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Espagne - Le gouvernement Sánchez et l’unité populaire

Espagne

Lien publiée le 9 juin 2018

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://blogs.mediapart.fr/antoine-montpellier/blog/080618/le-gouvernement-sanchez-et-lunite-populaire-manuel-gari

Au moment où le PSOE, rejetant la proposition de Podemos de constituer un gouvernement de coalition, a fait le choix d'un exécutif monocolor s'inscrivant dans le respect des orientations néolibérales de l'UE, quelles peuvent être les conditions d'une alternative engageant une rupture avec ces orientations ?

Manuel Garí est économiste et l'un des promoteurs du Manifeste pour Madrid publié par un large éventail de militant-es et de sympathisants de Podemos, critiques envers le choix du tandem Iglesias/Errejón de bâtir une candidature et une liste aux prochaines élections à la Communauté de Madrid hors de toute consultation populaire large. Anticapitalistas, dont Manuel Garí est membre, est l'un des initiateurs de cet appel.

Público 08/06/2018

Le tsunami parlementaire, qu'ont été le triomphe de la motion de censure et la démission de Rajoy, a provoqué un soulagement dans la majorité du peuple (des peuples) de l'Etat espagnol, malgré les coups de gueule du schtroumpf grognon du PP, Rafael Hernando, ce rance représentant de la droite qui se croit dépositaire du droit surhumain de commander. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : les 180 voix en faveur de la motion de censure expriment la volonté de 12 118 833 électeurs à rapprocher des 169 voix du PP et de Ciudadanos qui représentent 11 082 806 électeurs; par conséquent le soutien au "partez Monsieur Rajoy" a représenté 1 036 027 électeurs de plus que ceux qui avaient donné mandat parlementaire aux partisans du "il n'y a pas de problème dans  ce pays" suite à la sentence judiciaire qui a mis en évidence le comportement corrompu à Génova [nom du siège du PP].

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Un gouvernement "d'ordre" qui reste "dans les clous"

Le gouvernement qui a été formé autour de la présidence de Pedro Sánchez a pour objectif de récupérer l'espace perdu par le parti socialiste et de le mettre en position avantageuse aux prochaines élections. Rien n'est pour autant gagné. Il faut, d'une part, prendre la mesure des limites politiques que s'est imposées le PSOE au regard des audaces politiques qui sont urgentes, nécessaires, suite au désastre néolibéral et autoritaire. Le parti socialiste continue à accepter l'austérité budgétaire, à respecter les règles plafonnant les dépenses, à soutenir de façon acritique la politique communautaire [celle de l'UE], à entériner les limites imposées par la Constitution de 1978 - principalement la monarchie et le système des autonomies régionales -, il persiste dans son refus total de revenir sur la réforme du code du travail. Le PSOE, d'autre part, va devoir faire face à la très prévisible férocité d'une opposition combinée par la droite : celle d'un PP touché, mais pas coulé car il a de profondes racines dans la société, dans l'Eglise et dans l'appareil d'Etat et celle d'un Ciudadanos momentanément désorienté mais qui reste le pari majeur d'un secteur du grand capital espagnol.

