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Idéologie et littérature

Lien publiée le 26 mars 2018

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http://www.contretemps.eu/ideologie-et-litterature/

Cet article tente de faire une synthèse des différentes applications du concept marxien d’idéologie à la littérature, depuis les premières tentatives des théoriciens marxistes du début du siècle jusqu’aux critiques littéraires nourris par l’althussérisme. Ce travail est le produit d’une élaboration collective, permise par les séminaires d’élèves tenus à l’ENS de Paris et consacrés à une relecture des grands théoriciens matérialistes[1].

De même que le droit, l’économie politique, la philosophie ou la religion, l’art (dont la littérature est une des composantes) fait partie de « l’énorme superstructure », de l’édifice des formes de conscience qui s’élèvent à partir d’une base matérielle, dont Marx nous parle dans la Critique de l’économie politique de 1859. Mais une fois posé ce cadre matérialiste général, comment passer à une approche concrète et détaillée du fait littéraire ? En effet, rien n’est encore dit du degré de détermination de la littérature par la base matérielle, ou de son degré d’autonomie, et donc rien non plus de la liberté créatrice des écrivains, ni de la nature de ces déterminations. Voilà qui appelle un retour sur le concept d’idéologie, dans la multiplicité de ses significations.

En partant de L’Idéologie allemande, on peut dégager schématiquement trois grandes définitions possibles de l’idéologie : l’idéologie désigne d’abord toutes les idées, toutes les idéalités, en tant que produits d’une organisation socio-économique ; l’idéologie désigne ensuite l’oubli ou l’occultation de cette origine matérielle des idées, la croyance en leur autonomie, voire en leur efficacité directe sur ou dans l’histoire (autrement dit, cette acception recoupe partiellement la notion d’idéalisme) ; l’idéologie désigne enfin les moyens idéels d’assurer la domination d’une classe sur une autre (et en ce sens on parle d’idéologie bourgeoise, d’idéologie féodale, voire d’idéologie prolétarienne, sans nécessairement sous-entendre un travestissement de la réalité et de la vérité : ce sont les idées qui portent les intérêts d’une classe).

À partir de ce concept complexe, on peut formuler un certain nombre de problèmes que pose la littérature :

– La littérature est-elle une masse de discours qui peut toujours se réduire à des déterminations socio-économiques, et donc à de l’idéologie, ou est-ce qu’il y a quelque chose de neuf qui se crée dans une œuvre littéraire ?

-La littérature est-elle exclusivement un outil de domination de la classe bourgeoise, ou peut-elle être au service du prolétariat ?

-Le concept d’idéologie doit-il s’appliquer à toute la littérature, ou seulement à une partie (la bonne littérature cesse-t-elle d’être idéologique par exemple) ? Le marxisme doit-il proposer une hiérarchie entre les œuvres selon ce critère ?

-A-t-il pour fonction de réduire la littérature à ses déterminations de classe, ou de faire ressortir, de faire découvrir et sentir des aspects jusque-là invisibles dans une œuvre ? Son usage doit-il être polémique ou herméneutique ? Peut-il être l’un sans l’autre ?

Littérature, position de classe, stratégie

L’aspect qui, semble-t-il, intéresse le plus les premiers marxistes est l’aspect instrumental du concept d’idéologie : la littérature comme moyen au service de certains intérêts de classe.

En laissant provisoirement de côté les textes de Marx et d’Engels eux-mêmes, on peut faire remonter la critique marxiste de la littérature à Plekhanov (souvent présenté, peut-être au prix d’une certaine simplification[2], comme celui qui a élaboré, dans L’art et la vie sociale, la théorie du reflet, c’est-à-dire l’hypothèse que la littérature reflète les structures de la société). Quoiqu’il en soit, Plekhanov semble privilégier la dimension instrumentale de l’idéologie : quelle classe est défendue par tel écrivain ? On trouve ainsi dans son œuvre un examen du caractère de classe d’Ibsen ou de Tolstoï.

Ibsen, dramaturge norvégien, écrit des pièces où il critique le conformisme et les carcans de la société de son temps (Maison de poupéeLe Canard sauvage). Or il exprime, par son individualisme rebelle, l’individualisme de la classe bourgeoise. Son rejet de la société bourgeoise est factice en ce qu’il est toujours, dans ses pièces, l’œuvre d’individus singuliers et isolés. Mais il livre en même temps une critique de la mentalité petite-bourgeoise, et un souffle de révolte qui peut être récupéré par les sociaux-démocrates.

