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Evacuation de Tolbiac : les raisons qui font douter des communiqués officiels…
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Le matin du vendredi 20 avril, les CRS ont évacué le site de Tolbiac de l’Université Paris 1, occupé pacifiquement depuis 20 jours par les étudiants mobilisés contre la loi ORE. Contrairement aux communiqués officiels, des témoins attestent que l’opération policière s’est faite dans la violence et a fait quatre blessés, dont un grave, qui aurait été déséquilibré par un policier et tombé de 3 mètres sur la tête dans la rue Baudricourt. Concernant ce dernier blessé grave, aucune information officielle ne filtre pour l’instant. Même si plusieurs incohérences laissent à penser que les autorités ne souhaitent pas faire toute la lumière sur cette affaire.
1. Des témoignages concordants attestant de 4 blessés inaudibles dans les grands médias
Vendredi 20 avril, entre 5h et 5h30 du matin, les CRS et des membres de la Brigade Anti-Criminalité ont procédé à l’évacuation du site de Tolbiac de l’Université Paris 1, occupé pacifiquement depuis 20 jours par les étudiants mobilisés contre la loi ORE. D’après nos témoignages recueillis sur place à 11 heures auprès des occupants tout juste délogés de l’amphi N dans lequel ils étaient en train de dormir, l’évacuation par les gendarmes, armés de FAMAS et de tronçonneuses, utilisées vraisemblablement pour ouvrir les portes dans les étages en plus des gazeuses et des matraques habituelles, a été très musclée.
Les étudiants délogés que nous avons interrogé, retrouvés sur le trottoir opposé de la rue de Tolbiac le matin, parlent de quatre blessés. « Je sais qu’il y a trois camarades qui sont à l’hôpital : un qui essayait de fuir par la grille, un keuf l’a rattrapé et relâché donc il s’est éclaté la gueule contre le pavé. [le deuxième] a été castagné à la tête, il avait une arcade ouverte et a du être envoyé à l’hosto. Le troisième, ici [sur la rue de Tolbiac devant le site PMF], [lorsque] les keufs ont essayé de nous nasser, […] lui qui avait déjà mal à la cheville a été jeté à terre, et sa cheville était en piteux état. Il a du être évacué par les pompiers » raconte Juliette, étudiante en L2 à Paris 1. Une autre témoin, interrogée sur place, elle aussi étudiante en philosophie à Paris 1, rapporte le cas de « deux blessés qui sont à l’hôpital » dont la quatrième, « une pote qui a le doigt cassé ».
Quatre personnes auraient été blessées, dont un gravement à la tête, un cas attesté par des étudiants délogés présents le matin en face de l’université, mais aussi par les trois témoignages concordants recueillis par le journal en ligne Reporterre : « Le blessé, tombé sur le visage, a du sang qui sort par la bouche, le nez et les oreilles. Les témoins tentent de le réanimer, en vain. L’homme est dans un état d’inconscience. ». Dans ce même article, il est écrit qu’un « autre étudiant a vu les agents de nettoyage avec leur camionnette », information qui nous a également été donnée par un témoin présent lors du rassemblement.
A 12h, la partie de la rue Baudricourt donnant accès aux grilles situées à l’arrière du site PMF-Tolbiac, d’où serait tombé la personne, était totalement bouclée par des camions et des lignes de CRS, la rendant inaccessible, y compris aux habitants.
Contrairement à ces témoignages, le premier communiqué officiel de la préfecture rendant compte d’une évacuation réalisée « sans aucun blessé » est repris unilatéralement dans les médias.
Force est de constater qu’y compris sur le plateau de LCI, où Juliette, étudiante en L2, a été invitée par David Pujadas vendredi dernier, l’évocation du blessé grave n’est pas relevé par les journalistes.
2. « sans incident », ni « blessé » puis « sans blessé grave » : un communiqué de la préfecture de police qui change de version au cours de la journée
Dans son premier communiqué, publié tôt le matin, quelques heures après les faits, la préfecture de police de Paris rendait compte d’une « évacuation, qui a concerné environ 100 personnes, [et] s’est déroulée dans le calme et sans aucun incident ». Et d’attester que, « dès l’arrivée des forces de l’ordre plusieurs occupants du site escaladaient les grilles de l’établissement et quittaient les lieux », une information concordant avec les témoignages relevés par Reporterre, sans apporter plus de détail sur le sort de ces occupants ayant fui par les grilles, dont aurait pu faire partie le jeune tombé sur le crâne.
