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L’Insoumise qui peut faire battre Hidalgo
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Probable tête de liste de la France insoumise à Paris, Danielle Simonnet attaque la maire sortante sur tous les fronts.
Soudain, Danielle Simonnet se fige. Rien à voir avec le café gourmand posé devant elle. Installée dans un restaurant du premier arrondissement, l'unique élue de La France insoumise (LFI) au conseil de Paris vient de repérer plusieurs têtes connues à une table voisine. Ce 29 mars, Nicolas Bonnet-Oulaldj, président du groupe communiste à l'Hôtel de ville, Carine Petit, la maire du 14e arrondissement passée du PS au mouvement Génération.s de Benoît Hamon, et l'écologiste Jérôme Gleize déjeunent discrètement ensemble. Contrairement à elle, tous appartiennent à la majorité de la maire socialiste Anne Hidalgo. Découvrant la présence de leur collègue LFI, deux d'entre eux, un peu gênés, viennent la saluer, avant de s'éclipser rapidement. "J'aurais aimé être une petite souris pour entendre ce que ces trois-là complotent", glisse Danielle Simonnet après le départ des intéressés.
L'Insoumise, elle, ne cache pas ses intentions : l'ancienne socialiste - elle a quitté le PS en 2008 avec Jean-Luc Mélenchon - souhaite conduire la liste LFI aux municipales de 2020. Et confirmer les bons résultats enregistrés par le leader des Insoumis à la présidentielle de 2017. Dans les très populaires 19e et 20e arrondissements, le candidat LFI a dépassé les 30 %. La percée s'est poursuivie aux législatives, avec l'élection de Danièle Obono dans une circonscription à cheval sur les 18e et 19e arrondissements. Dans le 20e, Danielle Simonnet elle-même s'est inclinée d'un cheveu face à Pierre Person, macroniste du premier cercle. Elle rêve de prendre sa revanche : "Il n'est pas un matin où je ne repense pas à ces 700 voix d'écart, pour comprendre et puiser des raisons d'espérer."
Des intentions de vote à 12%
En mars, un sondage paru dans Le Journal du dimanche lui accordait 11 % à 12 % d'intentions de vote aux municipales, selon les configurations testées. Un tel score permettrait aux Insoumis de se maintenir au second tour dans plusieurs arrondissements. Ils ne pourraient pas ravir la mairie, mais empêcher la gauche de s'y maintenir face à un troisième larron qui pourrait bien être la République en marche. Un scénario que relativise le sénateur REM, Julien Bargeton. "Le vote protestataire d'incantation ne se traduit pas automatiquement en vote de confiance pour gérer les villes. Aux municipales, il ne s'agit pas d'adresser un message, mais de confier les clefs du camion", estime l'ancien adjoint d'Anne Hidalgo.
Cette dernière prend toutefois le risque au sérieux. Menacée par les ambitions de REM dans la capitale, critiquée sur la gestion de plusieurs dossiers -Vélib', piétonisation des voies sur berge ou propreté, entre autres -, la maire sortante ne s'attend à aucune mansuétude de la part des mélenchonistes. Beaucoup dans son entourage les soupçonnent même de jouer la politique du pire.
"La stratégie de Mélenchon est de ne rien laisser exister entre Macron et lui. Toute collectivité locale gérée par la gauche est une épine dans son pied, il faut donc s'en débarrasser", estime Emmanuel Grégoire, l'adjoint PS chargé des finances. "Nous ne sommes pas là pour trancher entre les différentes nuances de macronisme", assume Manuel Bompard, directeur des campagnes de LFI, pointant la volonté récente d'Anne Hidalgo de mettre en sourdine ses critiques contre l'Elysée.
"Posture d'opposition artificielle"
Pour Danielle Simonnet, ces manoeuvres de la maire sortante ne la sauveront pas. "Nous vivons la fin du cycle entamé avec l'élection de Bertrand Delanoë en 2001. Tous les bilans sont négatifs, qu'il s'agisse de lutter contre l'embourgeoisement de Paris ou contre la pollution. On a agi, au mieux, sur les symptômes, pas sur les causes", juge l'ancienne maire adjointe PS dans le 20e, de 2001 à 2008.