Pour Tolstoï, comte russe et romancier, le raisonnement est similaire. Même si Tolstoï lui-même est pacifiste, on trouve dans son œuvre une « justification de la critique par les armes », et c’est là un enseignement qui est digne d’être conservé. On voit donc chez Plekhanov, d’une part, une théorie générale souvent soucieuse d’éviter le mécanisme : à ses yeux, la littérature et l’art en général subissent des déterminations extérieures, mais elles sont de diverses natures et parfois contradictoires, aussi bien matérielles (la situation économique) qu’idéelles (la philosophie, l’art de leur temps, etc.). Mais d’autre part on constate chez lui, lorsqu’il applique sa théorie à une œuvre littéraire en particulier, une tendance à expliquer les œuvres par la situation de classe de leurs auteurs.

On trouvera la même tendance chez Lénine et Trotsky. L’enjeu est toujours d’identifier la position de classe de l’auteur, pour savoir de quel côté il va peser. Pour poursuivre l’analyse du cas Tolstoï, abondamment commenté, Lénine pense que l’œuvre de Tolstoï présente une vision critique du capitalisme faite par un représentant idéologique de la paysannerie ; Trotsky estime quant à lui que Tolstoï est un féodal, qui, dans ses romans et ses brochures politiques, développe une idéologie paternaliste de seigneur féodal voulant garder sa domination sur ses paysans, et hostile par conséquent à la bourgeoisie[3].

Prenons Anna Karénine : on peut illustrer la critique tolstoïenne du libéralisme bourgeois avec le portrait satirique de Stéphane Arcadiévitch, le frère d’Anna ; et on peut trouver une manifestation du paternalisme de Tolstoï dans le personnage de Lévine, féodal qui s’apparenterait (par plusieurs références autobiographiques) à un double de l’auteur, et qui se plaint de l’indolence de ses paysans quand lui voudrait moderniser la production agricole. Évidemment, faire une telle lecture a sa pertinence, mais présuppose d’identifier des doubles de l’auteur qui sont ses porte-paroles, en même temps qu’on considère comme la pensée de l’auteur ce que raconte le narrateur.

Deux enjeux se dessinent en fait ici. D’un côté, l’écrivain (Tolstoï, Ibsen) porte un message idéologique qui a une signification de classe (généralement du côté des dominants : Tolstoï le féodal, Ibsen le bourgeois). D’un autre côté, il dit la vérité sur la société bourgeoise, il fait son portrait psychologique, montre les mesquineries de ses calculs. Or, cette vérité peut être employée par les révolutionnaires pour critiquer ou inciter à renverser la bourgeoisie. On a avec Plekhanov, mais surtout avec Lénine et Trotsky une utilisation stratégique du concept d’idéologie. La littérature est une des armes idéologiques dont on peut disposer, il faut déterminer de quel côté elle va pencher, surtout quand les écrivains qui l’utilisent ont une grande notoriété (Lénine écrit ses articles sur Tolstoï au moment des quatre-vingts ans de l’auteur et à l’occasion de sa mort, donc à des moments de forte médiatisation).

Pour Mao Zedong, chez qui l’on trouve également une réflexion sur la littérature, il faut distinguer être de classeposition de classeattitude de classeétude de classe[4]. Ce qui implique donc déjà de séparer la position politique et l’origine sociale, qui n’est plus un facteur déterminant, pour peu qu’un écrivain se tienne sur les positions du prolétariat, ait une attitude qui réponde aux exigences de ces positions (notion qui semble recouper à la fois l’habitus et la pratique militante), et ait une formation théorique conforme à la position de classe (une éducation de parti par exemple, et pas seulement une éducation bourgeoise).

Alain Badiou, appliquant les catégories de Mao à Tolstoï, résume : son origine sociale est l’aristocratie féodale russe, sa position de classe, celle de la paysannerie, son attitude de classe oscille entre celle d’un aristocrate et celle d’un paysan, et il a une culture de classe essentiellement bourgeoise (je ne sais pas en réalité si elle est davantage bourgeoise ou aristocratique, mais là n’est pas la question). En somme, si l’origine sociale n’est pas nécessairement un facteur explicatif de la teneur idéologique d’une production littéraire, cette teneur idéologique, et son importance stratégique, sont en revanche toujours liées à une classe, fût-ce une classe d’élection.

On voit aussi que dans la conception de Plekhanov ou de Lénine, l’utilité stratégique de la littérature vient de ce qu’elle dit, presque malgré elle, la vérité sur le monde social, et que cette vérité peut être employée à profit par les révolutionnaires. C’est une des raisons pour lesquelles Lénine a exprimé le souhait, mi-ironique, que l’on diffusât certaines nouvelles du recueil Douze couteaux dans le dos de la révolution, d’Arcadi Avertchenko, auteur contre-révolutionnaire[5], qui selon lui exprimait parfaitement l’état d’esprit des classes réactionnaires russes après la Révolution (paradoxe qui peut rappeler l’attitude de Marx et d’Engels à l’égard de Balzac).

