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Menaces sur la loi Littoral
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
La majorité entend modifier la loi pour bétonner plus facilement les littoraux. Isabelle Autissier, navigatrice et présidente du WWF France, s’en alarme.
Ces amendements ont fait moins de bruits que ceux qui concernent le glyphosate. Et pourtant, eux aussi ont de quoi inquiéter les amis de la nature. Ces derniers jours, les députés En Marche ! ont ajouté un certain nombre de dispositions à la première mouture de la loi Elan (Evolution du logement, de l’aménagement et du numérique), portée par Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires.
L’inflexion est claire : il s’agit, pour répondre à la demande pressante des communes littorales, d’assouplir la loi Littoral de 1986. Et notamment de donner dorénavant le droit de construire des bâtiments dans les "dents creuses", ces parcelles de nature situées entre deux constructions, qui jusqu’ici, étaient intouchables.
Cette remise en cause d’une loi protectrice des paysages fait bondir Isabelle Autissier, navigatrice et présidente du WWF France.
Est-il si grave de chercher à assouplir la loi pour combler les "dents creuses" du littoral français ?
Rien que ce mot, "dent creuse", mais il est affreux ! Cela me hérisse qu’on l'emploie. Mais on ne le fait pas par hasard : il s'agit de minorer ce qui sont des espaces de nature qui respectent la vie, et que la France a un besoin impératif de préserver.
Ces espaces sont-ils si utiles ?
Ils sont indispensables, car ils représentent un point de rencontre entre la terre et la mer. On sait que ce sont des lieux féconds pour les deux milieux : les coquillages, les crustacés viennent s’y nourrir, les oiseaux viennent y nicher, et ce sont des frayères naturelles [des lieux de reproduction de la faune marine, NDLR]. Ces écosystèmes sont extrêmement fragiles, car ils subissent à la fois la pollution terrestre et la pollution marine. C’est donc bien vers davantage de protection que la loi devrait tendre.
Comprenez-vous cependant que les communes veuillent pouvoir aménager leurs littoraux ?
Bien sûr, la demande est forte. Tout le monde veut habiter sur le littoral. Mais à un moment, il faut que nous regardions les erreurs du passé. J’habite à la Rochelle, pas très loin d’une partie des côtes vendéennes, qui ont été littéralement défigurées par des kilomètres de béton. Aujourd’hui, les touristes ne veulent plus mettre un pied dans ce qu’ils considèrent comme un endroit sinistre, et qui se dégrade avec le temps. Ce sont des endroits morts, ni plus ni moins.
Economiquement, ce n’est donc pas un bon calcul ?
C’est une absurdité. D’abord, parce qu’il est facile d’imaginer le nombre de recours juridiques que des associations de protection de la nature ou de riverains ne manqueront pas de saisir pour empêcher toute nouvelle construction. Un littoral, c’est un espace où l’on a des souvenirs d’enfance, où l’on se promène en famille, où l’on s’émerveille. Les citoyens feront perdre beaucoup de temps, d’argent et d’énergie à toute commune qui souhaitera bétonner des espaces naturels.
Ensuite, savez-vous que s’ils étaient un pays, les océans du globe représenteraient la septième puissance mondiale en terme de PIB ? Je ne parle pas ici simplement de nourrir et de faire vivre les pêcheurs, mais de permettre à des pays de s’enrichir. Un pays à vocation touristique comme la France n’a aucun intérêt économique à démolir ce trésor.
Pourquoi le président Macron semble si pressé de rouvrir les mines (comme celle de la Montagne d’Or en Guyane) et de bétonner le littoral ?
Cela fait partie des petits mystères du personnage... Malgré son jeune âge, Emmanuel Macron semble avoir conservé une mentalité d’"aménageur" du XXe siècle. Plus il y a de béton, mieux c’est ! C'est tellement XXe siècle. Je le regrette, parce qu’il a bien évolué ces dernières années sur la question climatique.
Le 28 mai, le ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot a promis de conserver "l’intégrité" de la loi Littoral. Cela vous rassure un peu ?
Ces dispositions sont tout de même inscrites dans la loi, il me paraît difficile de ne pas rester inquiète. Je ne veux pas accabler Nicolas Hulot, dont je connais la compétence et les convictions, mais j’aimerais qu’on l’entende davantage. Parler clair, haut et fort. Où est-il ? On a vraiment besoin de lui en ce moment.
Propos recueillis par Arnaud Gonzague