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A la gare du Nord, des envies d’actions musclées

SNCF

Lien publiée le 7 mai 2018

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http://www.liberation.fr/france/2018/05/06/a-la-gare-du-nord-des-envies-d-actions-musclees_1648230

Après un mois de mobilisation sans résultats, certains grévistes, qui dénoncent la passivité des syndicats, veulent durcir le mouvement mais se divisent sur la stratégie à adopter.

C’est une loi des mouvements sociaux : dans un conflit qui dure et s’essouffle finit par surgir la tentation de la radicalisation. La SNCF n’y échappe pas. Surtout dans certains bastions tenus par SUD Rail, comme la gare du Nord à Paris. Jusque-là embarqués dans un mouvement de grève intermittent de deux jours sur cinq, les cheminots doivent à présent composer avec le calendrier des vacances et des jours fériés. «On regardait notre semaine en fonction des jours de grève. Maintenant, quand on se réunit, on se dit : alors samedi et dimanche, j’ai les enfants, lundi, c’est le pont, mardi, c’est férié, donc on se voit mercredi pour faire la révolution ?» ironise l’un d’eux. Beaucoup des militants réunis ce vendredi en assemblée générale à la gare du Nord se plaignent et trépignent : s’ils restent mobilisés autour d’un noyau dur, le mouvement, lui, patine.

«Sortir les biceps»

Depuis un mois que la mobilisation a débuté, les usagers se sont habitués aux perturbations deux jours sur cinq et la réforme est de moins en moins débattue dans les médias. «On ne va pas se le cacher, on est moins visibles», reconnaît un gréviste. Les cheminots reprochent notamment aux syndicats de décider seuls des modalités du mouvement, le rendant trop prévisible. «Le lundi, tel syndicat appelle au rassemblement à tel endroit, les autres non. Le mardi, c’est un autre. Résultat, on s’épuise et on se désorganise», constate un homme. «Nous, on aimerait que ce soient les cheminots qui décident. Les organisations vont être obligées de débloquer, il y a trop de passivité», regrette Anasse, l’un des leaders de l’assemblée générale de la gare du Nord. «Les fédés ne font pas leur boulot. Même certains adhérents CGT ne sont pas d’accord avec le calendrier. Et la réforme n’a pas bougé d’une virgule : à un moment, il va falloir sortir les biceps», renchérit Eric, un militant SUD Rail. Certains plaident ainsi pour un durcissement de la mobilisation dès cette semaine. «On s’est longtemps posé la question du moment propice pour y aller vraiment. C’est sans doute maintenant», poursuit un cheminot.

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En ligne de mire, la rencontre qui se tient ce lundi entre les organisations syndicales et le Premier ministre, Edouard Philippe (lire ci-dessus). Obtenue à la demande des fédérations, elle pourrait être le moment choisi par les grévistes pour intensifier le mouvement. «Le 7 mai, les organisations vont voir le Premier ministre. Une semaine plus tard, le 14, on fait une journée sans cheminots. Ça n’a pas de sens, c’est le 7 qu’il faut la faire !» lâche un gréviste à la tribune de l’AG. «On n’attend rien de la rencontre avec Edouard Philippe. Est-ce que les syndicats vont négocier ? Nous, on ne veut rien négocier tant qu’il n’y a pas eu de retrait de la réforme», martèle Anasse.

«Moi, j’ai prévenu mon boss qu’il me verrait pas avant longtemps, je lui ai dit au revoir. Même si les organisations syndicales sortent de la rencontre en disant "c’est super, on a négocié, c’est terminé", je suis prêt à faire la grève quand même jusqu’à obtenir le retrait de la réforme», prévient un militant.

«Des actes désespérés»

Reste à savoir comment durcir le mouvement. Pour Anasse, il n’y a pas d’autre solution que la grève reconductible tous les jours. «C’est la seule chose qui nous fera gagner», plaide le gréviste. «Certains cheminots en sont déjà à douze jours de grève en avril. Si on s’y met tous, c’est largement assez pour bloquer le pays une semaine. Et quand on bloque le pays dans la durée, on parle de nous, on donne une attractivité à notre mouvement, on radicalise», poursuit-il. Le problème, c’est que le dépôt de Paris Nord a déjà tenté la grève reconductible mi-avril, sans que cela prenne. Ils espèrent encore que d’autres gares se rangent de leur côté.

Le durcissement pourrait aussi venir d’initiatives locales décidées en dépit des instructions dictées par les syndicats. Eric, commercial à Paris Nord, cite l’exemple du technicentre du Landy, où les cheminots ne travaillent ni les week-ends ni les jours fériés : certains jours de grève ne servent donc à rien. Alors «ils ont refait le calendrier de grève à leur sauce, en fonction de leurs jours». Une initiative plébiscitée par de nombreux agents. A demi-mot, certains évoquent également les dégradations en marge de la manifestation du 1er Mai. Elles semblent leur avoir donné des idées. A la fin de l’AG, un militant et un non-gréviste se lancent dans une discussion animée. Le premier reproche à l’autre de ne pas se mobiliser. Il se voit répondre : «Quitte à faire grève, autant tout péter !»

«Quand on regarde les médias le lendemain du 1er Mai, ils n’ont parlé que des dégradations. Peut-être que si on veut faire parler de nous, il faut aussi être violents», suggère un autre militant. Problème : si un cheminot bloque une voie, il risque le licenciement. «C’est du pain bénit pour la direction, c’est trop facile. Il faudrait que ce soient d’autres qui le fassent. Des étudiants ou des militants, par exemple», avance un cheminot. «Il faut surtout que ça soit spontané. Si c’est prévu, les CRS seront là», ajoute un autre gréviste en stratège. Bien qu’elle soit très discutée, l’idée ne fait pas l’unanimité car elle risque de décrédibiliser le mouvement.

Eric, lui, ne veut pas se résoudre à la violence : «Bloquer la circulation et dégrader les voies, ce sont des actes désespérés, quand on n’y croit plus.» «Quand tu fais grève une journée, tu fais perdre 20 millions d’euros à la boîte. Quand tu bloques la voie pendant une heure, tu prends des risques et tu lui fais perdre beaucoup moins», prolonge Anasse. A la tribune de l’AG de la gare du Nord ce vendredi, un ancien cheminot du dépôt est venu soutenir les grévistes. Dans ses valises, il a apporté quatre exemplaires du livre qu’il a écrit sur ses souvenirs de la grève de 1995. «C’est cadeau, vous pouvez vous servir», lance-t-il. Les militants se jettent sur les exemplaires, persuadés qu’ils y trouveront des réponses au chapitre «Comment durcir une grève pour l’emporter».