Du monde fictionnel à la vision du monde

Avant d’aborder ce deuxième enjeu qu’est le rapport à la vérité, il faut d’abord faire état d’une difficulté : pour Lénine et Trotsky notamment, la littérature a une définition très large, transgénérique : elle désigne toute production écrite (comme on parle de littérature scientifique). Or, on aurait tendance spontanément à ne pas mettre sur le même plan les romans de Tolstoï et ses brochures politiques, si littéraires fussent-elles.

C’est pourtant ce que fait Lénine en parlant en général de Tolstoï et sans citer de passage précis de ses textes. Il n’y a pas de traitement spécifique réservé à la fiction dans les articles de Lénine consacrés à Tolstoï, alors même que l’univers fictionnel n’a pas nécessairement vocation à s’ériger en une vision du monde générale. Le refus d’accorder un statut idéologique particulier à la fiction ou à la poésie semble en réalité récurrent dans la critique marxiste, et militante de manière plus générale[6].

Marx et Engels eux-mêmes, et en général beaucoup de critiques qui prétendent situer l’orientation politique et idéologique d’une œuvre fictionnelle ou artistique font comme si l’œuvre livrait directement un discours idéologique. Le travail critique est alors un travail de reconstitution d’un discours idéologique à partir d’une production artistique.

Dans deux chapitres de La Sainte Famille[7], Marx analyse le roman feuilleton d’Eugène Sue, Les Mystères de Paris. Certains socialistes voient alors dans le roman à succès un modèle de socialisme, quand Marx considère au contraire Sue comme un idéologue bourgeois paternaliste. Eugène Sue lui-même se disait socialiste, et intégrait à son roman des propositions de réformes sociales (la banque des pauvres, par exemple). L’attitude de Marx consiste, dans La Sainte Famille, à faire une lecture au premier degré du livre : il prend donc au sérieux une œuvre de fiction (et va même jusqu’à réfuter le projet de banque des pauvres pour des raisons économiques). « Le dynamisme du récit, les mécanismes de l’immersion fictionnelle, les émotions suscitées par la lecture semblent donc totalement évacuées au profit d’une analyse idéologique des contenus[8]. »

En somme, Marx, pour se livrer à une analyse idéologique, fait comme si ce n’était pas de la littérature. L’approche est en soi tout à fait valable : en effet, un certain nombre d’éléments produisent une défictionnalisation de l’œuvre, notamment le fait que Sue expose ses idées dans le même journal où il publie Les Mystères de Paris. Mais elle passe à côté de la spécificité du phénomène littéraire. L’idéologie comme concept critique a ici une fonction réductrice et polémique. Elle ramène la littérature à un discours politique ou économique. Elle réduit donc une forme idéologique à une autre forme idéologique.

L’idéologie comme matériau littéraire

Un saut dans le temps est nécessaire pour examiner une autre tentative d’approche de la littérature, qui tente cette fois-ci d’intégrer la spécificité du fait littéraire : celle des althussériens. Ce terme est à entendre dans un sens large : si ce sont bien les élèves d’Althusser qui s’attachent les premiers à produire une articulation systématique entre littérature et idéologie, l’influence d’une vulgate althussérienne se fait également sentir chez plusieurs critiques postérieurs[9]. Leur cadre conceptuel de départ est celui d’Althusser, autrement dit celui d’une rupture forte, qualitative, entre idéologie et science. Ce cadre conceptuel impliquerait a priori que l’art et la littérature se situent d’un côté ou de l’autre, et Althusser lui-même inclut à plusieurs reprises l’esthétique dans l’idéologie.

Or, ce que l’on rencontre à partir de ce cadre théorique, c’est surtout une tentative de situer la littérature dans un troisième lieu, ou du moins dans un en-dehors de l’idéologie. C’est le postulat de départ que formule Alain Badiou dans l’article précédemment cité, « L’autonomie du processus esthétique ». L’article propose une analyse de l’idéologie à l’intérieur des œuvres, mais dans le but de mettre au jour le processus esthétique, c’est-à-dire la forme de production particulière qu’est la production littéraire ou artistique en général. Et selon Badiou, l’art se distingue de l’idéologie, mais se distingue aussi de la science. Badiou sort donc d’emblée de la dichotomie science/idéologie, pour essayer de s’interroger sur la spécificité de l’art.

S’il semble nécessaire d’aller plus loin qu’une perspective simplement réductionniste et mécaniste, et surtout de résoudre l’aporie que j’ai signalée, et qui conduit par exemple Lénine à dire que l’art est idéologique mais dit la vérité, néanmoins on peut avoir l’impression récurrente qu’Alain Badiou reproduit là une vision romantique de l’art, comme création échappant aux conditions historiques matérielles et donc ne faisant pas partie de l’idéologie. « L’art, en tant que réalisation et dénonciation différentiante de l’idéologie, est structurellement plus proche de la science que de l’idéologie. Il produit la réalité-imaginaire de ce dont la science produit la réalité-réelle. »

Pour le dire autrement, avec des moyens imaginaires, la littérature parle de la réalité. Elle dit la vérité sans faire exprès, sans disposer d’une théorie vraie, et c’est donc au théoricien des idéologies de dégager la vérité sociale à partir des œuvres d’art. L’œuvre littéraire se nourrit d’idéologie, elle la prend et lui donne une forme visible, elle l’insère dans un autre réseau de significations qu’elle-même, et par conséquent la dénonce comme idéologie. L’influence de la psychanalyse est ici sensible en ce que l’idéologie est largement conçue comme un phénomène inconscient, que le passage à la conscience userait nécessairement.