Mais, pour autant, Pedro Sánchez a fait preuve, dans le cadre où il évolue, d'une grande audace en formant un gouvernement médiatiquement puissant, pensé pour couvrir son flanc droit et pour profiter de la satisfaction populaire d'avoir éjecté Rajoy afin d'anesthésier les revendications sur son flanc gauche. Il n'est pas dans l'intention de ces lignes d'entrer dans le détail d'une analyse de chaque nomination ministérielle qui viendra en son temps mais le message lancé par Ferraz [nom du siège du PSOE] est clair à la lecture des noms des ministres désignés. On ne peut certes que saluer le nombre de femmes composant ce gouvernement qui, ne cédons pas à la superficialité, n'est cependant pas un gouvernement "féministe". Qu'il le soit dépendra des politiques réellement menées. Nous nous trouvons devant un gouvernement de professionnels compétents bien installés dans les interstices institutionnels et patronaux du système et relevant majoritairement de l'idéologie social-libérale, comprenant quelques personnalités conservatrices et opportunistes comme Fernando Grande-Marlaska, dont il n'y a pas à attendre de voir ce qu'il va faire, contrairement à ce que dit de façon simpliste ce bon Pablo Echenique [en charge de l'organisation dans Podemos], car son passé récent en dit assez [ce juge est reconnu, ses décisions en témoignent, pour être dans l'orbite du PP]. Nous avons affaire à un gouvernement dont le but principal est d'inspirer confiance aux marchés, à la CEOE [le Medef espagnol], à la Commission Européenne et à l'appareil judiciaire et policier. Ce qui est ainsi clairement signifié c'est le choix de tranquilliser les pouvoirs en place, à partir du constat que les exigences sur le flanc gauche, en cet instant précis, ne se sont pas imposées au premier plan, les forces pouvant les porter se trouvant encore à chercher la formule permettant de gagner en 2019 [élections municipales et européennes].

Le changement en son labyrinthe

Les forces du changement, en particulier Unidos Podemos, se retrouvent à un carrefour important. Dans les derniers instants de la crise du PP, il s'est produit dans Podemos un repli vers l'interne. Cela a été le cas avec le processus des primaires - au plus fort de l'affaire Cifuentes (1) - pour la désignation du candidat à l'élection autonomique madrilène de 2019 au moment précis où Lorena Ruiz-Huerta [porte-parole de Podemos, membre de Anticapitalistas] prenait la tête, d'une manière brillante et efficace, de l'opposition politique à la corruption. Cela a aussi été le cas avec la consultation pour déterminer si des choix personnels ["affaire de la villa à 600 000 euros"] de deux de ses dirigeants étaient compatibles avec l'orientation du parti et ne mettaient pas leur honorabilité en cause au moment même où était enclenché le début de la fin du gouvernement Rajoy.

Tout dernièrement, sans aucun débat interne ni externe, la direction de Podemos a accordé au parti de Sánchez le label de "force du changement" sans que celui-ci n'ait donné le moindre signe de rupture avec le régime de 1978 ou avec le pouvoir de la finance, tout au contraire. Pendant quelques jours, autour de la motion de censure, ses principaux porte-paroles ont mis tous leurs efforts à se proposer comme partenaires de gouvernement auprès de Sánchez avec des arguments qui rappellent, en prenant en compte les importantes différences de contexte et de rapport de forces, ceux qu'avait avancés, en son temps [dans les années 70], Santiago Carrillo [pour le PCE], avec les funestes résultats pour son parti, ou, plus récemment, Gaspar Llamazares [pour Izquierda Unida], du temps où Juan Carlos Monedero [l'un des "idéologues" de Podemos] était son conseiller, qui réussit à réduire impitoyablement le nombre des députés de son organisation de 15 à 2. Le fil conducteur du raisonnement politique actuel de Podemos laisse apparaître des traces de l'ADN de ce passé d'échecs.

Les forces du changement peuvent faire le choix de continuer à demander qu'on les prenne en considération ou commencer à disputer l'hégémonie au parti socialiste au sein du peuple de gauche et, par là, se préparer à disputer l'hégémonie à l'oligarchie dans l'ensemble de la société. Mais, pour un tel projet, il n'est plus suffisant, et il est même inopérant, d'utiliser des slogans du type "le gouvernement des meilleurs", "le neuf contre le vieux" et autres ambiguïtés récupérables non seulement par Ciudadanos mais par le PSOE lui-même. Il faut que les forces du changement déploient leur énergie pour impulser des initiatives politiques et programmatiques dans et hors des institutions, dans la société, dans les lieux de travail et d'étude, dans la rue et les places, en recueillant le souffle porté par les revendications des organisations sociales. Il n'est possible de faire pression sur le parti socialiste (et il y a de la marge et des forces pour cela) qu'en avançant des mesures concrètes. Pour ne prendre que quelques exemples : l'annulation de la réforme du code du travail, la suppression de la fracture salariale, l'actualisation de l'indice des prix pour les pensions de retraite, l'annulation des effets négatifs de l'application de l'article 155 de la Constitution en Catalogne, la fin des mesures répressives contre les personnes et les institutions et la mise en oeuvre du dialogue sans limites préalables.

