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Les conducteurs de bus de Grasse en grève illimitée
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Le mouvement des conducteurs de Transdev perturbe le réseau Sillages. Inflexibles, ceux-ci attendent une renégociation salariale. Pendant ce temps, les usagers s’exaspèrent
Ceux qui empruntent les lignes de bus du réseau Sillages n’ont pas pu passer à côté: depuis mardi, les conducteurs de l’entreprise Transdev sont en grève. Un mouvement – censé se poursuivre jusqu’au 31 juillet, voire plus – consistant en un débrayage entre 7h10 et 8h09 le matin, puis entre 16h10 et 17h09 l’après-midi.
En cause: l’échec de la négociation annuelle obligatoire avec la direction.
Résultat: les usagers – et particulièrement les scolaires – se retrouvent dans l’embarras et s’insurgent. À l’instar de Jérôme Viaud, président de la communauté d’agglomération du Pays de Grasse.
Les conducteurs, eux, restent campés sur leur position et attendent une augmentation de leur coefficient de salaire. Quitte à poursuivre la grève indéfiniment. Prête à négocier, la direction de Transdev assure que ce sera sur d’autres sujets que celui-là.
Bref, c’est compliqué. Et bien des choses se joueront lors des négociations, qui reprennent aujourd’hui.
LES CONDUCTEURS PRÊTS À ALLER JUSQU'AU 31 JUILLET
"On a bien compris que, pour les usagers, les patrons et Sillages, on est les boucs émissaires..." Dans les locaux de la route de la Marigarde, Ahmed Zioud soupire. Délégué syndical et du personnel, il assure, pourtant: "Cette grève, ça ne nous amuse pas. On espère en sortir. Mais nous avons négocié durant deux mois avant d'en arriver là..."
La négociation annuelle obligatoire entre la société Transdev et le personnel n'a, en effet, "pas abouti", menant à la situation actuelle.
Il s'en explique: "Depuis deux ans et la restructuration du réseau, certaines lignes sont beaucoup plus dures. On optimise, en faisant plus de kilomètres en moins de temps... Avant, les salaires n'étaient pas très élevés mais nous avions un certain confort". Qui, selon lui, tend à disparaître.
Il met, notamment, en avant les pressions liées au SAE (système d'aide à l'exploitation), ainsi que les responsabilités qui pèsent sur les conducteurs: "Quand il y a des dégâts sur un bus ou qu'on accroche une voiture, on est responsables de tout."
Sans oublier la dégradation des comportements de certains usagers, même s'il concède qu'ils ne connaissent pas "les mêmes difficultés qu'à Cannes ou à Nice".
Il poursuit: "Puisqu'on ne peut négocier les conditions de travail, alors, on négocie les salaires." C'est là que se situe le nerf de la guerre...
"J'ai sept ans d'ancienneté, mon salaire est de 1.647€ nets. Avec les primes, on ajoute environ 200€", précise-t-il. Ainsi, les revendications sont claires: "Nous sommes au coefficient 200, nous demandons de passer à 210. Et à 185 pour les laveuses [actuellement à 175]."
Ahmed Zioud résume: "On ne veut plus des primes, on veut du salaire, améliorer ce coefficient. Pour la retraite, la maladie ou le chômage même, ce n'est pas la même chose."
Les conducteurs sont même prêts à "intégrer les primes dans le salaire pour passer à 206. En fait, on ne demande que 4 points d'augmentation."
S'il indique qu'ils ne ferment "aucune porte et sont prêts à négocier [un rendez-vous est prévu ce jour avec la direction locale]", ils entendent ne rien lâcher: "Nous sommes 65 chauffeurs et, croyez moi, l'immense majorité est prête à aller jusqu'au 31 juillet. Peut être même davantage. Il ne faut pas croire que le mouvement va s'essouffler..."
Joint par téléphone, Sylvain Joannon, président de Transdev Méditerranée, ne cache pas que "la négociation est compliquée depuis plusieurs semaines."