La démonstration de Badiou semble par ailleurs se faire surtout au moyen d’une métaphore spéculaire tirée de Lénine et déjà filée par Pierre Macherey[10], dont nous présenterons la réflexion plus bas, et qui est le point de départ de celle de Badiou. Cependant Badiou ne se satisfait pas d’une esthétique qui conçoit encore l’art comme un rapport entre l’œuvre et le réel. Selon lui il y a une autonomie du mode de production esthétique qui va plus loin que l’esthétisation d’un matériau idéologique. Ce qui empêche de le percevoir, ce sont des éléments idéologiques présents dans l’œuvre mais qui lui restent extérieurs.

La seconde partie de l’article de Badiou va porter sur ces éléments qu’il appelle les énoncés idéologiques détachables, c’est-à-dire des morceaux d’idéologie contenus dans la littérature, et qui selon lui ne font pas partie du processus esthétique. Il s’agit de toutes les maximes ayant une validité logique universelle, qu’on peut trouver dans l’œuvre sans qu’elles soient insérées à la trame narrative de celle-ci, et dont selon lui on doit faire abstraction pour comprendre le processus esthétique.

Par exemple, si un narrateur de roman dit « la marquise sortit à cinq heures », ce n’est pas un énoncé idéologique séparable, car il n’a pas de valeur universelle ; si un personnage dit « la lutte des classes n’existe plus », ce n’est pas un énoncé idéologique parce qu’il est intégré dans la fiction, porté par une subjectivité ; mais si un narrateur impersonnel le dit, c’est un énoncé idéologique, et l’analyse esthétique de l’œuvre doit le mettre de côté. Évidemment il y a dans ce concept quelque chose d’assez grossier : un personnage pourrait être un porte-parole de l’auteur, tandis qu’un narrateur peut exprimer une idéologie que l’auteur ne partage pas, et enfin un livre de maximes, ou un essai littéraire, constituent aussi une élaboration esthétique, une œuvre littéraire. Badiou propose sans la démontrer une résolution partielle de ce problème en estimant qu’il y a d’une part des énoncés idéologiques insérés, en forçant l’œuvre pour ainsi dire, et d’autres qui sont intégrés, travaillés par l’œuvre, mais qui sont « différentiellement homogènes », déjà esthétiques.

Mais surtout, Badiou semble faire une théorie du processus esthétique qui a vocation à s’étendre à toute la littérature pour l’exclure de la sphère idéologique. Tout procédé littéraire (mise en intrigue par un roman ou une pièce de théâtre, versification, etc.) peut tendre à intégrer les énoncés idéologiques dans le processus esthétique. Pour autant, l’idée d’étudier des énoncés idéologiques isolables est féconde, puisqu’il faut bien, s’il y a de l’idéologie dans la littérature, qu’elle se trouve quelque part, et elle peut se trouver sous la forme d’énoncés.

Chez Pierre Macherey lui-même, à l’époque de Pour une théorie de la production littéraire (1966)[11] ce ne sont pas les énoncés qui font l’objet de l’analyse comme formes idéologiques. Sa réflexion porte davantage sur la forme des œuvres, sur la façon dont elles sont produites. Pour lui l’œuvre est la rencontre d’un projet idéologique et d’une forme artistique (romanesque par exemple). L’idéologie est un des éléments qui permettent la production littéraire, c’est un matériau de départ. Mais les différents matériaux se contredisent ou au moins s’imbriquent. La forme artistique (l’intrigue, le décor, etc.) intègre le projet idéologique avoué. Macherey récuse la critique littéraire qui consiste à dévoiler l’idéologie sous les apparences littéraires. Montrer à partir des romans de Balzac en quoi il est réactionnaire n’aurait aucun intérêt heuristique, Balzac revendiquant explicitement l’influence de Bonald. Au contraire, le but de la critique doit être de montrer les ressorts de la production littéraire, i. e. comment on produit de la littérature avec de l’idéologie.

