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Gaël Quirante: "La question de la grève générale est essentielle"
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Postier et militant dans le collectif Front social, Gaël Quirante est partisan d’un mouvement social plus unifié et plus offensif. Il estime qu’il est temps de lancer la grève générale. Explication.
Gaël Quirante est postier et syndicaliste à Sud. Récemment, il a été licencié, sur autorisation de la ministre du Travail, malgré quatre refus antérieurs de l’Inspection du travail. Engagé dans le mouvement social de ce printemps, Gaël Quirante, membre du collectif Front social, appelle à un changement de stratégie et à une union entre les étudiants et les travailleurs.
Reporterre - Que reprochez-vous aux directions des syndicats dans le mouvement social de ce printemps ?
Gaël Quirante - Les directions syndicales, politiques, associatives organisent la partie sur l’éparpillement : éparpillement des journées d’action, éparpillement des manifestations, éparpillement des colères sectorielles. C’est inefficace.
Est-ce un choix des directions syndicales ?
Bien sûr ! Quand on arrive à faire sur une même journée, comme le 3 mai, trois parcours différents, c’est vraiment pour compliquer les choses. Le plus simple aurait été de donner le même rendez-vous à tout le monde. C’est aussi un choix, par exemple, suite à la manifestation réussie du 10 mars de la Fonction publique, d’attendre jusqu’au 22 mai pour une autre grande journée. À cette date, les enseignants seront quasiment à la fin de la période de travail de l’année. Autre exemple : au terme de la semaine où se sont égrenées trois journées de manifestations, le 1e, le 3 et le 5, on nous a proposé le 14 mai comme temps fort pour les cheminots, le 22 mai pour la Fonction publique. Et, sortie du chapeau, une nouvelle manifestation nationale, le 26 mai !
Mais on ne discute jamais de comment on fait pour gagner ! On ne discute jamais des stratégies perdantes qui ont été celles de 2003, de 2009, de 2016, consistant à faire plein de journées explosées les unes des autres et par secteur. Pourquoi a-t-on gagné en 1995 ? Parce qu’il y a eu une grève reconductible chez les cheminots, qui reprenait tous les jours et imposait un rapport de force au gouvernement de l’époque. Pourquoi a-t-on gagné en 1936 ? Parce qu’il y avait une grève reconductible et des occupations d’usine. Pourquoi a-t-on gagné en 1968 ? Parce que sous les pavés, il y avait, avant tout, la grève.
Peut-être les directions syndicales et de La France insoumise pensent-elles que le rapport de forces est trop déséquilibré ?
Il faut leur poser la question. Croit-on à la convergence des luttes ? Comment construit-on un autre monde ? Comment arrive-t-on à des « jours heureux » ? Je pense qu’aujourd’hui, c’est au travers de la grève générale. Et que la grève générale porte en germe un autre monde. La grève générale oblige à s’émanciper du travail et oblige à converger avec une série d’autres secteurs. Pas seulement en bloquant son entreprise, mais aussi les chemins de fer s’il y a nécessité, le courrier s’il y a nécessité, etc. Donc, la question de la grève générale est essentielle.
Au niveau du Front social, on va la mettre au centre de la discussion. On nous parle de cortèges de tête, de Mac Do éclatés, de Black blocs. Mais c’est pour faire diversion que le gouvernement parle de violences. Le cortège de tête est un appui énorme. Il signifie qu’il y a une volonté de s’émanciper des directions syndicales et qu’il y a une recherche de radicalité. Mais il faut parler de comment on construit la grève générale avec les difficultés que cela représente pour ceux qui ont un emploi et pour ceux qui n’en ont pas, de comment on rejoint les jeunes des universités, qui se bagarrent comme jamais depuis vingt ans.
Ces questions, on va les remettre au centre. Lundi 14 mai, à la Bourse du travail de Paris, à 19 h, il y aura un meeting avec des intervenants du mouvement ouvrier qui vont porter ce discours.
Le mouvement n’est-il pas freiné par le fait que les médias les plus écoutés par les gens - TF1, BFM, France 2, RTL, RMC, Europe 1,… - soutiennent la politique de M. Macron ?
On peut se doter de nos propres médias, de nos propres moyens de communication, des moyens de discuter le plus largement possible. Mais ce n’est pas nouveau que les médias soient au service des possédants, des dominants et des capitalistes. Il faut une auto-activité des étudiants, des travailleurs, dans les assemblées générales qui permettent de donner envie de faire grève, et pour qu’on pose sans tabou les problèmes – et notamment qu’on a des fins de mois difficiles. Comment on fait pour tenir la grève ? Pourquoi est-il nécessaire d’être présent aux assemblées générales ? Quels types d’action mène-t-on ? Comment converger avec d’autres ?
Il y a aussi quelque chose qu’il ne faut pas esquiver, c’est la question d’amplifier la mobilisation. Aujourd’hui, alors qu’il y a des grèves importantes dans plusieurs universités, il a manqué que des étudiants déferlent dans les rues. Pour que le monde du travail soit conscient qu’il y a une mobilisation dans les universités, il faut que les étudiants aient cette force d’occuper la rue et de donner confiance au monde du travail.
Ceux qui veulent remettre en cause les bases de cette société ne peuvent pas esquiver cette question de la massification de la mobilisation, que ce soit au niveau étudiant, des cheminots, des postiers. Et cette discussion, il faut la porter par nos médias, par nos assemblées générales, par l’auto-activité, mais aussi par des meetings afin que tous ceux qui portent çà, d’où qu’ils viennent en termes de tradition politique, expriment ensemble la nécessité d’un affrontement généralisé.
Les directions syndicales, politiques et associatives nous parlent sans cesse d’unité. Mais pour faire quoi ? Pour dire quoi ? On aimerait qu’il y ait une unité des dirigeants politiques, syndicaux et associatifs pour défendre le droit de grève des étudiants et l’empêchement des partiels. Cela serait un élément concret et immédiat permettant de généraliser la grève. On aimerait entendre les dirigeants politiques, syndicaux et associatifs dire clairement qu’ils appellent à la grève et à la généralisation. Cela peut marcher ou pas. Mais qu’ils défendent cette perspective ! Et arrêtent de saucissonner le mois de mai comme un salami.
Une grande menace pèse toujours sur la Zad de Notre Dame des Landes. Comment analysez-vous la bataille qui s’y mène par rapport aux autres luttes ?
« Zad générale », lors de la manifestation de la « Fête à Macron », le 5 mai dernier.
Le gouvernement s’attaque d’un coup à toutes les poches de résistance qui ont mis à mal sa politique. La volonté et la stratégie du gouvernement, qui est un relais direct du Medef, sont de défaire ce qui existe de plus déterminé, de plus fort, dans la résistance à sa politique antisociale. Là est l’explication de la violence de l’intervention policière sur la Zad ou contre les étudiants dans les universités, et aujourd’hui contre les cheminots.
Mais on est dans une situation dans laquelle il y a des points d’appui. Parce que par rapport à 2006, dans la lutte victorieuse contre le CPE, il n’y avait que le mouvement étudiant, il n’y avait pas de poches de grève au sein du mouvement ouvrier. Si cette connexion se faisait aujourd’hui, elle formerait un cocktail détonnant.
Propos recueillis par Hervé Kempf