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Réforme des retraites : un calendrier et des chausse-trappes
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Top départ pour le projet de retraite par points, avec Jean-Paul Delevoye à la manoeuvre.
"Cette réforme est éminemment politique", a asséné Jean-Paul Delevoye. Cela tombe bien, le haut-commissaire chargé de la réforme des retraites ne fait pas partie des ministres "technos". Son discours, jeudi, pour présenter sa méthode et son calendrier, était lesté de décennies d'habiletés et de rondeurs. Et il en faudra, tant le sujet est sensible, car avec la retraite par points, c'est un véritable big bang qui nous attend !
Certes, notre actuel système de retraites par répartition serait préservé : les générations de travailleurs continueront de cotiser pour payer les pensions des générations retraitées. Mais dans les projets du gouvernement, le mode de calcul des retraites serait adossé à un nouveau système de points, un modèle inspiré de certains de nos voisins, comme la Suède. Le but affiché par Emmanuel Macron :
"Garantir qu'un euro cotisé, quels que soient votre situation, votre statut, votre secteur d'activité, donne les mêmes droits."
Objectif : 2019
La réforme des retraites devrait être débattue au Parlement "au cours du premier semestre 2019", a rappelé Jean-Paul Delevoye. "Le calendrier de cette réforme nous permet de profiter de toute l'année 2018 pour discuter, dialoguer", a-t-il souligné. Il a commencé à recevoir les syndicats et les organisations patronales pour une concertation organisée en six grands blocs thématiques :
- définition du nouveau régime : niveau de couverture, d'assiette, taux de cotisation (avril-mai)
- prise en compte des droits liés à la maladie, la maternité, le chômage, minimas de pension (mai-juin)
- égalité hommes-femmes et droits liés au nombre d'enfants (juin-juillet)
Puis, de septembre à décembre :
- conditions d'ouverture des droits à la retraite
- conditions des départs anticipés
- gouvernance du système et modalités de transition entre l'ancien et le nouveau système.
Avec ces consultations, Jean-Paul Delevoye tourne le dos à la méthode choisie par le gouvernement pour réformer la SNCF.
"Je suis pour la réhabilitation des syndicats", a-t-il souligné jeudi. "J'ai ma méthode. Nous allons confronter les points de vue par la discussion."
La CFDT apprécie, même si l'engagement de campagne du candidat Macron de "créer une commission transpartisane" n'est pas tenu. Le syndicat Force ouvrière, pour sa part, dénonce un "bla-bla" :
"Démarrer la concertation en ayant expliqué à la fois quand elle se termine et comment elle va se terminer, ça donne envie d'y aller…", ironise Pascal Pavageau, le prochain secrétaire général de FO.
L'ampleur de la réforme – une réforme "systémique", disent les experts – provoque toute une série de questions en cascade. Elles ont été mises en évidence par les différents invités du colloque qui était organisé jeudi au Sénat, et que Jean-Paul Delevoye concluait. Des questions sensibles auxquelles le gouvernement devra répondre.
Pourquoi aller aussi vite ?
En Suède, la réforme a été débattue durant une dizaine d'années, entre 1991 et 2001, avant une mise en œuvre très progressive, souligne Dominique Acker, ancienne conseillère sociale à l'ambassade de France en Suède. Emmanuel Macron et Jean-Paul Delevoye espèrent, eux, tout boucler en huit mois... Gare à un tempo trop rapide, prévient Raymond Soubie, président d'Alixio et ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy à l'Elysée :
"Tout temps apparemment perdu dans la préparation de la réforme est du temps gagné. Nous ne sommes pas à un trimestre près... d'autant qu'on aurait pu attendre encore trente ans sans souffrir outre mesure."
Le gouvernement saura-t-il expliquer en quoi il y a urgence ?
Cette réforme est-elle vraiment indispensable ?
Les réformes de 1993, 2003, 2008, 2010 et 2014 ont atteint une partie de leur objectif : notre régime de retraites est de moins en moins déficitaire – 4,5 milliards d'euros en 2017, 2,2 milliards en 2020, soit 0,1% du PIB selon le COR. L'allongement des durées de cotisation a permis de contenir les dépenses. La France consacre aujourd'hui 14% de son PIB aux dépenses de retraites. Plus que nos voisins, c'est vrai. Mais l'objectif du gouvernement n'est pas de réduire cette part, du moins ce n'est pas annoncé.
Jean-Paul Delevoye le reconnaît :
"Nous avons la chance de ne pas avoir de contrainte budgétaire. Notre système n'est pas malade, et c'est pour cela que je veux une réforme positive."
Alors pourquoi une réforme ? Pour Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, pas question de faire "une énième réforme des retraites". Elle souhaite "un système universel de retraite par répartition" avec pour objectifs de simplifier, de gagner en lisibilité et d'accompagner les mobilités professionnelles – par exemple pour les Français qui changent plusieurs fois de métiers, donc de caisses de retraite.
La retraite par points est-elle la bonne réponse ? "Je ne suis pas certaine qu'une réforme systémique soit nécessaire pour assurer ces objectifs", estime pour sa part Marisol Touraine, ancienne ministre des Affaires sociales de François Hollande. Pas opposée par principe à l'idée d'une réforme de structure, elle souligne le risque de "créer des inquiétudes".
L'exécutif saura-t-il faire la pédagogie d'une réforme aussi colossale ?