Macherey prend l’exemple des Paysans, et affirme à propos de Balzac que, même s’il a un projet idéologique monarchiste et réactionnaire (qui est de dire l’effrayante vérité sur le peuple qui conspire contre la société), il est amené, pour réaliser ce projet idéologique avec des moyens romanesques, à mettre en scène les luttes de classe à la campagne, à donner la parole aux paysans. En cela, Macherey reprend l’idée très classique, et qui date d’avant Marx[12], d’un Balzac révolutionnaire malgré lui. Par ailleurs, et on verra en quoi cela le distingue de Lukacs, Macherey montre que Balzac reproduit, dans ses romans, des apparences de sciences, des substituts littéraires de la réalité. La complexité des relations sociales réelles est rendue sensible par les liens entre les romans de la Comédie humaine ; ou encore, les fameux types sociaux décrits par Balzac le sont sur le modèle des espèces animales décrites par Buffon : Macherey n’est pas dupe de leur valeur sociologique. Balzac n’est pas le sociologue des rapports de classes ni des représentants des classes.

L’étude consacrée à Jules Verne propose le même paradoxe analytique. Jules Verne qui se présente explicitement comme un écrivain bourgeois, va, dans ses romans, à l’encontre de sa propre idéologie bourgeoise. Alors qu’il est censé exprimer le désir progressiste et scientiste de la bourgeoisie (qui espère dominer le monde grâce à la technique), Jules Verne met en scène des personnages qui ne font que marcher dans les pas de prédécesseurs. Par exemple dans Voyage au centre de la Terre, où les deux héros suivent la trace d’un explorateur du Moyen-âge. C’est là une lecture qui s’oppose nettement à celle de Roland Barthes.

Ce dernier ne s’intéresse pas tant aux énoncés phrastiques qu’à des énoncés qui passent par d’autres systèmes de signes que le langage. Le projet des Mythologies, c’est de dévoiler les différents avatars de l’idéologie bourgeoise dans la culture de masse : le steak-frites, la Citroën DS, mais aussi Jules Verne, qui est un des rares auteurs littéraires auxquels il consacre un article. L’idée développée par Barthes est qu’il y a des schémas narratifs, des images récurrentes chez Jules Verne : l’image de la carte, de l’espace qu’on remplit, se trouve dans tous les romans de Jules Verne, et exprime le désir bourgeois de conquête du monde et de domination de la nature. Donc l’idéologie bourgeoise est concentrée ici dans un de ses aspects (la fascination pour le progrès), et se reflète dans des fictions (les histoires de machines), mais aussi des images (le territoire inconnu qui doit être découvert, comme dans Voyage au centre de la Terre, et en général les métaphores de la clôture, de l’univers plein comme un œuf, analogue à la fermeture sur soi de la maison bourgeoise).

Lecture mécaniste s’il en est ! Jules Verne, auteur bourgeois, exprime une idéologie bourgeoise dans des fictions qui globalement parlent de domination de la nature. C’est d’ailleurs le projet explicite de Jules Verne. Si Barthes se permet cette analyse, c’est qu’elle est sous-tendue par une hiérarchisation entre des œuvres sérielles (Jules Verne, la littérature de grande consommation en général, la « sous-littérature » à destination des masses : série noire, science-fiction) et des œuvres littéraires à part entière, Racine, Sade, Flaubert, etc. qui ne sont donc pas des produits idéologiques, et sont même autonomes, indépendantes des situations matérielles qui les ont vues naître, de purs textes. Autant dire que c’est une conception à la fois très élitaire et très romantique, idéaliste de la littérature. L’idéologie est utilisée comme concept démystificateur, démasquant l’idéologie bourgeoise derrière une de ses manifestations particulières qu’est le fantasme de domination de la nature et de réduction du monde à une matière maîtrisable, enclose.

Macherey s’oppose en apparence à Barthes, en considérant que l’œuvre de Verne n’est pas un simple concentré fictionnel d’idéologie bourgeoise, mais une vraie production littéraire. Seulement Macherey a, comme on l’a dit, tendance à évacuer l’idéologie de toute la littérature. L’idéologie est pour lui un discours mou, qui ne peut jamais rentrer en contradiction avec lui-même. C’est quelque chose d’essentiellement souterrain. Or, la littérature donne une forme définie à l’idéologie qui n’est pas censée en avoir. Elle opère une sorte de dévoilement de l’idéologie, elle la démasque et la présente comme telle, dans son inconsistance. L’idéologie contre-révolutionnaire de Balzac est mise en crise par les romans de Balzac lui-même, idem pour Jules Verne. Conclusion implicite de Macherey : la littérature est toujours au-delà de l’idéologie, sans être pour autant de la science.

Dans l’ensemble, Macherey et Badiou essaient de tenir une position intenable : partir d’une grille de lecture althussérienne qui oppose science et idéologie de façon nette, et en même temps trouver une voie intermédiaire pour la littérature, ni science ni idéologie. Et cette option me semble être tributaire de la même idéalisation de la littérature que chez Barthes (à ceci près donc que Macherey considère Jules Verne comme un auteur au sens fort du terme).