Conformément au communiqué de presse diffusé ce matin la @prefpolice confirme qu’il n’y a eu aucun blessé lors de l’opération d’évacuation de ce matin à #Tolbiac pic.twitter.com/a2GxAAalst
— Préfecture de police (@prefpolice) 20 avril 2018
Mais quelques heures plus tard en fin de journée (à 19h50 sur Facebook), un second communiqué est publié et donne une nouvelle version sur l’évacuation. Après avoir réalisé des « recherches auprès des services de secours (SAMU et BSPP) et des différentes unités de réanimation des hôpitaux du secteur » dit-il, il ressort « aucune blessé grave qui puisse être en lien avec cette opération n’a été hospitalisé dans les services de réanimation, tant médicale que chirurgicale ou neurochirurgicales ». Mais d’y ajouter qu’à « 6h11, un jeune homme a été conduit par la Brigade des Sapeurs Pompiers de Paris à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière pour une douleur au coude ; l’intéressé à quitter l’établissement de lui-même à 7h30 ».
La préfecture de police de Paris passe donc d’une version « sans incident », ni blessé, le matin, à « sans blessé grave » le soir, tout en reconnaissant l’existence d’un blessé léger au coude.
Cette information d’un « blessé au coude » n’est reprise dans aucun témoignage recueillis des étudiants présents sur place qui parlent eux de blessures à la cheville, au doigt, à l’arcade sourcilière et d’un blessé tombé sur la tête.
3. L’AP-HP dément la prise en charge d’un « étudiant grièvement blessé ». Mais n’infirme pas l’idée d’un jeune évacué à Tolbiac, possiblement non étudiant.
Samedi 21 avril, Sud-Santé AP-HP, fait référence à une source hospitalière selon laquelle « un patient aurait été proposé à la grande garde de neurochirurgie [du Kremlin-Bicêtre] mais refusé […] et transféré dans un autre établissement ».
De toute évidence, comme le confirme le communiqué de l’AP-HP, « les hôpitaux de l’AP-HP n’ont accueilli aucun étudiant grièvement blessé et encore moins dans le coma ». Mais, et s’il ne s’agissait pas d’un étudiant, mais d’un jeune occupant ou d’un sans-papier comme le suggèrent certains témoins ? Le communiqué de l’AP-HP n’en serait pas moins vrai.
Sans remettre en cause le communiqué de l’AP-HP, il pourrait que l’usage des mots ne laisse entrevoir qu’un aspect de la vérité. Un jeune blessé mais pas « un étudiant ».
4. Le nettoyage de la rue Baudricourt, le matin du vendredi 20 avril.
Selon des témoignages recueillis par Reporterre et les nôtres, une équipe de nettoyage de la ville de Paris serait intervenue pour nettoyer des traces de sang situées dans la rue Baudricourt.
A ce titre, le samedi 21 avril, la CGT FTDNEEA (filières Traitement des Déchets Nettoiement Eau Egouts Assainissement) d’abord, puis la CGT Services Publics a demandé « à la ville de Paris de faire la lumière sur la question de l’éventuelle intervention d’une équipe municipale de nettoyage qui aurait effacé les traces de sang »
5. Où sont les vidéos des caméras de surveillance de la rue Baudricourt ?
Concernant toutes ces zones d’ombre, la réponse pourrait être très simplement donnée en consultant les images de vidéosurveillances, dont celle située juste en face des grilles donnant accès sur le site de Tolbiac, comme l’attestent ces images prises par le photoreporter Nooman.
6. Un nouveau Rémi Fraisse ?
Pour l’instant, nulle trace de ce jeune grièvement blessé à la tête. De nombreuses interrogations subsistent. Mais les communiqués officiels laissent entrevoir certaines incohérences, et pourraient, sinon mentir, être tournés de manière à omettre une partie de la vérité.
Cela s’est déjà vu en 2014 pour le cas de Rémi Fraisse, dont la mort à Sivens par explosion d’une grenade de désencerclement a été finalement révélée 48 heures après les faits ; mais aussi à l’été 2016, dans l’affaire Adama Traoré : sa mort a été cachée pendant plusieurs heures à sa famille, le premier examen des causes de décès (usage de drogue puis maladie cardiaque) a été invalidé par une seconde expertise commandée par la famille prouvant qu’Adama était mort par étouffement, suite à un placage ventral utilisé par les forces de l’ordre.
Encore une fois, dans ce cas du blessé de Tolbiac, il y a toutes les raisons de douter de la version officielle et d’exiger que les autorités fassent toute la lumière sur ce qui s’est déroulé, ce vendredi 20 avril, entre 5h et 5h30 du matin.
Révolution Permanente continue d’enquêter sur cette affaire. Nous sommes à la recherche de témoignages ou d’informations sur le cas de ce blessé grave. Pour nous contacter : enquete-tolbiac_revolutionpermanente@riseup.net