Qui gagnerait, qui perdrait ?
"Le jour où la réforme sera annoncée, il y aura 30 millions de Français qui vont sortir leur calculette pour voir ce qui change pour eux", prévient aussi Marisol Touraine. "Et s'il reste des questions sans réponse, ce sera incroyablement anxiogène."
Dans tout jeu à somme nulle, un changement de répartition fait immanquablement des gagnants... et des perdants. Qui seront-ils ? Le gouvernement va-t-il préserver les droits des retraités et des Français proches de la retraite, comme l'a fait l'Italie, au détriment des générations plus jeunes qui ont payé la facture ? Va-t-il jouer sur les niveaux de pensions ?
A ce stade, Jean-Paul Delevoye met en avant ses convictions de gaulliste social pour souligner qu'il sera attentif à la solidarité entre les générations. Réussira-t-il cet exercice d'équilibriste ?
Quel avenir pour les régimes spéciaux ?
Parmi les perdants potentiels, les salariés relevant des régimes spéciaux. Leurs retraites (par exemple celles des cheminots) ont déjà été substantiellement rapprochées du régime général. Mais ces régimes ne sont pas viables, souligne Jacques Bichot, économiste à l'université Lyon 3 :
"Fonctionner avec plusieurs dizaines de régimes catégoriels est une folie, car les professions ne se renouvellent pas à l'identique."
Mais pour Raymond Soubie :
"On n'abolit pas d'un trait de plume tout ce qui existe. Il faut que des régimes spéciaux subsistent car ce serait s'attaquer à l'identité même de ces catégories de salariés."
Pour Jean-Paul Delevoye, "un système universel ne veut pas dire unique, il y aura un socle de règles communes et des différences peuvent exister si elles sont justifiées par l'équité".
Soit, mais comment concilier des situations très diverses (militaires, danseurs étoiles...) avec l'objectif d'universalité affiché par le gouvernement ?
Et les précaires ?
Le projet de retraites par points permettra de prendre comme salaire de référence non pas la fin de carrière (dans le public) ou les 25 meilleures années (dans le privé) mais l'ensemble de la vie professionnelle. Bruno Palier (CNRS-Sciences Po) met en garde contre des baisses de pensions :
"Les CDD, les temps partiels subis, le statut d'autoentrepreneurs… de façon automatique, cela se reflétera à l'avenir sur le niveau de retraites."
Pour Dominique Libault, ancien directeur de la Sécu, "la question, c'est : qu'est-ce qu'on veut faire ?"
"On peut tout faire. La réforme Fillon avait fixé un objectif de 85% de taux de remplacement pour un smicard. Pour un cadre, c'est plus proche de 50%, il peut plus facilement se constituer un patrimoine. Cela me semble judicieux."
Jean-Paul Delevoye est sensible à ces questions. "Il y aura des points que nous assumerons de prendre collectivement en charge au nom de la solidarité", dit-il. Tandis qu'un autre enjeu est l'articulation avec les minimas sociaux. Car, souligne le haut commissaire, "s'il n'y a pas de différence, c'est une incitation au travail au black". Où le gouvernement placera-t-il le curseur ?
Confiance ou complexité ?
L'économiste Antoine Bozio, auteur avec Thomas Piketty de l'ouvrage "Pour un nouveau système de retraite" (2008), est de ceux qui ont inspiré le programme d'Emmanuel Macron. Pour lui, le but de la réforme n'est pas tant l'équilibre financier – "c'est un moyen" – mais la confiance :
"Le système par répartition repose sur un pacte social de confiance des actifs qui acceptent de payer pour les retraites des personnes âgées. C'est cette confiance-là qui doit sortir renforcée de façon durable."
Il insiste sur la complexité du système actuel pour les Français qui exercent plusieurs professions et cotisent à des caisses différentes :
"L'incertitude sur mes droits mine ma confiance dans le système."
"C'est moins l'équité qui est un problème que la lisibilité des règles", souligne également Yannick Moreau, la présidente du Comité de suivi des retraites. Les Français auront-ils davantage confiance en ce qui leur sera proposé ? Rien n'est moins sûr, si l'on constate que 33% des Suédois n'ont pas confiance dans l'avenir de leur nouveau système de retraite, comme le rappelle Dominique Acker.
Un des enjeux est de savoir si la valeur des fameux points pourra varier - comme en Suède, lors de la crise financière - ou pas. En Belgique, la réforme a été amendée face aux réticences syndicales. "Le risque, c'est de travailler plus pour gagner moins", explique l'économiste Jean Hindricks, membre du conseil académique belge des pensions. "On a donc décidé que la valeur du point ne pourrait jamais baisser." Conséquence : le système par points perd sa flexibilité. Or, comme l'a souligné Jean-Paul Delevoye,
"La vraie question, c'est comment le système de demain sera adaptable aux périodes de croissance comme aux périodes de tempêtes."
La valeur du point va-t-elle fondre par gros temps ?
La liste des points à trancher n'est pas close. Que deviendront les exonérations de cotisations sociales liées à la politique de l'emploi ? Comment prendre en compte le nombre d'enfants ? Et améliorer l'égalité hommes-femmes ? Quelle gouvernance pour gérer, et éventuellement corriger le nouveau système de points ? Quelle place pour le paritarisme ? Non, décidément, huit mois ne seront pas de trop...
Baptiste Legrand