L’idéologie et le pouvoir de figuration de l’auteur

Jusque-là, on aura essentiellement abordé le concept d’idéologie comme un concept polémique et réductionniste. Dire que la littérature est de l’idéologie, pour les théoriciens qu’on a abordés, de Marx à Macherey, c’est toujours plus ou moins dire qu’elle est moins que ce qu’elle croit être, qu’elle n’est qu’un reflet d’intérêt de classe, que sa forme artistique est un voile placé sur sa fonction sociale. Ce qui explique les stratégies pour distinguer littérature et idéologie. Quand on sort de ce cadre, on trouve des manières tout à fait différentes d’aborder les œuvres littéraires à partir de ce concept. C’est le cas de l’approche lukacsienne de la littérature comme forme expressive de l’idéologie. La littérature, dans cette perspective, est capable d’exprimer l’idéologie, cela constitue un pouvoir positif.

La réflexion de Lukács dans Balzac et le réalisme français (première édition française : F. Maspéro, 1967) est centrée autour de la notion de réalisme en littérature. Pour Lukács, Balzac est un écrivain réaliste, qui propose une vision vraie de la société de son temps, grâce à son travail littéraire. Au contraire, une partie de ce travail n’est plus faite chez Flaubert ou Zola, ce qui fait d’eux les représentants d’une dégradation conjointe du réalisme et de la littérature (Lukács propose là un critère de hiérarchie esthétique, en fonction de la véracité d’une œuvre littéraire). Balzac montre les conflits de classe qui animent la société de son temps, il rend sensible son dynamisme historique, il fait s’affronter des classes et des idéologies de classes antagonistes. Tout cela est mis en œuvre par des moyens littéraires : la mise en intrigue, la dramatisation du récit, le lien organique entre la description des lieux et celle des personnages, qui inscrit les individus dans des structures plus larges. Ce lien entre les individus et le décor pour lequel Balzac est connu (la pension Vauquer dans Le Père Goriot) n’est pas vraisemblable. Or, le réalisme ne consiste pas à être vraisemblable, mais à mettre en forme des structures, des types sociaux, à partir d’une réalité éclatée pour la saisir dans son ensemble.

En fait, nous dit Lukács, Balzac fait le même travail que Marx, à savoir de s’abstraire partiellement de la réalité pour voir quelles sont les lignes de force, les dynamiques centrales ou tendancielles du monde social (Marx élabore un concept du capitalisme relativement indépendant de sa forme empirique ; on ne s’intéresse pas à ce qui est majoritaire, mais à ce qui est appelé à prédominer ; on dépasse la réalité empirique des individus pour concevoir les classes sociales). Un tel travail présuppose que l’histoire est ouverte, que le romancier a un rôle à y jouer. Au contraire, avec Flaubert et Zola, l’écrivain colle au monde social tel qu’il est. Les descriptions d’objets et de lieux sont gratuites, elles servent uniquement à produire un effet de réel. L’intrigue s’atténue, n’est plus dramatisée, sauf sur un mode statique (c’est surtout vrai pour Flaubert). L’histoire est close, l’écrivain ne participe plus à son élaboration, il est cantonné dans son rôle d’écrivain par la division sociale du travail. Il décrit le réel, mais ne produit pas une description vraie de la réalité. C’est en fait la présence de l’idéologie dans la littérature qui est valorisée. Balzac en exprimant l’idéologie de l’aristocratie d’un côté, de la bourgeoisie de l’autre, voire celle de la paysannerie dans Les Paysans, a produit une œuvre supérieure, historiquement plus vraie, et aussi plus révolutionnaire, quand bien même il adhère personnellement à l’une de ces idéologies (aristocratique).

Le deuxième critique à radicaliser cet usage paradoxal du concept d’idéologie est Lucien Goldmann, avec Le Dieu caché (1955). Goldmann est aussi le principal introducteur de Lukács en France, et se réfère massivement à lui dans ses différents ouvrages. Lukács avait peu de scrupule à affirmer comme Marx que les romanciers réalistes disaient la vérité sur le monde. C’est évidemment une façon de voir qui nous étonne un peu, et qui prête un grand pouvoir à la littérature, une façon de voir peut-être marquée par les mythes et la culture classique du XIXe siècle, dont Lukács a hérité. Goldmann reprend et développe sa théorie, mais sous un angle différent.

Le Dieu caché fait une hypothèse particulièrement originale sur les rapports entre idéologie et littérature. Goldmann sépare clairement pour commencer les œuvres littéraires valables de celles qui n’ont pas de valeurs. Il y a les œuvres qui ne font que reproduire des formes littéraires vides, anhistoriques, des formes qui existaient déjà. Et d’autre part, il y a les œuvres valables, qui ont une cohérence idéologique, qui expriment au mieux l’idéologie d’une classe ou d’un groupe social, et qui sont porteuses d’enjeux sociaux et historiques. C’est l’expression de l’idéologie qui fait la valeur de l’œuvre. Goldmann a une position exactement inverse à celle de Barthes, ou de Macherey. La grandeur de l’œuvre de Pascal et de Racine est justement d’exprimer au mieux l’idéologie (ou la « vision du monde ») janséniste. Une œuvre non-idéologique n’est au contraire qu’un jeu purement formel et autotélique.