L'unité populaire, une nécessité

 Tout ceci est une condition nécessaire mais non suffisante pour un changement de rupture. Les forces de ce changement, en effet, ont besoin en outre de prendre une initiative politico-sociale, électorale et organisationnelle qui ouvre un nouvel horizon d'espoir pour la majorité sociale et qui soit capable de redonner de l'enthousiasme à de larges secteurs de la population à travers un projet unitaire, démocratique et présentant une solidité programmatique. L'initiative #ManifiestoPorMadrid [#ManifestePourMadrid] peut représenter une grande avancée à Madrid, mais il n'échappe à personne qu'elle a une indéniable portée pour tout l'Etat espagnol.

 Initiateurs et signataires de cet appel, nous le concevons, mes camarades et moi, comme un outil utile pour Podemos, pour Izquierda Unida, pour Equo (2) et, en général, pour tous les collectifs politiques et sociaux qui aspirent à construire une alternative pour la majorité sociale. C'est une proposition inclusive, elle ne joue contre personne mais en faveur de l'ensemble des forces du changement, en faveur des aspirations au changement et, en ce sens, il s'agit d'une proposition  plurielle et pluraliste. Pour ce qui me concerne, je la fais depuis mon engagement militant dans Podemos, qui est une pièce clé dans cette démarche, qui peut et doit jouer un rôle décisif : telle est aujourd'hui sa grande responsabilité.

L'objectif que poursuit le Manifeste pour Madrid est de vaincre la droite dans toutes les élections du tout proche cycle électoral et d'impulser, avec audace et décision, des gouvernements de la majorité sociale, des gouvernements à son service pour résoudre les problèmes urgents et les problèmes de fond. Mais cet objectif implique d'éviter que le PSOE, pilier du régime de 1978, prenne la tête du changement, car, si c'était le cas, nous nous retrouverions avec une simple formule de rechange du régime, ce qui reviendrait à favoriser une opération de régénération de l'ordre des choses sans aucune volonté de rupture avec les tares de la Transition [processus, entre 1975 et 1982, ayant permis un passage, sans rupture totale, entre la dictature franquiste et la démocratie monarchique] et avec les politiques néolibérales.

Nous nous sommes inspirés de précédents ayant connu un succès : l'appel de Pablo Iglesias à Cayo Lara [coordinateur fédéral de IU entre 2008 et 2016] pour réaliser des primaires ouvertes à la participation populaire aux élections européennes qui ont été à l'origine de la constitution de Podemos, l'expérience des candidatures d'unité populaire qui ont conduit à des victoires dans plusieurs villes, comme dans le cas de Ahora Madrid [Madrid maintenant qui détient la mairie de Madrid], dans la foulée d'une mobilisation plurielle et pluraliste des énergies du changement.

La proposition est simple : d'un côté, l'ouverture d'un débat programmatique participatif, où il y ait un espace pour la rencontre de personnes différentes et diverses qui configurent la société civile et la carte politique de la gauche; et, d'un autre côté, de façon parallèle, la réalisation de primaires ouvertes et menées en commun pour asseoir l'unité à partir de la pluralité existante, par une méthode démocratique qui assure le pluralisme, autrement dit, en respectant la représentation proportionnelle à la différence de méthodes du type de l'archi-usé Desborda [utilisé par Podemos] qui, appliqué au parlement espagnol, empêcherait pratiquement que Unidos Podemos ait des élus. Il s'agit de faire le choix de l'audace face au "réglementisme" dont l'unique intérêt est de défendre les étroites délimitations partidaires.

En résumé, ce qui est proposé c'est la grande fête des gens qui décident, contre les accords des élites, ficelés dans un bureau ou un bar, avec ou sans canettes. Ou, ce qui revient au même, c'est le pari de la démocratie capable de déplacer des montagnes.

