prouver qu’il est un homme de droite de gauche.
« Petite question, poursuit Nathalie Saint-Cricq : est-ce que vous n’avez pas peur que finalement Emmanuel Macron passe pour le président des riches, des jeunes, des urbains, de ceux qui vont bien et que finalement il oublie les vieux ? Est-ce que vous, vous avez tiré la sonnette d’alarme, vous qui êtes droite sociale et qui avez un sens paraît-il du terrain, de ce qui se dit dans la rue ? » Et qui êtes si beau, si intelligent, si talentueux.
Nathalie Saint-Cricq poursuit son interrogatoire par lequel elle montre que la politique n’est pas une affaire d’idées mais de personnes. « Vous avez déclaré “Il y a beaucoup de Sarkozy en Macron et vice-versa.” Une question simple : qu’est-ce que Macron a de plus que Sarkozy ? » « Je dirais le calme… » Nathalie Saint-Cfricq glousse, Léa Salamé rebondit : « Et qu’est-ce qu’il a de moins ? » « Je dirais le calme… » Nathalie Saint-Cricq est pétée de rire. Quel boute-en-train, ce Darmanin !
« Dernière question, Gérald Darmanin, est-ce que vous êtes heureux ? » « Oui. » Ouf, je me tourmentais depuis le début de l’émission. « Je vous la pose parce que vous déclaré dans une interview : “Le ministère, ça m’enferme, je ne suis pas extrêmement heureux.” » Du coup, la France entière était inquiète pour votre moral. « Et la mairie de Lille ? » Oh non ! Elle avait dit « dernière question ». « On dit qu’Emmanuel Macron aimerait bien que vous partiez à l’assaut de ce bastion. » « Je suis très heureux à Tourcoing. » « Vous zavez pas envie d’être candidat aux municipales à Lille ? », insiste Léa Salamé. Et premier ministre, ça vous dirait ? Ou président ?
« C’est le moment très attendu du verdict », annonce Léa Salamé. Jean-Baptiste Marteau révèle « un pic d’intérêt à 22h04 sur Google, au moment où vous répondiez à ces accusations dont vous faites l’objet », ce qui lui inspire cette question sans concession : « Est-ce qu’on n’est pas rentré dans la république du soupçon que dénonce Emmanuel Macron ? » N’êtes-vous pas victime d’une cabale médiatique ?
Le sondologue présente ensuite un « tweet sélectionné. Il y en a qui critiquent non pas le fond mais la forme de votre politique. Par exemple : “Les réformes paraissent pertinentes mais la pédagogie est mauvaise.” » Ce message lui inspire une implacable question : « Est-ce que le problème principal du gouvernement, c’est pas qu’il a du mal, beaucoup de mal à expliquer les réformes à l’opinion ? » Ou est-ce c’est pas que l’opinion est très con ?
Enfin, voici le résultat du fabuleux sondage réalisé sur un échantillon représentatif de Français qui se sont tapés deux heures de Darmanin pour répondre à un questionnaire par Internet en échange de bons d’achat. « Est-ce que ceux qui nous ont regardé vous ont trouvé convaincant ? », demande Léa Salamé. « 49 %, c’est votre score », annonce le sondologue. Pas terrible. Sans doute parce que le ministre refuse de réhériter les enfants Hallyday déshérités. « Vous arrivez à séduire surtout les électeurs de gauche, des catégories populaires et les jeunes. » Preuve que Gérald Darmanin n’est ni à droite ni à droite.
« Sur la forme, c’est vrai qu’il est bien passé, apprécie Brice Teinturier dans L’émission politique, la suite. Dans un gouvernement d’experts, il a une sensibilité plus populaire. » Il est plus politique, juge Nathalie Saint-Cricq, « à l’opposé de Jean-Michel Blanquer qui est très populaire mais qui refuse obstinément de faire de la politique ». Ça alors ! Le ministre de l’Education ne fait pas de politique ! En tout cas, pas plus que Nathalie Saint-Cricq.