Anne Hidalgo ? "Elle navigue à vue. Depuis 2014, elle met en scène ses oppositions aux différents gouvernements, mais se soumet à tous leurs diktats", poursuit-elle. Dernier exemple en date, à ses yeux : l'acceptation de la contractualisation proposée par le gouvernement à toutes les grandes collectivités locales. Avec, à la clé, l'engagement parisien de limiter à 1,12 % la hausse des dépenses de fonctionnement. Ce choix sera validé la semaine prochaine par le conseil de Paris. "Il y a pourtant là un vrai sujet de rupture pour ceux qui disent vouloir combattre les politiques d'austérité", note l'élue LFI, visant les communistes et Europe Ecologie-Les Verts (EELV).
Ces derniers supportent mal le côté donneur de leçons de leur collègue. "Danielle Simonnet est trop souvent enfermée dans des postures d'opposition artificielle et sans utilité. Aujourd'hui, je ne vois pas, dans ce qu'elle dit, d'alternative au programme de l'équipe municipale. Serait-elle contre la piétonnisation des voies sur berges ? Contre le développement du logement social ? Contre l'encadrement des loyers ?" interroge l'adjoint PCF au logement, Ian Brossat. Artisan de l'accord passé en 2014 entre communistes et socialistes, il se dit prêt à renouveler le bail en 2020. Les écolos sont tout aussi circonspects devant le jusqu'au-boutisme de l'Insoumise. "Plutôt que la contestation permanente, je préfère jouer sur les curseurs qui permettent de transformer concrètement le quotidien des Parisiens", avance David Belliard, co-président du groupe EELV au conseil de Paris.
Spécialiste de l'agit-prop'
Malgré son isolement dans l'hémicycle municipal, Danielle Simonnet ne baisse pas les bras. Pas son genre ! A chaque séance, l'ancienne psychologue scolaire multiplie les interventions, défendant infatigablement ses positions. N'hésitant pas à s'applaudir elle-même : la tradition veut que les membres d'un groupe le fasse pour chacun de leurs orateurs, mais elle est la seule Insoumise !
"C'est une élue qui force le respect. Ah, si tout le monde bossait comme elle !" sourit Eric Azière, président du groupe UDI-Modem. Cela lui permet d'arracher quelques victoires, comme l'abandon du sable Lafarge pour l'opération Paris-Plages - elle fut la première élue à dénoncer l'implication du cimentier en Syrie.
En février, son activisme a forcé la mairie à revenir sur la suppression des colonies de vacances Arc-en-ciel pour 7 000 petits Parisiens. La droite lui apporte parfois son soutien. Et inversement. Elle se marre : "Quand Les Républicains proposent de municipaliser les fourrières, je vote pour. Ça fait hurler la majorité d'Hidalgo !"
Décidée à croiser le fer avec la maire sortante, elle a entrepris une série de réunions publiques intitulées "Et si on parlait des sujets qui fâchent ?" Le 4 avril, une centaine d'habitants du 13e arrondissement sont ainsi venus vider leur sac. Deux autres dates sont prévues avant l'été.
A la rentrée, Danielle Simonnet présentera également aux Parisiens sa deuxième "conférence gesticulée", un mélange de théâtre et d'agit-prop'. La première, intitulée Uber, les salauds et mes ovaires, lui a valu un joli succès dans les théâtres où elle s'est produite. Dans la nouvelle pièce, l'élue LFI entend revenir sur la polémique autour de son logement, loué depuis 2003 à la Régie immobilière de la ville de Paris (RIVP). Un appartement au loyer libre et ne bénéficiant d'aucune subvention publique, se défend-elle. "Pour les municipales, on va me ressortir cette histoire de logement mais je l'assume !", dit-elle. Prête au combat, donc.