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Décès du philosophe communiste Domenico Losurdo

Lien publiée le 1 juillet 2018

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://www.humanite.fr/disparition-domenico-losurdo-maitre-de-la-riposte-au-liberalisme-657539

Le philosophe marxiste italien, professeur de l’université d’Urbino, spécialiste de Hegel, est décédé à l’âge de 77 ans.

Le philosophe a soutenu sa thèse sur le hégélien Karl Rosenkranz. www.domenicolosurdo.it

Affaibli ces derniers temps (1), Domenico Losurdo vient de nous quitter. Le directeur de l’Institut de sciences philosophiques et pédagogiques de l’université d’Urbino (Italie), né en 1941 à Sannicandro di Bari, laisse une œuvre philosophique critique importante. Spécialiste de Hegel et de Nietzsche, l’auteur du Péché originel du XXe siècle (Aden, 2007), de la Contre-histoire du libéralisme (La Découverte, 2013) ou encore de la Lutte des classes (Delga, 2016) avait acquis une grande autorité dans les cercles intellectuels de la pensée critique, mais aussi parmi les communistes, dans les milieux marxistes et bien plus largement auprès des militants anticapitalistes.

La principale raison à cette grande reconnaissance – non unilatérale – de tous ceux qui ne se résolvent pas à l’ordre établi inégalitaire et inhumain du capitalisme mondialisé est que le philosophe communiste italien de formation hégélienne avait porté le fer du débat d’idées aux heures les plus difficiles devant l’offensive néoconservatrice et libérale des années 1990-2000. Le président de la société Hegel-Marx (dont il est le co-fondateur) a alors eu le mérite de susciter la discussion y compris pour accueillir la contradiction soi-même.

IL A DÉFINI« LE VÉRITABLE PÉCHÉ ORIGINEL » DANS L’EMPIRE COLONIAL

Et d’abord, en faisant une critique systémique des fondements du libéralisme économique et de l’impérialisme dominateur, il cherche par une étude minutieuse du ressort totalitariste à démontrer que le nazisme n’était pas étranger à la construction raciale expérimentée aux États-Unis par les penseurs esclavagistes du Ku Klux Klan ou dans les pratiques colonialistes. Pour ce faire, il s’est appuyé sur les affirmations de Hannah Arendt en 1951 dans Origines du totalitarisme. Domenico Losurdo définit ainsi « le véritable péché originel » dans l’Empire colonial de la fin du XIXe siècle où, pour la première fois dans l’histoire, s’est manifesté l’univers concentrationnaire. Pour lui, les origines du fascisme et du nazisme se trouvent dans les politiques colonialistes et impérialistes de l’Occident. Puis, engageant la riposte en termes d’hégémonie culturelle dans un pays qui voit l’autodissolution de son parti communiste, il élabore le concept de « l’autophobie communiste ». Selon lui, il arrive que les victimes tendent à s’approprier le point de vue de leurs oppresseurs et commencent à se mépriser. Le concept de l’autophobie est développé dans le cadre de l’étude de l’histoire juive et de l’histoire de l’esclavage. Losurdo étend ce concept aux classes sociales et aux partis politiques ayant subi une « défaite ». Largement plus discutable est son analyse du stalinisme (certains y ont vu une réhabilitation), même s’il entend maintenir un degré de rigueur intellectuelle en réfutant notamment la seule thèse de l’échec de l’étatisme. Ses analyses très récentes (2) concernant le combat de classes nous aident à penser dans les conditions d'aujourd'hui la lutte politique et la bataille d'idées.

Lire aussi l'entretien paru en 2013

https://www.humanite.fr/tribunes/domenico-losurdo-le-liberalisme-ennemi-le-plus-ach-547299

(1) Invité au Forum Marx, coorganisé par l’Humanité début 2018, il avait dû y renoncer.

(2) De nombreux de ces textes ont été publiés et traduits par les éditions Delga.

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https://www.initiative-communiste.fr/articles/culture-debats/georges-gastaud-rend-un-premier-hommage-a-domenico-losurdo-qui-vient-de-deceder-29-juin-2018/

Georges Gastaud rend un premier hommage à Domenico LOSURDO qui vient de décéder – 29 juin 2018

C’est avec un sentiment d’accablement que mes camarades et moi-même venons d’apprendre le décès prématuré et inattendu du très fin et très combatif philosophe italien, Domenico LOSURDO.

Cette figure de proue de la pensée communiste, cet historien matérialiste des idées, de stature nationale et internationale, a refusé de « fuir l’histoire », de prendre la file avantageuse des renégats du communisme, des ralliés de l’antisoviétisme de confort (cette juste expression est d’Annie Lacroix-Riz) et des croisés de la sinophobie et de la russophobie dominantes ; Doménico n’a pas voulu faire carrière en cédant à cette « auto-phobie communiste » à la mode et à cette euro-béatitude courtoise et de bon ton qui permirent à tant de « marxistes » repentis de montrer patte rose pour monnayer une reconnaissance professionnelle aussi facile que médiocre et d’avance privée de postérité.  

Losurdo a également refusé le néolibéralisme postmoderne et post-national, il a pointé l’élan historique du grand peuple chinois et a ravivé la dialectique indestructible du combat de classe et de la reconquête des souverainetés nationales.

J’avais avec lui d’ardentes et fraternelles discussions sur la question de l’Etat et de son nécessaire dépérissement (aux antipodes de l’hypocrite « moins d’Etat ! » libertarien), mais son positionnement sur ce sujet s’explique principalement par une saine réaction contre le déni révisionniste du matérialisme historique, du réalisme révolutionnaire et contre la régression de tant de « marxistes de la chaire » vers les facilités de l’utopisme et de l’idéalisme.

Il n’est pas temps encore de dresser le bilan de cet infatigable laboureur rationaliste de l’histoire de la pensée, dont les travaux démentent irréfutablement tous ceux qui repeignent le libéralisme aux couleurs de l’universalisme ou qui parent la pensée de Nietzsche de très douteuses résonances progressistes.

Alors que disparaît Doménico, qu’il me soit permis d’associer à sa mémoire d’autres grands militants et penseurs que j’eus l’honneur de croiser à ses côtés, aux Rencontres internationales de Serpa naguère organisées dans l’Alentejo rouge par feu mon ami Miguel Urbano, secondé notamment par Henri Alleg. Je pense à Jean Salem et à Georges Labica, trop tôt disparus eux aussi, et dont il faut assidument réétudier l’œuvre critique.

L’histoire rattrapera tôt ou tard ceux qui crurent la fuir à la faveur d’une époque de contre-révolution, de néo-thermidorisme et de « repentance » capitularde travestie en « autocritique ».

Mais dans l’héritage vif de l’émancipation humaine repartant à l’assaut du ciel, ton œuvre figurera au premier rang, compagno Doménico !