Le travail de Goldmann sur le concept d’idéologie consiste à articuler trois strates : la situation historique du groupe social (qui ne se limite pas à la classe) ; sa vision du monde ; l’œuvre de l’auteur. Dans le cas de Pascal et Racine, le groupe social en question est la noblesse de robe. Sa situation historique au XVIIe est une situation de déclin : elle disposait jusque-là d’un pouvoir parlementaire, à la fois politique et judiciaire. Elle constitue un corps à part, qui a une relative indépendance, mais dont le pouvoir dépend en dernière instance du roi.

Or, à partir du XVIIe, et notamment sous Richelieu, le pouvoir français se centralise, et Richelieu confie un certain nombre de prérogatives (judiciaires notamment) à des commissaires et à des intendants, et retire ces prérogatives à la noblesse de robe et aux différents Parlements. Celle-ci se retrouve alors dans une situation contradictoire : c’est une classe menacée par le pouvoir royal, et qui pourtant dépend largement de lui. Deux réactions, non exclusives l’une de l’autre, s’offrent à elle : la lutte de classe (une résistance politique active) ou la constitution d’une idéologie qui prend acte de l’impuissance de cette classe : le jansénisme. C’est ce que Goldmann appelle de façon large une « vision du monde », un système de représentation qui en l’occurrence justifie l’abandon du « monde », de la carrière, de la politique, pour des raisons en apparence théologiques (retour à l’augustinisme, croyance en la prédestination, foi en un Dieu absent du monde, fidélité nécessaire à une Église que l’on sait pourtant faillible). Les jansénistes étant pour la plupart issus de la noblesse de robe, Goldmann propose comme hypothèse historique ce lien entre un groupe social et une idéologie, ainsi qu’entre une idéologie et l’expression littéraire et philosophique adéquate à cette idéologie (les œuvres de Racine et Pascal).

Le jansénisme propose une vision tragique du monde (que Goldmann théorise en se référant aux premiers écrits de Lukács), et Pascal et Racine donnent forme aux aspects fondamentaux de cette idéologie. Pour le janséniste, la seule alternative envisageable est entre l’éternité ou le néant. Le temps n’existe pas, cette question de l’éternité ou du néant se posant de manière absolue à tout moment. C’est pourquoi il n’y a pas de temps dans les tragédies raciniennes, la règle constamment respectée par Racine (et constamment transgressée par Corneille) de l’unité de temps vient, non pas du purisme formel de Racine, mais du cadre idéologique dont son œuvre émane. Il n’y a ni passé ni avenir pour un janséniste, c’est la raison pour laquelle les pièces de Racine forment des univers clos.

De même, la présence de nombreux paradoxes et d’une écriture fragmentaire chez Pascal provient selon lui du paradoxe de l’homme tragique, dont la pensée s’exprime par des dilemmes, des antithèses, des affirmations contradictoires qui n’appellent pas de résolutions (le janséniste aspire à une morale absolue, mais il est impossible de la trouver dans le monde). La valeur des œuvres littéraires consiste donc à donner une forme adéquate à une idéologie. La portée esthétique de ces œuvres, leur charge émotive, semblent dépendre de la présence d’une idéologie, c’est-à-dire de l’inscription au sein de ces œuvres d’enjeux historiques forts.

C’est paradoxalement le fait que les œuvres soient marquées historiquement qui, selon Goldmann, les fait accéder à la postérité. La position de Goldmann est donc à certains égards aussi à l’opposé de celle de Badiou, qui voyait la spécificité et la valeur de la littérature dans les modes de production esthétique, c’est-à-dire en fait dans les procédés d’esthétisation formels. En l’absence de travail sur un matériau idéologique, ces processus esthétiques seraient, si l’on suit Goldmann, de simples formes vides, dont la présence peut cependant faire l’objet d’une réflexion en termes d’idéologie. Le travail de Goldmann sur le formalisme en littérature, qu’il amorce dans Pour une sociologie du roman (1964), est malheureusement souvent insatisfaisant, le parallèle qu’il trace entre une période historique du capitalisme (son stade financier) et une forme esthétique (le Nouveau Roman), au moyen de la notion d’homologie, semblant constituer un retour à un déterminisme beaucoup plus mécaniste.