 (1) Du nom de la présidente de la Communauté Autonome de Madrid, figure importante du PP, certains la voyant succéder à Rajoy, obligée de démissionner pour avoir falsifié son curriculum universitaire.

(2) IU, Gauche Unie, regroupant le PCE et diverses forces de gauche; Equo, parti écologique. Toutes ces organisations constituent, avec parfois certaines tensions, un rassemblement électoral avec Podemos.

Texte original El gabinete Sánchez y la unidad popular

Traduction Antoine Rabadan

Note du traducteur : Il ne faut pas perdre de vue, à la lecture de cette tribune, que l'idée d'alternance qui est au coeur de la constitution de ce gouvernement "de gauche" doit être rapportée à la fragilité dudit gouvernement. Pedro Sánchez n'a aucune majorité au Congrès des député-es. Ses 84 parlementaires ne pèsent pas lourd face à la barre des 176 voix nécessaires pour obtenir une majorité absolue. Ce seuil a été franchi pour battre Rajoy mais le refus du PSOE d'accepter de s'ouvrir aux forces qui lui ont permis ce franchissement pour la motion de censure, le renvoie à son statut de gouvernement minoritaire, très minoritaire. Sans oublier que le PP a la majorité absolue au Sénat. Il faut donc retenir que, comme le suggère Garí, le projet de Pedro Sánchez est avant tout de faire durer suffisamment ce gouvernement pour redorer l'image fortement décrédibilisée de son parti (à preuve ses maigres forces parlementaires), plus précisément pour renforcer ses chances en vue des prochaines élections et ainsi se trouver en position de gouverner sur des bases plus larges et plus maîtrisées dans ses alliances. Par exemple en piégeant plus efficacement qu'il ne le peut aujourd'hui un Podemos toujours disposé à aller au gouvernement en révisant à la baisse son programme (en échange de quelques concessions comme sur les pensions de retraite, mais pratiquement rien sur le remboursement de la dette publique, permettant de ne pas perdre la face) mais considéré comme encore peu fiable et très dangereusement tacticien.

La volonté du PSOE de se présenter comme un parti de gouvernement "crédible" se lit, comme le relève aussi Garí, à travers la mise au premier plan de figures ministérielles comme une Nadia Calviño, à l'Economie, venue directement des cercles libéraux de l'Union Européenne (spécialement de la Commission Européenne) ou d'une María Jesús Montero, pour les Finances, qui occupait ce poste, avec une stricte discipline budgétaire à la mode austéritaire, à la Communauté Autonome d'Andalousie de la très droitière socialiste Susana Díaz. Une Susana Díaz que Pedro Sánchez avait battue, sur un profil gauche, lors de la primaire du PSOE ! Ce qui en dit long sur ce que signifie être à gauche dans ce parti. Il s'agit en somme, comme on le voit aussi avec la nomination du très "espagnoliste" Josep Borrell ou du juge de droite Grande-Marlaska, de donner des gages de respectabilité prosystème que ne démentent pas les quelques signes "à gauche", clairement identifiables comme des notes mineures attrape-gogos unitaires de gauche, que sont certaines nominations à des postes concernant le Travail, l'égalité hommes-femmes ou même les territoires, les Autonomies, pour donner un semblant de contrepoids, ouvert, juste ce qu'il faut et dans le strict respect de l'unité de l'Espagne, à la Catalogne, à un Josep Borrell.

AR

Deux dessins très parlants...

Toc-toc-toc

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 Pablo Iglesias frappant à la porte du bureau de Pedro Sánchez : toc-toc-toc...Pedro !...toc-toc-toc...Pedro !...toc-toc-toc... Pedro !

De l'autre côté de la porte, la voix de Pedro Sánchez : Ok, Borrell aux Affaires Etrangères... A l'Intérieur j'avais pensé à... Non ! Non ! N'ouvrez pas ! C'est le déjanté !

A droite, sur la porte de l'ascenseur, on lit "En panne".

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Tiré de Mariano Rajoy prend sa retraite, Pablo Iglesias, lui tire son chapeau...