Et explique: "Les revendications concernant les coefficients ne sont pas conformes à la convention collective. À 210, ça correspond davantage à un agent de maîtrise, pas un conducteur. Si ceux de Grasse passent à 210, que diront ceux des autres secteurs?"
Il promet, néanmoins, qu'il est possible de discuter sur "certains sujets de fonds".
À savoir? "La reconnaissance des carrières, avec la formation, les évolutions, la polyvalence, le mérite..."
Une négociation "avec des plannings, des objectifs, qui ne se fait pas en une heure, sur fond de grève perlée."
Sylvain Joannon ne masque d'ailleurs pas sa "déception" et son "opposition" aux modalités [comprenez, les heures de débrayage] d'un mouvement qu'il juge "pas fair-play."
Et qui, si chacun reste sur ses positions, pourrait bien durer...
LES USAGERS SE SENTENT "PRIS EN OTAGE"
Sabine Rakotovao, mère d’une élève de 1re au lycée Amiral-de-Grasse. Photo P. F.
"Inimaginable", "inadmissible", "honte à eux", "encore nous, les otages", "laissez vos places aux chômeurs"... Sur la page Facebook du réseau Sillages, les commentaires affluent. Au vitriol, souvent. Élèves, parents ou autres, les usagers oscillent entre incompréhension et colère.
C'est le cas de Sabine Rakotovao, habitante du Tignet, dont la fille est en 1re L au lycée Amiral-de-Grasse. Habituellement, c'est via les lignes C et 19s que cette dernière rejoint chaque matin - et quitte chaque soir - son établissement. Sauf que là...
"Vous savez, j'habite au Tignet depuis 1973 et, quand j'allais à Fénelon en 1976, il y avait déjà des problèmes, souffle la mère de famille. Mais là, il ne se passe pas une semaine sans soucis. Et maintenant, ce mouvement... C'est inacceptable ! Surtout si près du bac. Ma fille passe ses épreuves écrites les 18 et 19 juin, l'oral le 3 juillet."
Alors, chaque matin depuis mardi, c'est elle qui conduit son enfant "et 3-4 autres gamines" jusqu'au lycée. Parce qu'elle peut se le permettre... "Actuellement, je ne travaille pas, donc ça va. Mais les autres parents ? Et ceux qui ne conduisent pas?"
Elle s'insurge: "Je ne conteste pas le droit de grève. Mais, à un moment, il faudrait que ces gens regardent ce qui se passe autour d'eux. Puis, dans le service public, il y a des notions d'égalité et de pérennité, non ? Je paie pour un service, je veux y avoir droit."
Annonçant qu'elle a envoyé une lettre recommandée à Sillages pour le remboursement de la carte de bus, Sabine Rakotovao en appelle aux élus: "Je connais des gens dans les différentes communes qui les ont interpellés. Pour l'heure, il n'y a que Jérôme Viaud qui a réagi et communiqué. J'attends de la cohésion, une mobilisation de leur part. Parce que, sinon, quel recours avons-nous, les usagers ? Pourquoi est-ce toujours à nous de nous adopter ? On ne peut pas être pris en otage comme ça. J'ai vu des jeunes faire du stop pour aller en cours..."
JÉRÔME VIAUD: "REVENIR À LA RAISON"
C’est via un communiqué que Jérôme Viaud, président de la CAPG (communauté d’agglomération duPays de Grasse), s’est exprimé sur ce mouvement. Rappelant que "la collectivité n’a pas la légitimité à intervenir dans le dialogue social de l’entreprise", il juge, néanmoins, que cette grève "va à l’encontre de la mission de service public attribuée par marché par la CAPG et sa régie des transports Sillages à la société Transdev."
Une situation "inacceptable, qui pénalise fortement les usagers et particulièrement les familles et qui décrédibilise les agents de la CAPG, de la régie Sillages [dont il souligne qu’ils "ne sont pas en grève"] et les élus locaux, soucieux du bon fonctionnement des services publics."
L’édile demande ainsi aux conducteurs "de revenir à la raison et de mettre fin à ce mouvement, incompréhensible pour [les] habitants, parents, enfants et salariés."
Il espère ainsi "un retour à la normale dans les meilleurs délais."