 

Nous avons proposé une histoire du concept d’idéologie animée par trois grands usages. Tout d’abord un usage stratégique : une œuvre exprime l’idéologie, donc les intérêts et les aspirations d’une certaine classe. Si à cause de cela elle en vient à s’opposer à la classe bourgeoise, elle est utile stratégiquement, comme instrument de propagande. Cela correspond au sens instrumental du concept d’idéologie (l’idéologie comme instrument de domination d’une classe dans le domaine idéel). De cet usage stratégique découlent en partie les conceptions normatives de la littérature, visant à infléchir la création littéraire dans le sens d’un projet politique de classe. L’usage qu’on pourrait dire épistémologique du concept semble étroitement lié au précédent.

La question de la véracité de la littérature est une question qui semble ne se poser aussi directement qu’en raison de l’inscription de la littérature dans un rapport de forces plus large. Dans les deux cas, le concept d’idéologie tend à aplatir le phénomène littéraire, à le mettre sur le même plan que les autres phénomènes superstructurels. Le troisième usage est la conception expressive de la littérature. La littérature est conçue comme une forme idéelle qui exprime l’idéologie, qui donne à l’idéologie une forme qu’elle n’avait pas jusque-là. Cette conception fait une grande place à la spécificité de la littérature, elle s’ouvre potentiellement sur une véritable analyse des formes littéraires (genres littéraires employés, procédés dramatiques, style d’écriture).

Dans certains cas, elle conduit cependant à dissocier littérature et idéologie (en tant que l’idéologie est ce qui reste caché, voilé, inconscient, alors que la littérature la rend visible et la met à distance). Dans d’autres (chez Goldmann surtout), elle conduit à les rapprocher. Dans tous les cas, contrairement aux études littéraires traditionnelles, et actuellement majoritaires à l’université, la position de surplomb construite par la critique littéraire matérialiste ne peut pas être une position anhistorique. Le discours de vérité qu’elle produit et à partir duquel elle analyse la littérature comme forme idéologique est un discours sous-tendu par une prise de position historique et politique. En tant que tel, mettre en avant dans les études littéraires un concept comme celui d’idéologie implique de récuser la neutralité axiologique de la science, mais aussi au minimum de questionner la gratuité de la production littéraire.

Notes

[1] Les exposés du séminaire « Lectures de Marx » et du Séminaire littéraire des Armes de la Critique, qui ont servi de base à cette synthèse, sont pour la plupart consultables en ligne sur http://adlc.hypotheses.org/.

[2] Georges Plekhanov, L’Art et la vie sociale, Éditions sociales, 1953, pp. 227-228.

[3] https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/litterature/tolstoi.htm.

[4] On trouvera la synthèse des élaborations théoriques de Mao Zedong concernant la littérature dans l’article d’Alain Badiou, « L’autonomie du processus esthétique », Cahiers marxistes-léninistes, n° 12-13, consultable en ligne : http://adlc.hypotheses.org/archives-du-seminaire-marx/cahiers-marxistes-leninistes/cahiers-marxistes-leninistes-n1213-viii. Le texte des causeries de Yenan se trouve à la page http://adlc.hypotheses.org/archives-du-seminaire-marx/cahiers-marxistes-leninistes/cahiers-marxistes-leninistes-n12-13-ix.

[5] Lénine, Sur l’art et la littérature, t. 3, 10/18, 1976, p. 286.

[6] On pourrait mentionner parmi d’autres le site internet lecinemaestpolitique.fr.

[7] Nous restituons ici l’exposé d’Anaïs Goudmand et Alice de Charentenay au séminaire « Lectures de Marx » de l’ENS Ulm, présenté le lundi 20 mai 2013, et qui a donné lieu à l’article « Fiction et idéologie : Marx lecteur des Mystères de Paris », consultable sur  http://contextes.revues.org/5991.

[8] Idem.

[9] On peut déceler cette influence chez Marc Angenot, qui se réfère en partie à Althusser, et qui situe l’idéologie dans les présupposés logiques, donc implicites, d’un énoncé, et pas dans l’énoncé lui-même. Dominique Maingueneau, dans l’introduction de L’analyse du discours : introduction aux lectures de l’archive, rappelle lui-même l’importance conjointe de l’althussérisme et du lacanisme dans la naissance de l’analyse du discours.

[10] Alain Badiou cite et discute l’article de Pierre Macherey « Lénine critique de Tolstoï », paru dans La Pensée de juin 1965, et repris dans Pour une théorie de la production littéraire, F. Maspéro, coll. « Théorie », 1966. Macherey publie dans le même numéro des Cahiers Marxistes-léninistes l’article « Les Paysans, de Balzac : un texte disparate » qui sera aussi repris dans le livre mais augmenté d’un paragraphe de commentaire se référant à l’article de Badiou.

[11] Cet ouvrage de Pierre Macherey est disponible en ligne, en libre accès, à l’adresse suivante :  http://books.openedition.org/enseditions/628.

[12] Victor Hugo notamment, dans son discours du 21 août 1850 pour la mort de Balzac.